Isabelle Quentin, « professeure agrégée en économie gestion et bricoleuse pédagogique » mène actuellement une recherche sur les réseaux virtuels d’enseignants. Ces communautés, souvent moteurs de l’innovation pédagogique, ont pris un nouvel essor avec l’émergence des réseaux sociaux. Lieux de partages de pratiques, ils constituent aujourd’hui un outil pour faire évoluer au quotidien les méthodes des enseignants. Que sont ces réseaux, qu’est ce qui motivent les enseignants à y exposer leurs découvertes et leurs questionnements ? Réponses d’une chercheuse dont sa propre expérience nourrit sa curiosité.
Vous poursuivez actuellement un doctorat avec pour thème de thèse les réseaux virtuels d’enseignants, qu’est ce qui vous a conduit à choisir ce thème et à le traiter en profondeur ?
En fait, c’est très simple. J’ai moi même créé et animé deux réseaux de mutualisation de ressources pédagogiques dans ma discipline. J’ai eu envie (besoin ?) de prendre du recul sur ce que je faisais dans ces réseaux et pourquoi je le faisais. C’est ce qui m’a conduit à m’investir dans un doctorat sur le sujet.
Quels enseignements avez-vous tiré de votre propre expérience de créatrice et d’animatrice de réseaux ?
Cette expérience a été pour moi très enrichissante. Elle m’a permis de me confronter aux pratiques professionnelles de dizaines de collègues. Voir de quelle manière mes collègues abordaient les différentes notions du programme m’a aidé à progresser. Cela m’a poussé à innover dans mes classes. J’en profite pour remercier tous les collègues qui ont accepté de partager ainsi leurs cours et leurs expériences de terrain. J’ai également appris à animer un réseau au quotidien : faire émerger un sentiment de respect et de confiance entre les membres, inventer des règles de fonctionnement facilitant la coopération et le travail de groupe, trouver des astuces, des moyens et des techniques pour capitaliser la connaissance créée dans le réseau etc.
Comment définiriez-vous les réseaux virtuels d’enseignants? Quel est leur objet ?
C’est une vaste question ! Pour comprendre ce que font les réseaux d’enseignants, il est intéressant de rendre compte de la manière dont ces réseaux se présentent sur leur site Internet. En effet, s’ils ont tous en commun d’avoir été créés par des enseignants en activité et dans un cadre professionnel, les objectifs qu’ils affichent sont assez différents. Ils peuvent être regroupés en quatre catégories :
· Défendre une discipline : c’est le cas du réseau SESâme qui déclare que son objectif est de concevoir et de diffuser un manuel qui permette de contourner le nouveau programme des sciences économiques et sociales.
· Faciliter l’exercice du métier des enseignants d’une discipline : nous pouvons citer comme exemple de réseaux dans cette catégorie, l’association WebLettres ou l’association Lemanege.
· Faciliter l’apprentissage des connaissances et des compétences liées à une discipline. L’association Sésamath se positionne dans cette catégorie. Elle propose des ressources et des outils permettant d’enseigner ou de comprendre les mathématiques. Elle s’adresse donc aussi bien aux enseignants, qu’aux élèves (au travers de son manuel numérique Matenpoche, par exemple) ou à leurs parents.
· Promouvoir les technologies dans l’enseignement. Plusieurs réseaux d’enseignements mettent cet aspect en avant, dès la page d’accueil de leur site. Par exemple, l’association les Clionautes déclare avoir comme objectif la promotion des usages pédagogiques des TIC dans l’enseignement de l’histoire et de la géographie.
« Réseau virtuel d’enseignant » est-ce pour vous une nouvelle dénomination de « communauté d’enseignants » ou est ce une forme de communauté ?
Je suis un peu gênée par le terme communauté parce qu’il recouvre des réalités assez différentes selon les auteurs. Je lui préfère aujourd’hui, le terme de réseau de pratique. Cette expression a été proposée par Brown et Duguid pour décrire des groupes professionnels ou des mondes sociaux, partageant des pratiques communes, mais de manière indirecte alors que dans une communauté de pratique les liens sont davantage directs. Les réseaux de pratique sont des collectivités de faible intensité qui ne nécessitent pas un engagement substantiel de temps ou de coordination. Ils peuvent fonctionner sur les bases d’une auto organisation. Il me semble que cette terminologie convient bien aux groupes professionnels constitués par et pour des enseignants.
Comment naissent ces communautés ? Est-ce qu’on observe un cycle de vie pour ces réseaux ?
Elles naissent spontanément par la seule volontiers de leur(s) créateur(s). Il est difficile de répondre à la question sur le cycle de vie. Les réseaux d’enseignants bien sûr évoluent, se transforment, peuvent parfois disparaître, puis renaître. Cependant chacun possède son histoire et sa trajectoire personnelle. Je n’ai pas observé de cycle de vie commun à l’ensemble des réseaux que j’étudie.
