Préparer son orientation professionnelle pendant les vacances scolaires, pour un élève de Première Bac Pro, la perspective peut sembler utopique. C’est pourtant ce qu’a proposé Corinne Bocher, professeur en arts appliqués et auteure d’une méthode d’aide à l’orientation active, à 130 élèves de son Lycée de l’Initiative (Paris 19ème) au début de cette année. Avec deux collègues formées à sa méthode, elle a rassemblé 40 volontaires dont 20 se sont fermement inscrits dans la démarche. « Il ne s’agit pas de se substituer aux conseillers d’orientation, précise Corinne Bocher. Le cœur de la méthode, c’est de mettre les gens en mouvement.»
Titulaire d’un diplôme en ingénierie de la formation, dotée d’une solide expérience dans le domaine des arts, elle a créé en 2011 le Réso SODA, une association pour l’accompagnement des jeunes dans la construction de leur projet personnel et professionnel, qui lui permet de mettre en œuvre sa méthode d’orientation active et d’en développer la diffusion en partenariat avec des institutions culturelles et éducatives. Corinne Bocher accompagne également ses élèves de MANAA (préparation aux écoles supérieures d’art), réservée aux Bac Pro, une action de réalisation culturelle avec le 104 à Paris. Son projet a été présenté au 6ème Forum des enseignants innovants à Nantes.
Des POM’s et des réseaux en cercles extensifs
Au Forum d’Orléans, les participants avaient pu découvrir les Pom’s (Petits Objets Multimédias) conçus par Corinne Bocher dans le cadre de sa méthode d’orientation. Cette année, son projet concernait des élèves de 1ère Bac Pro : 5 classes, spécialisées en communication visuelle, marchandisage et BMA céramique. Avec le soutien de Réso SODA, la structure associative qu’elle a créé en 2011, et deux collègues formées par elle, Corinne Bocher a proposé aux 130 élèves de Première et à leurs familles sa démarche d’orientation, dès le début de l’année scolaire. L’objectif : préparer sereinement et progressivement l’échéance d’APB en Terminale, que tous redoutent mais qu’ont plus de mal à affronter encore ceux dont la scolarité a été difficile. Après une séance pendant les vacances de février, une vingtaine d’entre eux est entrée dans la démarche et s’est engagée dans la phase de rencontres professionnelles. La seule manière de changer ses idées préconçues sur les métiers, pour Corinne Bocher. Mais comment sonner à la bonne porte ? « Chacun a un réseau personnel : famille, amis, relations , qui ont eux-mêmes des familles, des amis, des relations ; cela fait au moins un double cercle. Si on met en commun les réseaux de 20 personnes, on peut trouver l’interlocuteur qu’il faut ! Chaque élève est reparti avec 2 ou 3 contacts. »
Le mouvement, la rencontre, la trace
Corinne Bocher va suivre ce groupe au long de son parcours d’orientation, jusqu’à la Toussaint 2013 où ils feront ensemble le point sur leurs avancées. Ils seront prêts à utiliser le système APB (admission post-bac) plus sereinement, avec un recul, une information et une connaissance de soi plus solide. « La colonne vertébrale de la méthode, souligne C. Bocher, c’est de sortir de la passivité, se mettre en mouvement, pour élargir le champ des possibles. Et pour cela, il faut aussi qu’ils s’astreignent à une démarche d’écriture, qui n’est pas du tout évidente pour des élèves en difficulté scolaire. Mais sans ce travail d’écriture, impossible de confronter ses idées à différents moments, de modifier sa pensée, de faire évoluer ses conceptions. Si on n’écrit pas, on ne se souvient pas de ce qu’on pensait il y a 6 mois. Le mouvement, la rencontre et la trace : ce sont des clés pour l’orientation. »
Une expérience en section commerce et en BTS
