Le B2i en 2004. Enquête et analyses 

Si l'on revisitait la liste des compétences B2i ?


par Bruno Devauchelle


Le texte initial du B2i avait envisagé la possibilité que les compétences listées soient revues et modifiées en fonction des évolutions. Il était de même prévu que les enseignants puissent ajouter des compétences non listées dans le référentiel qui auraient été mises en œuvre en classe. Si les enseignants ont peu exploré cette possibilité qui leur était donnée,depuis sa création, le B2i n’a encore fait l’objet d’aucune révision. Plusieurs aspects observés lors de la mise en place du B2i nous incitent à proposer des pistes pour réviser la liste des compétences.

Avant d’aborder ces différents aspects qui nous sont apparus comme importants au cours des dernières années, il faut rappeler une tension essentielle: entre maîtrise technique et maîtrise des usages intégrés, quelle priorité, quelle complémentarité?

En effet, ce questionnement est celui qui traverse les principaux débats dans les établissements scolaires. Les enseignants confrontés à la réalité de leur pratique rapportent très souvent le frein que constitue la maîtrise technique au développement des usages. Les échanges que la liste de diffusion des professeurs de technologies Pagestec donne à lire sont l’occasion fréquente de faire ressurgir cette question qui prend d’autant plus d’importance en ce moment, du fait de la refonte des programmes de cette discipline.

Le libellé des compétences du B2i ne simplifie pas non plus les choses pour les enseignants des disciplines les plus éloignées de cette dimension technique des technologies de l’information et de la communication. La lecture de la litanie de vocabulaire qui apparaît au début du niveau 1 et du niveau 2 est un indicateur de cette centration. Une analyse plus serrée des libellés de l’ensemble du référentiel montre qu’il y a souvent une hésitation entre ces deux pôles. N’y aurait-il pas intérêt à reconnaître plus explicitement ces deux pôles et à les séparer plus explicitement, ou à rechercher une meilleure articulation entre eux? Au risque de devoir admettre qu’une initiation technique reste nécessaire, ce qui, malgré toutes les prévisions qui annonçaient la transparence des usages, est une constante des vingt dernières années.

Le nouveau programme de technologies au collège laisse penser qu’un abandon partiel des apprentissages techniques se fait au profit des usages.

Les différents niveaux de compréhension

La lecture de l’ensemble du texte laisse apparaître des niveaux très différents de complexité. Par exemple dans la phrase: «Je sais recevoir et utiliser un fichier de texte, d'image ou de son en pièce jointe (ou attachée)» A quel niveau faut-il se situer? Autrement dit, il nous semble qu’il revient aux enseignants d’élaborer plus précisément des indicateurs et des critères des compétences pour rendre utilisable le texte en fonction du contexte de classe dans lequel ils travaillent. De plus la différence entre le niveau 1 et le niveau 2 a amené de nombreuses équipes à revisiter la liste des compétences pour les harmoniser, voire les reformuler.

Le libellé des compétences

La compréhension du libellé des compétences par les enseignants et les élèves pose de réels problèmes. La mise en œuvre se trouve freinée par la nécessité de réguler au sein des équipes les lectures possibles du texte. Par exemple: «Je sais que l'ordinateur ne traite que des informations numérisées (des 0 et des 1 sans signification particulière pour la machine) et que seule l'interprétation qu'en fait l'utilisateur permet de lui donner du sens.» demande à l’enseignant une traduction «en actes» qui semble difficile surtout pour les utilisateurs courants mais non experts. Ainsi on trouve dans les équipes la mise en tension de deux positions: une revendication de liberté pédagogique et l’attente d’une plus grande directivité «ministérielle».