Que recherchent les enseignants dans ces réseaux ? Un espace collectif de construction, une reconnaissance à travers la publication de leurs contributions, un lieu de liberté ?
Je pense que c’est un peu tout cela à la fois. Le besoin de reconnaissance semble être un moteur important. Les membres impliqués dans ces réseaux disent aussi qu’il s’agit pour eux d’un moyen de pratiquer leur métier en étant plus efficace. Ils disent gagner du temps en utilisant les ressources produites et mutualisées dans le réseau. Ils sont nombreux également à souligner que leur participation (active ou non) leur permet de briser un isolement ressenti.
Ils disent aussi avoir découvert grâce au réseau qu’ils fréquentent de nouvelles pratiques mises en œuvre et partagées par d’autres ce qui leur a permis d’oser tester d’autres méthodes pédagogiques dans leurs classes.
Dans vos recherches, vous parlez de gratuité à la fois comme une valeur autour de laquelle les communautés se construisent et comme une limite pour leur fonctionnement. Quel est le rapport de ces communautés avec le secteur marchand?
Il y a bien sûr des liens entre les réseaux d’enseignants et le secteur marchand (les éditeurs de manuels scolaires, les concepteurs de plateformes relationnelles ou de logiciels éducatifs). Les réseaux d’enseignants sont à la fois des concurrents mais aussi des cibles potentielles car ils bénéficient d’une image positive et d’une bonne notoriété auprès des enseignants d’une discipline. De plus, les enseignants qui s’impliquent dans ces réseaux développent des compétences professionnelles qui peuvent intéresser les entreprises du secteur privé.
Quel est l’impact des réseaux sociaux sur les communautés d’enseignants ? Est-ce que Facebook ou twitter ont donné naissance à de nouvelles formes de communautés ?
Oui certainement. D’une manière générale, tous les outils du Web participatif ont favorisé l’émergence des réseaux d’enseignants. Je remarque d’ailleurs que bien souvent les membres réseaux d’enseignants utilisent plusieurs outils pour communiquer. Il n’est pas rare qu’un même réseau possède et anime une page Facebook, un compte Twitter, une ou plusieurs listes de discussion ou forums ainsi que des outils d’écriture collaborative (wiki, par exemple).
Ceci dit, je ne suis pas sûre que se soit l’outil utilisé qui permette de définir chaque réseau, mais plutôt l’identification de ses objectifs, de ses productions et surtout de ses règles de fonctionnement.
Le site d’Isabelle Quentin sur les communautés d’enseignants
https://sites.google.com/site/isabellequentinpagepersonnelle/
Propos recueillis par Monique Royer
Un prof sur trois séduit par les TICE selon le ministère
Le site ministériel Eduscol publie une nouvelle enquête sur les pratiques numériques des enseignants du secondaire. Basée sur un petit échantillon, elle montre une pénétration plus importante de l’usage des TICE mais seulement 38% des enseignants sont convaincus de leur utilité. L’enquête a porté sur 2314 enseignants du secondaire répartis dans 4 académies et démarchés par les sondeurs, des conditions qui affectent la représentativité. La principale information c’est que 46% des sondés font utiliser les TIC par les élèves, un taux très supérieur à celui de l’enquête comparable de 2008. La moitié des enseignants ont toujours un accès difficile ou inexistant à l’informatique pour leurs élèves. Par contre la quasi totalité des enseignants est équipée de matériel informatique à titre personnel. Un tiers dispose de smartphone.
L’enquête Profetic
http://www.eduscol.education.fr/cid58720/profetic-2011.html
96% des enseignants utilisent les TIC en classe
Selon une enquête réalisée par Teach Today, un site britannique , 96% des enseignants utilisent les TIC en classe, qu’il s’agisse un TBI, un ENT ou des sites web. Pour la moitié d’entre eux c’est un usage quotidien. L’enquête révèle aussi que ce sont les enseignants de 46 à 55 ans qui sont les plus grands utilisateurs. Pour Teach Today c’est lié au fait qu’ils sont plus nombreux dans le primaire. L’enquête montre aussi que les enseignants considèrent que l’éducation à Internet entre dans leur mission.
Teach Today
http://www.teachtoday.eu/sitecore/shell/Applications/~/media[…]
Un dossier pédagogique sur Twitter
Favoriser l’ouverture au monde, améliorer la maîtrise de la langue, développer les connaissances et les compétences par la créativité, motiver les apprentissages en leur donnant un destinataire et un sens, c’est possible avec Twitter. Bertrand Formet, professeur des écoles, lauréat avec Amandine Terrier du Forum des enseignants innovants 2011, propose un dossier stimulant autour des utilisations pédagogiques du réseau social Twitter.
Sur Savoirs Cdi
http://www.cndp.fr/savoirscdi/cdi-outil-pedagogique/reflexion[…]
Sur le site du Café
|