Mardi 3 avril 2018, des événements graves se sont produits devant le lycée Maurice Utrillo de Stains (Seine – Saint – Denis). À 7h45, une voiture, occupée par des personnes cagoulées, s’est arrêtée devant le parvis de l’établissement alors que les lycéens affluaient pour commencer leur journée de cours. Les occupants ont visé l’un des lycéens avec une arme à feu. À midi, l’un des assistants d’éducation qui se trouvait à la grille de l’établissement pour assurer l’entrée et la sortie des élèves a été menacé d’une arme blanche par plusieurs personnes en scooter. Et à 13H20, c’est un autre élève qui a été agressé par cinq individus, toujours cagoulés, munis de hachoirs et bâtons. Cela ressemble à un film de Tarantino, mais depuis le début de l’année scolaire, il s’agit bien de ce que vit la communauté éducative de cet établissement – élèves, enseignants, personnels de la vies scolaire, parents…
Des élèves attaqués au hachoir
Le personnel du lycée s’est exprimé dans un communiqué rédigé lors d’une assemblée générale durant laquelle ils ont décidé d’exercer leur droit de retrait : « Les événements d’hier viennent malheureusement s’ajouter à une longue série de faits graves survenus depuis le début de l’année dans notre établissement. Est-il nécessaire de rappeler que le vendredi 24 novembre 2017 ce sont contre des bidons d’essence et des briquets que nous avons dû lutter ? Doit-on redire que l’un de nos élèves a été frappé à coups de marteau devant notre établissement le 12 mars 2018 ? Est-il normal que des enfants, nos élèves, viennent sur un lieu d’éducation angoissés et apeurés ? Est-il normal pour eux d’assister à des scènes violentes et traumatisantes avant d’entrer en cours ? Est-il normal que les personnels de cet établissement, et particulièrement les personnels de vie scolaire soient angoissés avant de débuter leur journée de travail ? ».
Inaction du rectorat ?
Le collectif dénonce l’inaction de l’éducation nationale. « Le Ministère de l’Éducation nationale ne nous apporte aucun soutien (aucun courrier, aucune visite, rien). Le rectorat ne nous a pas reçu en audience depuis le 12 mars.. Le rectorat continue à retirer les samedis et les dimanches aux personnels vie scolaire qui ont fait grève début janvier pour demander le maintien d’un poste de surveillant qui allait être supprimé au lycée. Aujourd’hui, tout prouve que nous avons besoin d’encore plus d’adultes dans notre établissement et pourtant, le rectorat continue à nous répondre que « nous sommes bien dotés ». Nous contestons cela ». Ils dénoncent aussi l’absence de la police devant l’établissement. Mercredi 4 avril une cinquantaine d’enseignants décide de renvoyer les élèves chez eux et d’exercer leur droit de retrait.
Ces événements violents sont liés à des règlements de comptes de bandes rivales de différents quartiers de Pierrefitte-sur-Seine et Stains. Depuis septembre, le parvis devant le lycée est le lieu privilégié d’affrontements entre ces jeunes, certains scolarisés au lycée Utrillo, d’autres pas. En octobre, certains élèves étaient pris en embuscade sur la route de l’établissement ; en novembre, un jeune est blessé. En janvier, alors que la totalité du personnel vie scolaire est en grève pour demander des moyens supplémentaires, plusieurs départs de feux volontaires dans l’enceinte de l’établissement sont constatés. Le rectorat a dépêché plusieurs EMS (équipe mobile sécurité) en renfort. Le 12 mars, un lycéen est violemment agressé à coup de marteaux et tournevis, avec des représailles, en fin de journée, à la machette, au pistolet à plomb ou encore à la bombe lacrymogène.
Interrogé par le Café pédagogique, le rectorat de Créteil dit avoir conscience de la situation complexe dans laquelle se trouve le lycée. « Le lycée est soumis à une violence extérieure à l’établissement. L’émotion est légitime. On y travaille, sur le plan pédagogique et avec la police. Il n’y a pas d’indifférence de l’institution, mais faire croire que la situation est simple est irresponsable ». Le rectorat insiste aussi sur le rôle des AED (assistant éducation) – dont il estime que la dotation est à la hauteur des besoins – et des EMS (équipe mobile sécurité) dont la mission « n’est pas de faire du maintien de l’ordre à l’extérieur du lycée ». Le rectorat rappelle aussi que malgré tous les événements survenus, il n’y a eu aucun dépôt de plainte, ce qui complique le travail de la police.
Et c’est vrai, la violence est extérieure. Mais c’est tout un lycée qu’elle empêche d’accéder aux cours. Les enseignants ne peuvent plus travailler dans une situation où leurs élèves sont en danger. Et comme cela dure, cela amène à s’interroger. Comment l’Etat peut-il laisser la situation se gangréner autant ? Des établissements d’enseignement public, des élèves sont-ils abandonnés à leur sort parce qu’ils vivent dans une banlieue populaire ?
Julie Claude
L’année dernière le lycée Utrillo était à l’honneur pour ses excellents résultats dans le Café pédagogique : Qu’est ce qui fait la réussite du lycée Utrillo de Stains ?