En publiant « Professeurs et élèves : les bons et les mauvais » Jean Houssaye (ESF 2001, 171 p.), au travers d’ un titre qui peut sembler « accrocheur » pose une question essentielle. N’y a-t-il pas derrière l’ensemble des questions d’éducation et en particulier celles posées à l’école, une récurrence du thème du bon et du mauvais. La lecture, ou plutôt la relecture interprétée de nombreux travaux de recherche réalisés au cours du XXè siècle est très éclairante. Entre psychologie et sociologie, echappées elles aussi de la philosophie, les sciences de l’éducation tenteraient de devenir (enfin ?) la science de l’éducation. C’est au travers de la permanence de la question des bons et des mauvais que Jean Houssaye nous invite à relire ces travaux. Situé dans le champ de l’histoire des questions pédagogiques, ce travail éclaire l’histoire des sciences de l’éducation.
Les trois chemins de traverse que nous propose l’auteur sont éclairant de la méthode de travail adopté :
– La distinction entre le descriptif et le prescriptif entre l’explicatif et le normatif dans les sciences de l’éducation ne serait-elle pas une base pour comprendre la difficulté des sciences de l’éducation à se dire comme science par le fait qu’elles sont souvent traversées par l’envie, parfois inconsciente d’être prescritives et normatives, bien qu’elles s’en défendent ?
– Le triangle pédagogique, cher à l’auteur, reste pour lui un bon analyseur. « Bref la quotidienneté scolaire semble continuer à être régie par la primauté du rapport maitre-savoir. »(p.159) Cette formule lapidaire vient ici rappeler que les sciences de l’éducation sont en difficulté face aux modèles du quotidien, malgrès leurs tentatives répétées au travers de l’histoire d’introduire les autres parties du triangle (élèves, maître, savoir).
– Le sens de l’éducation n’est pas l’apanage de la philosophie, mais il traverse l’ensemble des travaux analysés. Point d’observation privilégié des travaux, il met en alerte le chercheur sur la façon dont sont menés les travaux. « Comme si être à l’école n’allait plus de soi. Comme si la jonction entre l’élève et l’institution n’était plus de l’ordre de l’adéquation. Comme si la question du bon et du mauvais élève devenait de plus en plus problématique et signifiante. » (p.160). Il devient évident que la question du sens de l’école est désormais au centre des préoccupations des sciences de l’éducation à la fin du XXè siècle.
La rigueur de l’exposé qui nous est proposé fait de cet ouvrage une référence pour ceux qui veulent essayer de comprendre l’évolution des sciences de l’éducation au XXè siècle. Au delà de cette dimension historique, l’ouvrage permettra à l’enseignant d’analyser son positionnement pédagogique. A partir du dualisme psychologie-sociologie, qui est l’entrée principale pour la relecture qui est faite des travaux, les enseignants qui s’engagent dans la lecture de cet ouvrage trouveront un outil pour mieux comprendre l’action de l’école, et prendre pied dans le débat essentiel qui traverse l’école et qui conclue cet ouvrage, bien au delà du titre : pour qui l’école fait-elle encore sens ?
Jean Housaye, Professeurs et élèves : les bons et les mauvais, ESF Paris, 2001, 171 p.
Bruno Devauchelle
Cepec