L’exposition aux écrans est « un sujet complexe, notre boussole doit rester la protection de nos enfants face aux dangers des écrans, il est de notre devoir d’adulte de leur garantir un développement en bonne santé. » affirme Rodrigo Arenas, député NFP-LFI. Mercredi 27 novembre 2024, il a présenté des amendements, parmi eux, l’un vise à « mettre en place une interdiction de l’exposition aux écrans des enfants de moins de 3 ans ». La série d’amendements proposés a pour objectif de protéger et responsabiliser par l’interdiction et la formation. Le Café pédagogique rencontre le député pour mieux connaitre ses propositions sur la place des écrans à l’école et dans la société.
Vous proposez un amendement pour légiférer sur l’usage des écrans des moins de 3 ans, d’enfants gardés en crèche ou en famille. Pensez-vous que l’interdiction soit possible à cet âge comme à tout âge d’ailleurs ? Est-ce réellement possible ?
Cette question est un enjeu de santé publique majeur, c’est avant tout une démarche qui consiste à faire prendre conscience aux adultes des dangers de l’addiction aux écrans, notamment pour les enfants et particulièrement les plus jeunes d’entre eux. Actuellement de très nombreuses études ont été publiées sur le sujet et elles ont la caractéristique d’être toutes convergentes pour dénoncer cet usage qui porte atteinte à la santé de nos jeunes. Concernant les enfants de 0 à 3 ans en particulier, les conséquences sont catastrophiques : troubles de l’humeur et de l’apprentissage, troubles du comportement, troubles neurologiques débouchant sur des troubles autistiques…
Intégrer l’interdiction dans la loi c’est permettre de faire prendre conscience, dès maintenant, de la dangerosité de l’addiction aux écrans, particulièrement pour les plus jeunes d’entre eux, il est urgent d’agir !
Un amendement porte sur l’éducation : quelle proposition pour former les élèves au numérique à l’école et éduquer à l’usage responsable « contre les risques d’addiction et aux conséquences néfastes qui peuvent en résulter » ?
L’Homme utilise des outils au quotidien pour l’accompagner dans sa vie quotidienne : depuis le silex jusqu’aux outils numériques en passant par le stylo. Il est essentiel de former les enfants à l’usage de ces outils en tenant compte de leur âge, comme l’expliquent Bernard Stiegler et Donald Winnicott. Or, autant on enseigne aux jeunes l’utilisation du stylo, y compris sa prise en main, autant il n’y a aucun accompagnement ni aucune formation sur les usages des outils numériques. Ils sont mis entre les mains de nos jeunes sans formation, sans mise en garde y compris pour les enseignants et les parents.
Notre société ne peut plus se passer des outils numériques, quelle que soit votre activité professionnelle vous êtes amené à les utiliser et notre dépendance à leur égard est totale. Le numérique est un langage il faut enseigner à coder comme on enseigne le français mais cela ne signifie pas pour autant généraliser les écrans.
Vous souhaitez « mettre en place une restriction de l’usage du numérique à l’école en instituant des quotas journaliers visant à limiter le temps numérique, de façon adaptée selon les classes d’âge. » S’agit-il de l’usage numérique en cours ?
Cette mesure est cruciale. Comme je l’ai décrit juste avant, on ne peut plus se passer des outils numériques. En revanche, c’est comme pour toute pratique, son utilisation abusive est néfaste pour la santé, son mécanisme relève du même mécanisme que l’addiction au tabac ou à l’alcool. Chez les ados et les jeunes adultes, en plus des troubles de l’attention, parfois des troubles cognitifs, les experts relèvent des atteintes graves à la vision et le taux de troubles visuels s’est multiplié chez les plus jeunes.
C’est donc une question de santé publique et en l’absence d’une forte prise de conscience et d’une auto régulation, il est urgent de limiter le temps d’exposition aux écrans, de mettre en place une adaptation modulée selon les classes d’âge, en fonction des besoins des programmes et en respectant la liberté pédagogique des enseignants.
J’espère qu’à terme les utilisateurs eux-mêmes comprendront la nécessité de maîtriser leurs usages numériques.
Dans une société hyperconnectée et numérique, pensez-vous que l’école doit se passer des écrans ?
Ce serait aussi idiot que de se priver de livres avec l’invention de l’imprimerie. Mais le numérique a pris une telle place dans notre société que les enfants doivent l’appréhender pour devenir des acteurs et pas seulement des spectateurs ou des consommateurs. Je suis tout à fait opposé à la suppression des manuels scolaires en version papier et du tout-numérique à l’école ; initiée dans la région Grand-Est cette mesure est désormais appliquée en Ile-de-France également, où Valérie Pécresse a décidé de supprimer les manuels scolaires papier.
Concernant l’interdiction des téléphones portables au collège, j’y suis favorable, sauf si leur usage se fait sous l’autorité des enseignants, dans un cadre éducatif et pédagogique. Nous ne devons pas perdre de vue que derrière les téléphones individuels, de grandes multinationales sont en embuscade avec comme seul objectif de transformer les usagers en simples consommateurs, et notamment d’opérer cette transformation chez les utilisateurs dès le plus jeune âge.
Je dois également me confronter aux réalités des besoins pédagogiques des enseignants qui doivent garder leur liberté et leur autonomie tout en sachant que, depuis plusieurs années maintenant, toute la gestion administrative a basculé sur des outils tels que les espaces numériques de travail, avec notamment Pronote. C’est donc un sujet complexe, notre boussole doit rester la protection de nos enfants face aux dangers des écrans, il est de notre devoir d’adulte de leur garantir un développement en bonne santé.
Propos recueillis par Djéhanne Gani