Alors que la voie professionnelle est encore largement une filière de raccrochage d’élèves en difficulté scolaire au collège, le décrochage a-t-il la même signification en LP et en CFA ? Le Céreq publie les résultats d’une étude qui montre que des facteurs différents agissent et donc que les politiques de raccrochage sont différentes. Une analyse qui fait sens au moment où le gouvernement veut fondre les deux publics dans les mêmes LP.
« En LP, le décrochage s’apparente en effet en grande partie à l’échec scolaire et sa prévention privilégie la lutte contre l’absentéisme. En CFA, la question du décrochage apparaît avec les résiliations de contrats d’apprentissage, dès lors qu’elles entraînent l’arrêt du parcours de formation. Les actions de prévention privilégient de ce fait l’amélioration des relations du CFA avec les entreprises. Entre les deux filières de la formation professionnelle initiale, les différences de statut – scolaire pour les élèves de LP, salarié pour les apprentis – conditionnent tant la conception du décrochage que l’action collective en matière de prévention », note l’étude du Céreq.
En LP
En LP, « Dans chaque établissement, l’échec scolaire étant identifié comme cause principale du décrochage, les actions de repérage et de prévention portent sur les absences, la discipline (sanctions et punitions), les ruptures de scolarité (abandons, exclusions par le conseil de discipline) et les réorientations en cours d’année », poursuit le Céreq. « par exemple, en accord avec les enseignants concernés, la direction du LP situé en REP+ a fait le choix de restructurer son CAP commerce, que tous les élèves réussissent parce que c’est l’un des plus accessibles, mais sans trouver de travail ensuite. L’expérimentation mise en place consiste à recentrer la première année du CAP sur les enseignements relatifs à l’apprentissage du métier lui-même, et à consacrer la seconde année à un travail sur l’employabilité des élèves, en partenariat avec les entreprises du bassin d’emploi et les acteurs du service public local de l’emploi ». On remarquera au passage que la réforme du LP prévoit de faire le contraire… « En LP, où le décrochage est majoritairement conçu comme l’aboutissement d’un processus d’absentéisme, l’action de prévention accorde une place centrale au repérage, à la gestion et au suivi des absences, la priorité absolue étant de garder les élèves au sein des établissements. » Et la lutte contre le décrochage concerne l’équipe éducative en entier.
En CFA
C’est très différent dans l’apprentissage (CFA) où le statut de l’élève n’est plus le même. Le jeune apprenti est un salarié qui passe les deux tiers de l’année en entreprise et qui n’a de comptes à rendre sur son comportement en formation qu’à son patron. En CFA la prmeière cause de décrochage , c’est à dire la résiliation du contrat, est liée à la qualité des relations entre apprenti et employeur « et au décalage qui peut exister entre les conditions réelles du travail en entreprise et les représentations que s’en faisait le jeune a priori. Ce décalage explique les ruptures précoces qui interviennent souvent en période d’essai. Il est aggravé dans les secteurs d’activité marqués par un déficit d’attractivité et de mauvaises conditions d’emploi, qui engendrent démotivation et problèmes de comportement chez les apprentis (retards, absences, manque d’implication dans le travail). La tension qui en résulte dans les rapports avec les employeurs incite nombre d’entre eux à résilier leur contrat ».
« Dans les CFA, l’encadrement institutionnel de la prévention du « décrochage » ne relève pas du rectorat mais du conseil régional et les équipes péri-enseignement sont réduites. La priorité étant donnée à la prévention des résiliations « sans suite », les « développeurs » – en charge du démarchage des employeurs en vue de conclure des contrats d’apprentissage – sont en première ligne. Leur action préventive, alimentée par les visites d’entreprises et les données relatives aux résiliations, débouche sur le repérage d’entreprises susceptibles de concentrer davantage de ruptures contractuelles afin d’éviter d’y envoyer les jeunes ».
Décrochage et mixité des publics
En conclusion, le Céreq rappelle la situation nouvelle mise en place par la loi sur l’avenir professionnel et la réforme de la voie professionnelle. « L’idée d’un rapprochement des deux voies de formation au sein des lycées professionnels invite à faire en sorte que, quels que soient leurs statuts et leurs établissements, les jeunes bénéficient de services d’accompagnement répondant à des normes de qualité fondées sur un suivi individualisé. De même, il importe manifestement de jouer à plein des marges de manoeuvre ouvertes par les nouveaux référentiels de diplôme en vue de renforcer l’interaction des matières générales avec les enseignements professionnels ».
Ce dernier point semble acquis avec les co-interventions imposées par la réforme. Mais celle ci se traduit surtout par un affaissement de l’enseignement général , réduit en durée et réduit à de l’utilitarisme lors des co-animations.
On voit mal comment va pouvoir se vivre le mélange d’apprentis et de lycéens dans les classes des LP. Or celle-ci va intervenir très vite, les établissements étant contraints d’accepter les apprentis en classe. Les différences énormes de statut entre apprenti et lycée pros vont rendre très difficile l’enseignement. Comment dans ces classes à public mixte pourra fonctionner une véritable politique de prévention du décrochage ?