Par François Jarraud
Où en est le mouvement en faveur des Rased ? Après une mobilisation exceptionnelle (plus de 250 000 signatures en quelques semaines), il semble que la suppression de postes soit actée. La semaine dernière encore, une délégation se rendait au ministère. En pure perte ?
Avec 250 000 signatures de soutien, le mouvement en faveur des Rased semblait bien parti pour sauvegarder ce réseau d’aide aux élèves. Le ministre a annoncé le maintien de 1500 postes. Etes vous satisfait ?
Il ne s’agit pas d’un maintien de 1500 postes mais d’un transfert, d’une transformation de 1500 postes d’enseignants spécialisés E ou G travaillant en RASED selon les missions définies par la circulaire 2002-113 en postes surnuméraires sur 1 ou 2 écoles dont les missions sont définis par la note de service du 3 mars.
Ce qui se décline dans les Yvelines de la façon suivante:
-1 ou 2 postes (suivant les circonscriptions ) pourvus par des enseignants spécialisés E ou G fonctionnant en RASED transformés en surnuméraires
-1 ou 2 postes (suivant les circonscriptions) parmi les postes vacants, les départs en retraite, les faisant fonction qui sont fermés (ceci pour répondre aux 1500 fermetures).
On voit bien à quel point ces décisions ministérielles affaiblissent sans précédent les RASED puisque les équipes vont fonctionner avec un effectif de plus en plus réduit (qui n’étaient déjà pas suffisamment pourvu faute de départ en formation)en ayant le même territoire à couvrir.
Pourquoi la « sédentarisation » n’est pas satisfaisante selon vous ?
Je vous renvoie à notre courrier adressé au ministre et notamment au paragraphe suivant : « Une confusion est créée entre « rattachement » et « affectation », à la fois au RASED d’une circonscription et à une ou deux écoles. Les enseignants spécialisés ne peuvent à la fois être des tiers extérieurs pour l’analyse de la difficulté scolaire et être « également membres à part entière de l’équipe enseignante de l’école ou des écoles dans lesquelles ils exercent leurs missions ». L’enseignant spécialisé sert de médiateur dans les relations entre l’élève et son enseignant, l’enseignant et la famille, la famille et l’enfant. Si l’enseignant surnuméraire « est membre à part entière de l’équipe enseignante de l’école », comment pourra-t-il jouer le rôle de tiers, de regard éloigné et distancié puisque de fait il sera partie prenante de la situation problème ? »
La « contribution » « en tant que de besoin à l’aide personnalisée » peut amener de nombreuses interprétations, allant de l’analyse de la difficulté avec l’équipe enseignante à la prise en charge effective de groupes de soutien. Cette dernière proposition serait matériellement incompatible avec « le temps consacré à la coordination et la synthèse ». Elle renforcerait davantage la confusion auprès des enfants et de leurs parents entre aide spécialisée et aide personnalisée.
Toutes ces ambiguïtés empêchent de définir clairement l’identité professionnelle des « enseignants spécialisés rattachés à une ou deux écoles » ainsi que le cadrage de leurs missions par les inspecteurs de l’éducation nationale et/ou par l’équipe enseignante. Un cadre non permanent, non commun à toutes les écoles mais inscrit dans le projet d’école entraînerait des négociations permanentes et variées autour de leur missions (forme, durée, nature…) et nuirait à l’indépendance professionnelle protégeant tout fonctionnaire d’état des pressions locales diverses.
Les missions, telles qu’elles sont énoncées dans ce courrier, nous paraissent incohérentes avec l’identité professionnelle d’un enseignant spécialisé exerçant en RASED.
Mardi 10 mars une délégation des Rased des Yvelines a été reçue au ministère. Quel bilan en faites vous ?
Pendant plus d’une heure, nous avons tenté de justifier notre demande. Nous avons exprimé notre incompréhension quant à l’absence de représentants des associations professionnelles au groupe de travail, au risque de réduire la prise en compte de la complexité des situations de difficulté scolaire à laquelle elle pouvait conduire. Nous avons mis en avant les différents champs d’intervention des RASED pour dénouer ces situations de crise, œuvrer au dépassement des difficultés et tenter de les traduire en autant d’éléments sur lesquels la présence des associations professionnelles pouvait apporter une expertise incontournable.
Il s’agissait par exemple du nécessaire maillage opéré par le Réseau des aides spécialisées autour du constat d’une difficulté scolaire y compris avec les partenaires extérieurs à l’école; du travail en équipe plurielle nécessaire à l’approche des situations problématiques et à l’élaboration d’une réponse adaptée; de la spécificité de chacune des aides possibles, en insistant sur les aides pédagogiques et rééducatives; de la connaissance des enfants en difficulté à l’école et de leurs problématiques.
Par ailleurs, nous avons insisté sur le sentiment de destruction du traitement de la difficulté scolaire que les mesures actuellement mises en œuvre par le Ministère actuellement laissaient augurer. Nous avons exprimé comment ces dernières pouvaient être prises pour du mépris par les enseignants spécialisés, les enfants et leurs familles, nous avons évoqué le découragement généré, la profonde inquiétude quant à l’abandon de ces enfants qui ne seront plus aidés faute de moyens suffisants.
Nous avons fait à nouveau le lien avec notre demande initiale. Nous avons dépeint dans le concret de certaines circonscriptions les conséquences des suppressions des postes de RASED.
Bien sûr, la note de service du Ministère (cadrage et statut des surnuméraires à titre provisoire ou définitif) a été commentée ; la lettre du Collectif RASED 78 a été donnée ainsi que « la lettre de l’AGSAS ». Nous avons insisté sur le nombre de signatures de la pétition « Sauvons les RASED ». Le nombre et la rapidité de réaction sont inédits concernant le seul domaine de l’Education Nationale.
Les représentantes du Ministère ont pris note. Elles nous ont assurés qu’elles transmettraient notre demande appuyée de notre argumentation. Nos interventions les ont convaincues de notre profond attachement au traitement de la difficulté scolaire, de notre volonté d’être considérés comme une force de réflexion et non comme une corporation arc-boutée sur des positions défensives. Mais à ce jour le ministère ne s’est toujours pas signalé auprès de nos associations professionnelles…
Comment expliquez vous que, malgré un large soutien dans l’opinion, on semble s’accommoder de la disparition des Rased ?
Le gouvernement communique de façon très habile (au lieu de nous couper les 2 jambes, il propose de nous en couper qu’une…ce qui n’a pas de sens si ce n’est de répondre à une logique économique contestable car à court terme) et l’opinion publique ne se rend pas compte que les mesures actuelles vont toujours dans le même sens celui de la disparition des RASED d’autant que depuis l’annonce des sédentarisations nous n’avons eu quasiment aucune opportunité de nous faire entendre des médias comme si pour eux aussi « le problème des RASED était derrière nous « …Et les actions menées avec les parents d’élèves ou encore auprès des élus locaux ne nous permettent pas non plus d’être écoutés.
Anne Jauffret pour le collectif 78
Voir aussi :
Malgré 250 000 signatures rien ne se passe