L’importance donnée à des aspects plus techniques

La place donnée à la maîtrise technique dans le libellé des compétences renforce la difficulté à valider des compétences B2i dans la classe. Le peu d’appétence technique d’une grande partie des enseignants est en opposition avec cette approche qui, bien que tentant en permanence de s’en dégager, suppose en réalité la maîtrise technique comme préalable à l’usage.
Par exemple la phrase :
«créer un document avec des liens hypertextuels pour organiser la présentation de mes arguments.»
plonge nombre d’enseignants dans une certaine perplexité car elle met en avant la technique et utilise un terme (hypertextuel) qui pose problème à beaucoup d’entre eux. Les nombreuses remarques que nous avons collectées montrent bien que cet aspect technique ne se résoud pas si les enseignants n’ont pas pu prendre une relative distance avec cette dimension. Cette distance n’étant d’ailleurs pas liée à leur seule maîtrise technique, que bien souvent ils ont développée à titre personnel. Il semble que le problème réside aussi dans la représentation qu’ils ont de leur rapport au savoir enseigné, évalué et mis en œuvre dans la classe. Or celui-ci est perturbé de façon notoire par le dispositif que l’usage des TIC impose de mettre en place dans sa classe

La place de la dimension citoyenne et éthique

La présence au niveau 1 du B2i d’un domaine de compétence intitulé «Adopter une attitude citoyenne face aux informations véhiculées par les outils informatiques» pose beaucoup de questions aux enseignants, d’autant plus qu’elle disparaît dans le niveau 2 et se trouve répartie dans plusieurs autres compétences. Cette dimension, dont on a trop peu souvent dit qu’elle était centrale dans l’approche nationale de l’intégration des TIC dans l’éducation, est difficilement perçue par les enseignants. Or dans le niveau 3 elle est considérée comme transversale à tout usage des TIC, ce qui nous semble nécessaire si l’on veut faire une éducation à l’usage plus qu’à la technique.

On trouve à propos de cette dimension un questionnement fort des enseignants sur «l’esprit critique» qui est peu mis en avant dans le texte du B2i. Convoqué systématiquement à propos de l’éducation au média, cet «esprit critique» semble disparaître partiellement quand cette éducation concerne les TIC. Mais d’agit-il d’une éducation aux TIC?

Une proposition pour revisiter les compétences

Notre proposition serait de définir des domaines de compétences qui soient communs au moins aux trois niveaux. Pour chaque domaine de compétence, on définirait des progressions possibles, tant dans la maîtrise technique que la maîtrise d’usage et que de la connaissance. Au cours de l’ensemble de la scolarité chaque domaine de compétence pourrait être évalué de façon progressive et constante. Ainsi il serait possible de suivre une progression cohérente tout au long de la scolarité et en finir comme le préconise pour l’école et le collège le rapport de la commission dite «Thélot».

On trouvera ci-dessous une présentation schématique possible. L’intérêt d’une telle démarche serait de s’appuyer sur le socle C2i (1 et 2) et ainsi de permettre à chaque enseignant de pouvoir s’insérer dans le dispositif à tous les niveaux et non pas d’apprendre et d’utiliser un nouveau référentiel en changeant de niveau d’enseignement. De plus cela pourrait permettre d’envisager une progressivité des situations de mobilisation et de validation qui amélioreraient le développement réel des compétences des élèves.

 

Dimension technique:

- Mettre en œuvre les techniques nécessaires de façon autonome et pertinente

Dimension éthique et citoyenne:

- Engager des pratiques en en mesurant les valeurs juridiques éthiques et politiques

Connaissances associées:

- Mobiliser les connaissances nécessaires à la résolution de la situation vécue

C1 - Construire une représentation stable des systèmes basée sur une culture de technologies de l'information et de la communication

 

 

 

 

C2 - Organiser et gérer son espace de travail

 

 

 

 

C3 – Acquérir de l’information pertinente pour faire face à un besoin

 

 

 

 

C4 - Transformer et réutiliser des documents en vue d'une production et d'une restitution

 

 

 

 

C5 - Traiter des données chiffrées

 

 

 

C6 - Conduire des situations de communications

 

 

 

 


Bruno Devauchelle




Par fgiroud , le .

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