L’an prochain, Corinne Bocher travaillera avec les élèves des sections commerce du lycée : « ils sont souvent là par défaut, et on a tendance à placer dans ces sections des élèves avec de fortes personnalités, souvent un fort dénigrement du système scolaire, aussi. Le travail sera mené en AP, sur le temps de classe hebdomadaire, avec les professeurs principaux (dont l’un a fait le stage de formation à la méthode). On verra comment ça se passe ! » Parmi les collègues formés par Corinne Bocher, 2 autres se sont tournées vers les BTS première année, où l’effectif fond de près de la moitié en cours d’année. De quoi justifier un travail spécifique avec les élèves, sur eux-mêmes , le sens de leur présence au lycée, leurs perspectives à venir. A l’occasion d’une journée initiale d’intégration, les collègues ont déployé quelques outils de la méthode : « c’est une base de réflexion sur soi-même, explique C. Bocher. Qui suis-je, quelles sont mes valeurs, mes centres d’intérêt, qu’est-ce que je viens faire là ?.. La somme des informations recueillies lors de cette journée d’intégration a fourni une synthèse dont les professeurs principaux se servent toute l’année – en particulier pour le choix de stages, qu’ils soient en accord avec les envies des élèves. Les élèves ont bien accueillis cette démarche, ils étaient touchés qu’on se montre attentif à eux, ils voyaient les profs autrement… »
Pas une recette miracle, une culture de l’orientation
Une autre collègue encore a intégré des éléments de la méthode à son enseignement de français pour le bac. « L’intérêt de cette méthode, explique C. Bocher, c’est qu’elle est à géométrie variable : chacun peut en faire autre chose. Il y a des règles à respecter : mettre en mouvement, ne pas dire « non » à un projet, rendre l’élève volontaire… Mais on n’est pas des conseillers d’orientation : il ne s’agit pas de leur indiquer ce qu’ils doivent faire, juste les accompagner dans un cheminement qui tend à les rendre le plus autonome possible. » Parmi les 18 collègues formés par C. Bocher, 15 ont trouvé leur propre manière d’utiliser la démarche. Une réussite qui encourage l’enseignante à en développer la diffusion, sous réserve d’un conventionnement par les organismes de financement de la formation professionnelle. Une expérience menée avec succès avec l’AFAREC (organisme de financement de la formation des établissements privés sous contrat) permet d’espérer une homologation dans le cadre du DIF, pour des projets personnels ou des projets d’établissement. « Ce n’est pas une recette miracle, mais cela permet de développer une culture de l’orientation dans les établissements, à tous les moments et par tous les acteurs de la scolarité. »
La passerelle – MANAA expose au Centquatre
Du côté de la classe passerelle MANAA qu’elle a créé au lycée, Corinne Bocher met en œuvre autrement sa conception de l’orientation, en inscrivant les étudiants dans le Forum des Dynamiques culturelles du territoire, organisé par le Centquatre à Paris. Le Forum, qui rassemble des acteurs culturels et scolaires du Nord Est parisien, fait travailler des jeunes sur les pratiques artistiques amateurs, à partir de propositions du Centquatre. Pour les élèves de MANAA, une exposition sur le thème de « La Nature » a conduit à en concevoir une autre sur le thème de « Notre Nature » humaine. « L’idéal pour acquérir des méthodologies de création », estime C. Bocher. » Avec l’appui de Réso SODA, les rencontres avec des professionnels ont permis de changer le regard des étudiants sur les professions, mais aussi le fait de « mettre la main à la pâte » : ils ont expérimenté les fonctions de commissaire, régisseur, scénographe, relations publiques, chargé de communication, de montage, de vernissage « et tout cela au Centquatre, dans un cadre prestigieux, selon un calendrier bien calé avec la partie du concours. » La présentation de l’exposition, les 25 et 26 mai, permettra de découvrir les travaux d’étudiants, étonnants de créativité et de réflexion. Un lit d’enfant surchargé d’objets technologiques et animé d’une respiration venue du dessous ; un personnage sans tête dont le vêtement s’ouvre au passage du spectateur pour dévoiler, en une courte vidéo, son intériorité… Chaque dispositif est conçu, réalisé , mis en place par les étudiants et accompagné d’une notice explicative réalisé par eux.
