Par François Jarraud
L’expression est affreuse et suintante d’hypocrisie. Inventée par un bureaucrate anonyme et peut-être canadien, elle désigne justement ceux que la tradition républicaine refuse de considérer comme un ou plusieurs groupes puisque la République ne saurait reconnaître de groupe dans la nation. Or la question de la reconnaissance des groupes « raciaux » au sein de la classe est ouvertement posée dans plusieurs pays par ceux-là même qui défendent l’idéal égalitaire et qui se soucient de lutter contre l’inégalité des chances. Pour assurer sa démocratisation, l’Ecole doit-elle voir ou non ces minorités ?
La question ne s’aborde pas que sous l’angle de la ségrégation. On sait qu’aux Etats-Unis, la politique de busing, qui vise à imposer la mixité « raciale » dans les établissements est maintenant condamnée parla Cour suprême. En France, si l’Ecole ne classe pas ses élèves en fonction d’une appartenance « raciale », elle sait pourtant, sans le dire, effectuer un tri des élèves en fonction de ce critère. Ainsi Georges Felouzis a pu montrer une nette ségrégation dans les collèges de Gironde, avec d’un coté des établissements « blancs » et de l’autre des collèges où sont regroupés les autres.
La question est actuellement posée sur le terrain strictement pédagogique. Dans quelle mesure les enseignants doivent-ils prendre en compte la dimension « raciale » dans leur pédagogie ? Le problème a été formulé aux Etats-Unis lors de l’affaire des « Iena Six ». Après cette bagarre entre élèves noirs et blancs, les analystes ont pu montrer que les enseignants, blancs et issus des clases moyennes, n’avaient pas été capables de comprendre les signaux d’alerte envoyés par leurs élèves des minorités visibles. Ils avaient aveuglément minoré la tension.
Du coup, un nouvel ouvrage « Every Day anti-racism » invite les enseignants américains à adapter leurs cours à ces minorités. On y apprend à reconnaître les pratiques de classe qui exacerbent les tensions raciales, à choisir des posters et des exemples qui accordent une place à chacun. Cela englobe la constitution des groupes ou du plan de classe de façon à encourager ou décourager la mixité. En Angleterre, le président de la commission pour l’égalité raciale a carrément demandé l’ouverture de lycées spéciaux pour jeunes garçons noirs afin de leur offrir une pédagogie adaptée.
Evidemment ces démarches nous heurtent. Reconnaître l’existence des minorités visibles c’est en soi valoriser la ségrégation et encourager la diffusion des stéréotypes. En même temps, les résultats de Pisa nous disent que notre système éducatif pêche par son manque d’ouverture et de soutien aux minorités. Ils nous invitent donc à les reconnaître au nom de l’égalité.
L’affaire Iena Six
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2007[…]
Articke Felouzis
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2005/03/inde[…]
Article Education week
http://www.edweek.org/ew/articles/2008/01/30/21race.h27.h[…]
Minorités visibles : Toronto ouvre un lycée « noir »
L’Expresso du 31 janvier essayait de faire comprendre l’évolution des systèmes éducatifs vis-à-vis de la question raciale dans les pays anglo-saxons. Un nouvel exemple est donné aujourd’hui avec l’annonce de l’ouverture d’un lycée « pour noirs » à Toronto, au Canada.
L’établissement public intègrera « les connaissances et les expériences des peuples originaires d’Afrique dans l’enseignement ». L’objectif est de lutter contre le décrochage des lycéens noirs.
Article BBC News
http://news.bbc.co.uk/2/hi/americas/7217212.stm