Alors que le ministre prépare des instructions sur la lecture et méconnait l’écriture, le Cnesco met l’accent sur l’écriture, notamment pour apprendre à lire. Le jury de la conférence de consensus réunie les 14 et 15 mars publie ses conclusions le 11 avril. Il recommande de faire écrire davantage les élèves dès l’école primaire et de ne pas hésiter à utiliser les écrits numériques des élèves. Toutes ces recommandations reposent sur l’idée que la production d’écrits est la clé de l’apprentissage de la lecture, l’orthographe et la compréhension. Une position assez opposée à celle du ministre.
Lier lecture et écriture
Présidé par Jean-Paul Bronckart, le jury de la conférence de consensus met l’accent sur le lien entre apprentissage de la lecture et de l’écriture. « Il n’est pas nécessaire d’être lecteur pour commencer à écrire. Par la suite, coordonner les apprentissages en lecture et en écriture permet de les enrichir mutuellement. La production d’écrits est susceptible de conduire les élèves à percevoir les besoins en lexique, en tournures syntaxiques, en organisations textuelles… Inversement, la compréhension exercée au cours de la lecture permet de se familiariser avec un lexique, avec des tournures syntaxiques, avec des organisations textuelles qui peuvent être réinvesties en production d’écrits », estime le jury.
L’étude de la langue et la production de textes
Il demande également d’équilibrer et articuler l’enseignement de la production de textes avec l’étude de la langue. « Divers travaux montrent une difficulté, voire une « peur d’écrire », directement liée à la performance orthographique. Les textes écrits des élèves servent souvent d’évaluation de leur maîtrise de l’orthographe. Il convient d’équilibrer les objectifs pédagogiques en articulant, dans les séquences d’enseignement, la production de textes et l’étude de la langue ». Il recommande de fonder les premiers apprentissages de l’orthographe sur les formes les plus fréquentes. « Les recherches montrent que la production écrite et l’exposition récurrentes aux mots et aux structures les plus fréquents favorisent l’apprentissage et la consolidation des formes et règles orthographiques, et leur automatisation. Il est également nécessaire d’introduire des tâches spécifiques (exercices répétés, dictées …), tout en faisant comprendre aux élèves que quand on produit un texte, il faut être capable de le réviser, voire de le réécrire. » Il invite à favoriser la révision collaborative avec des phases de réflexion en groupe.
Troisième grand axe du jury : il encourage la collaboration entre élèves dans les travaux d’écriture. « Les recherches suggèrent que la collaboration entre élèves améliore les écrits, au plan de la correction de la langue comme de la transmission du sens. Elle améliore également les compétences individuelles, car elle développe les stratégies des élèves mais également leur esprit critique et permet de co-construire des savoirs. Cette collaboration peut prendre des formes diverses : travail en duo avec des élèves « soutien », travail en petits groupes ou en classe entière… L’enseignant doit préparer cette collaboration ».
Multiplier la production d’écrits
Quatrième point : le jury recommande de multiplier la production de textes dès le CP. « Les recherches ont montré que plus les élèves rédigent, plus ils progressent. Aussi, il est nécessaire que les enseignants organisent des séquences pédagogiques fréquentes intégrant fréquemment des productions d’écrits. En particulier, il est judicieux d’introduire régulièrement des activités de production de textes courts, les recherches ayant montré que leur production favorise l’acquisition des automatismes et des démarches mobilisés dans l’élaboration des textes longs. » Ce travail sur l’écrit doit être encouragé dans toutes les disciplines. L’enseignant doit accompagner l’élève dans des activités de révision de l’écrit.
S’agissant des premières années, le jury rappelle que les non lecteurs essaient souvent d’écrire. Il invite à utiliser ces moments pour introduire des activités « d’écriture approchée » où l’enfant et le professeurs complètent les mots.
A partir de l’école élémentaire, le jury recommande d’accorder une grande place aux entrainements. « Les activités d’entrainement servent, d’une part, à automatiser certaines dimensions de la production d’écrits et, d’autre part, à favoriser l’élaboration de stratégies et de démarches différentes dans des contextes variés (récit, compte rendu de recherche). Elles doivent être proposées fréquemment aux élèves, sous forme de textes courts accompagnés de contraintes, et pour être bénéfiques aux apprentissages, s’inscrire dans un temps long, sur plusieurs années ». Par exemple ces activités peuvent consister en lipogrammes ou de stravaux d’écriture pour des destinataires différents.
S’appuyer sur le numérique
Enfin le jury recommande de s’appuyer sur les outils numériques. » De nombreuses recherches ont mis en évidence que l’utilisation des logiciels de traitement de textes a des effets positifs sur la qualité de la préparation et de la structuration des textes. Toutefois, de nouvelles recherches doivent être conduites, dans des contextes scolaires », estime le jury. » Il est important de souligner que les pratiques personnelles des élèves et leurs usages de la langue (réseaux sociaux, langage sms, blogs) mobilisent la dimension créative et communicationnelle de celle-ci. Établir des passerelles entre ces usages peut présenter un intérêt pour l’enseignant afin d’amener les élèves à appréhender l’écart entre pratiques personnelles et pratiques scolaires ».
Pour tout cela, le jury recommande de ne pas changer sans cesse de programmes mais de former les enseignants notamment aux fonctions pédagogiques des outils numériques. Là aussi la recommandation semble s’adresser à JM Blanquer alors qu’il prépare de nouvelles instructions.
François Jarraud