Comment dégager 18 milliards d’économies du budget de l’Etat sans toucher l’Education nationale ? A l’évidence ce n’est pas aisé puisque l’Education nationale est de loin le premier ministère par son budget (68 milliards). D’un coté le gouvernement promet de maintenir le recrutement des 54 000 postes d’enseignants supplémentaires d’ici 2017. De l’autre il stabilise après 2015 le budget de l’Education nationale. La contradiction est reportée à 2016.
« J’ai fait de l’éducation la priorité de mon mandat et je m’y tiens et même dans cette période où nous appelons à un effort sans précédent d’économies, la création de postes dans l’Education nationale a été maintenue au chiffre près. De la même façon, le budget de l’Education nationale a été considéré comme prioritaire ». Le 7 juillet, Benoît Hamon a du entendre avec plaisir ces mots de François Hollande. Ils confirmaient les arbitrages budgétaires que Bercy rend publics le 9 juillet.
L’effort sans précédent se traduit par 18 milliards d’économies dans le cadre du programme de stabilité d’ici 2017. Dès 2015, 1,8 milliard sera dégagé du budget de l’Etat puis 2 milliards les deux années suivantes. Le reste est pris chez les autres acteurs de la dépense publique, en premier lieu les collectivités territoriales qui devront économiser 11 milliards. Le total des dépenses des ministères passera de 202 milliards en 2014 à 200 en 2017.
10 000 créations de postes par an
Pour l’Education nationale, la programmation budgétaire triennale 2015-2017 rappelle » la priorité donnée à la jeunesse, qui implique la création des 60 000 postes programmés dans l’éducation nationale et une trajectoire ambitieuse pour les emplois d’avenir et le service civique ». Les 60 000 postes comprennent les emplois créés dans l’enseignement supérieur et l’enseignement agricole en plus des 54 000 propres à l’éducation nationale. Seulement deux autres ministères créeront des emplois sur cette période : l’Intérieur et la Justice avec 3 200 postes de policiers, gendarmes et personnels de justice. L’effort consenti pour l’éducation nationale est donc exceptionnel dans un budget marqué par les contraintes. Les documents de Bercy et ceux de Grenelle (Education nationale) ne se recoupent pas exactement dans le décompte des postes. Mais tous convergent vers les 54 000 postes.
Le projet de budget présenté par Bercy prévoit 29 644 créations d’emplois d’ici 2017 qui, ajoutés aux 24 261 déjà budgetés aboutiraient aux 54 000 postes attendus. Pour 2015, ce sont 9 421 emplois qui seront créés. S’y ajouteront 69 000 contrats aidés, 10 000 emplois d’avenir professeurs et 48 300 emplois d’assistants d’éducation. 2150 postes d’assistants d’éducation seront créés d’ici 2017 dans les Rep. La programmation triennale prévoit aussi 420 créations de postes dans l’enseignement agricole.
Dans un communiqué, Benoit Hamon se félicite de « la progression des moyens de l’éducation nationale » qui « traduit la volonté politique du gouvernement d’ancrer l’école comme l’un des moteurs essentiels de la lutte contre les inégalités ». Et il se réjouit de voir son budget augmenté de 1,15 milliard en 2015.
Mais un budget stabilisé après 2015…
Effectivement le budget de l’Education nationale passera de 68 milliards en 2014 à 19,2 milliards en 2015. Mais après 2015 il se stabilise : 69,4 pour 2016 et 69,8 pour 2017. Or 2016 et 2017 devraient voir davantage de créations de postes que 2015 pour attendre les 29 644 programmés par Bercy. Comment concilier les créations de postes avec un budget quasi stabilisé ? Il y a là une opération bien difficile.
Mais le doute ne s’arrête pas là. Les prévisions du Dossier ministre réalisé par la Dgesco montrent que les 54 000 postes ne suffiront pas pour faire face à la fois à la croissance démographique et aux objectifs de la refondation. L’observation du recrutement montre que le ministère ne réussit pas à embaucher le nombre d’enseignants prévu. De nombreux postes restent non pourvus et les plafonds budgétaires ne sont pas atteints. Bercy a-t-il prévu cette réalité en bloquant le budget de l’Education nationale après 2015 ? Dans tous les cas les capacités d’arbitrage du ministre seront fortement sollicitées dans les années à venir.
François Jarraud