« Tous ses projets visent à rendre les élèves plus autonomes, et surtout à les aider à se réapproprier un parcours scolaire souvent subi par défaut. S’il faut se préparer à s’orienter toute sa vie, il semble plus sage d’y travailler dès la formation initiale pour pouvoir construire son propre parcours personnel et professionnel », conclut Corinne Bocher.
Jeanne-Claire Fumet
S’orienter dans les domaines artistiques et culturels, par Corinne Bocher- Editions Eyrolles, janvier 2011.224 p., 19€
Notre Nature au 104
http://www.104.fr/programmation/evenement.html?evenement=217
Réso-SODA
Les études d’art
Mode, BD, musique, design : ce nouveau Dossier de l’Onisep invite à découvrir les univers de la création. Il fait le point sur les formations supérieures artistiques et présente les différentes écoles et filières. Il montre aussi comment entrer dans une filière, quel bac choisir. Des responsables de formation et des enseignants donnent des conseils.
Le sommaire
http://www.onisep.fr/Toute-l-actualite-nationale/Etudes-apres-le-bac/Avril-2013/Les-etudes-d-art
Etudes : Combien tu gagnes ?
Les jeunes pour qui le salaire est un élément important d’orientation vont enfin être satisfaits. L’Etudiant fait connaitre les salaires moyens à la sortie des études. L’étude a été réalisée dans une soixantaine d’entreprises et elle porte sur 16 000 salariés ayant suivi plus de 300 formations. Les indications données sont précises. Ainsi au niveau bac +2, le BTS NRC est plus coté que le MUC. Le DUT gestion des entreprises est le diplôme le plus rémunérateur, le BTS banque le moins intéressant financièrement. Dans les écoles de commerce bac +2, HEC est bien sur très bien placé loin devant ISC ou ISG.
Etudes et salaires
http://www.letudiant.fr/etudes/futur-salaire.html
L’Europe améliore son taux de diplômés… malgré les garçons
Le taux de diplômés du supérieur en Europe s’améliore relève Eurostat. Avec 36% des 30-34 ans ayant achevé des études supérieures, l’Europe se rapproche de l’objectif de 40% pour 2020. Cependant on observe de fortes inégalités à l’intérieur de l’Europe avec un taux de 22% seulement en Italie et en Roumanie et 26 ou 27% en Autriche et Portugal. A l’inverse, le Royaume-Uni, les pays nordiques ou l’Irlande cavalent à 50%. La France est faussement une bonne élève : elle annonce 44% de diplômés grâce à ses formations courtes (BTS , IUT) qui sont sa spécificité. Mais ce que montrent aussi ces données c’est l’écart important entre les sexes dans le succès universitaire. Si en Europe, 36 % des 30-34 ans ont achevé une formation supérieure, c’est 40% des femmes et 31% des garçons. En France, l’écart est un peu plus fort (49 et 38%). Il est énorme en Finlande, au Danemark, en Slovénie et presque nul en Allemagne, Luxembourg, Roumanie et Portugal.
Données Eurostat
http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/3-11042013-BP/FR/3-11042013-BP-FR.PDF
Et réduit ses sorties sans qualification
Parallèlement l’Europe a réduit de 14 à 13% son taux de 18-24 ans sortis sans diplôme supérieur à celui de fin de collège. En France ce taux est de 12%. Là aussi on observe de forts écarts : l’Espagne (25%), le Portigal (21%), la Roumanie (17%) ont des taux très lourds quand la Pologne, la République tchèque , la Slovénie, la Slovaquie arrivent à diplômer pratiquement tous les jeunes.
Données Eurostat
http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/3-11042013-BP/FR/3-11042013-BP-FR.PDF
Sur le site du Café
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