Le B2i en 2004. Enquête et analyses 

Evaluer la mise en place du B2i

 

par Bruno Devauchelle

 

L'évaluation des politiques éducatives est un problème récurrent. Que ce soit au niveau national (rapports de l'IGEN, enquêtes de la DEP,..) ou au niveau local (enquêtes des académies), voire même au niveau international (enquête PISA de l'OCDE). Les chercheurs (comme ceux de l'IREDU par exemple) tentent eux aussi de mesurer l'effet des politiques éducatives soit par une approche sociologique, soit par une approche historique. Les récentes études de la DEP sur les usages des TIC par les enseignants (ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/noteeval/ne0304.pdf) illustrent cette volonté de mieux connaître et donc de mieux piloter le système éducatif (une littérature abondante existe sur ce sujet).

L'observation des documents publiés sur Internet à propos des bilans de la mise en place du B2i pose de nombreuses questions qui peuvent toutes entrer dans le champ de " l'évaluation des pratiques réelles dans les établissements scolaires ". En effet la diversité des types d'enquêtes menées (quand elles le sont), la variété des réponses tant qualitatives que quantitatives et la restitution qui en est faite sur les sites internet des académies montrent la difficulté de mettre en place une véritable observation des usages dans le système scolaire.

On pourra en premier lieu reprocher l'absence de concertation entre l'ensemble des acteurs (rectorats, IA, établissements, ministère) à ce sujet, ce qui aurait permis, au moins, d'unifier les procédures de recueil d'information et donc d'obtenir un traitement plus précis. On peut se questionner de savoir si, concernant le B2i il convient de faire une enquête diligentée au niveau national ou s'il suffit de s'en tenir à des observations effectuées de façon moins systématique. De plus on pourra aussi déplorer la difficulté à recueillir l'information dans les établissements. Il est rare que le taux de réponse aux enquêtes de ce type dépasse les 50% hormis dans celles qui sont contraintes au niveau national par l'injonction du ministère de l'éducation. Il est vrai que les chefs d'établissement rapportent très souvent l'engorgement des secrétariats avec les enquêtes multiples et nombreuses qui leur sont demandées.

Au-delà de ce constat "administratif", il nous faut revenir sur la question de l'observation des pratiques réelles en établissement à partir de l'exemple du B2i en se posant la question des choix méthodologiques et des indicateurs pertinents à retenir.

  • - Si l'on s'en tient à la seule logique " comptable " on pourra simplement dénombrer les attestations de B2i délivrées au niveau académique. Toutefois, compte tenu de la nature même du B2i cela s'avère notoirement insuffisant.
    - On pourra obtenir de chaque établissement la cartographie des validations successives des items du B2i. Ainsi on pourrait savoir, pour chaque élève, à quel niveau et dans quelle discipline il a validé tel ou tel item du B2i.
    - On pourra plus précisément identifier les établissements délivrant à chaque élève une feuille de positionnement qui lui permet, de savoir " où il en est " dans son B2i. Une analyse de ces feuilles, qui devraient être désormais stockées en double dans chaque établissement, permettrait de situer les niveaux de compétences d'une population donnée.
    - On pourra aussi tenter d'identifier la progression des élèves dans le B2i si dans les établissements un suivi annuel est effectué.
    - On pourra logiquement essayer de connaître le " dispositif " retenu par l'équipe éducative pour gérer le B2i (sur la base des documents internes réalisés). On pourrait ainsi comprendre la façon dont l'évaluation s'est intégrée aux pratiques collectives.
    - Une approche plus ethnographique, basée sur un suivi d'établissement en interne pourrait permettre de faire surgir, au-delà des discours souvent rapportés, les véritables choix faits par les équipes dans la mise en place, ou non, du B2i.

L'invisibilité du processus du B2i est révélatrice de questions plus globales pour un système éducatif qui a fondé son action au XIXè siècle sur la " liberté pédagogique " des enseignants. Ne veut-on pas savoir, ne peut-on pas savoir ce qui se passe dans les établissements et les classes ? Ne veut-on pas montrer ce que l'on fait "réellement" dans le quotidien de sa classe ?

Evaluer largement la mise en place du B2i pourrait être essentiel pour les responsables et les acteurs du système éducatif. En effet les habitudes prises par de nombreux décideurs dans la gestion des systèmes et des organisations ont conforté l'idée qu'il suffisait d'ignorer certains aspects de la réalité de terrain et de s'en tenir à une simple évaluation des résultats. Or les résultats fort mitigés d'une injonction ministérielle, dans le cas du B2i, devraient faire réfléchir plus avant les responsables sur les biais qui transparaissent dans les mises en œuvres sur le terrain. Certes la difficulté d'une telle entreprise est grande et très improbable. Cependant, il nous semble, concernant le B2i qu'un véritable accompagnement des équipes, s'appuyant sur une meilleure visibilité des pratiques mises en place, aurait permis de mieux comprendre ce qui se passait et de répondre à nombre de questions apparues au cours des trois premières années.

Constatons alors, devant cette absence de lisibilité du processus de mise en place du B2i ainsi que de ses résultats qu'il y a là un " fait établi ". Autrement dit, on est forcé d'accepter cette méconnaissance des faits et de s'en tenir à de modestes estimations. Au-delà on peut considérer que ce type de pilotage institutionnel pourrait permettre d'engager et de poursuivre de nombreux projets en estimant que les résultats émergeront d'eux-mêmes comme une sorte de sélection naturelle des projets.

Pour l'enseignant dans sa classe, pour les responsables pédagogiques, pour le chef d'établissement, mieux connaître les processus de mise en place et les difficultés réelles rencontrées par les uns et les autres aurait été d'un secours important, et aurait probablement contribué à lever de nombreux obstacles, à commencer par le rituel (et parfois bien réel) discours d'opposition aux TIC en éducation : " pas de moyens, pas de formation, pas de temps "

 

Bruno Devauchelle




Par fgiroud , le .

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