Par François Jarraud
Eva Joly n’avait pas choisi n’importe quelle école pour cette étape décisive de sa campagne. L’école publique Saint-Merri, juste en face du Centre Pompidou à Paris est une école innovante. Accompagnée de Philippe Meirieu, elle saisit l’occasion pour exposer son programme pour l’Ecole. Eva Joly lie démocratie et réforme pédagogique.
Au centre de Paris, l’école de la rue Saint-Merri est un établissement innovant déjà par son architecture. Les 19 classes sont réparties en vastes plateaux qui accueillent, sans cloisons séparatrices, trois classes. « Les trois classes travaillent ensemble », nous explique Luc Richard, un des deux directeurs. « Il y a une nécessité structurelle de travailler en équipe par niveau ». « Il y a ce regard croisé qu’il n’y a pas ailleurs », poursuit l’autre directeur Thierry Baud. « L’enseignant qui a préparé sa leçon va voir celle qui se fait dans la classe d’à coté. Il y a ainsi un retour sur ce qui se fait. Le regard du collègue, celui des parents qui entrent en classe et celui des enfants. Du coup les enfants mettent en commun aussi leurs projets ». Car l’autre particularité de l’école c’est l’ouverture sur les parents. Ici les parents entrent en classe « comme à l’école maternelle ». « C’est un contact permanent et très simple qui permet de gérer les problèmes au fur et à mesure », explique Luc Richard. « C’est pas évident pour les enseignants mais ça se passe bien », explique une mère de famille. L’école est située dans un quartier qui perd des habitants. Elle recrute donc une partie de ses élèves hors secteur sur dérogation auprès de parents portés par le projet éducatif. Les associations de parents sont très présentes dans la vie de l’école. Ils organisent de très nombreuses activités périscolaires artistiques, sportives et culturelles.
Rompre avec l’élitisme et le tri
« Une réforme démocratique ne peut s’opérer qu’à partir d’une réforme pédagogique », explique Eva Joly. « Notre école est une distillerie d’élite », poursuit-elle. « Elle fait du mal car elle laisse beaucoup d’enfants au bord de la route. Ca a une implication démocratique profonde. Ca donne aux enfants dès la plus petite enfance l’idée qu’ils ne sont pas bons et n’ont pas droit à la parole, que la parole est réservée au premier de la classe. Moi qui vient d’un autre pays, je sais qu’il est possible de faire autrement ». La candidate écologiste a mis à son programme une école fondamentale de 6 à 16 ans sans sélection, sans orientation, à l’image de ce qui se fait dans des pays nordiques. Elle préconise aussi le « gap year » : une ou plusieurs années de formation libre entre 16 ans et le bac. Une pratique assez fréquente aux Etats-Unis. « On met l’épanouissement de l’enfant au centre ».
Des moyens pour quoi faire ?
Eva Joly n’élude pas la question des moyens. « On veut mieux doter l’école, on veut créer des postes, mais on veut aussi une réforme pédagogique », nous dit-elle. « Je promets le recrutement de 25 000 enseignants pour réparer le plus urgent. Mais j’engage une grande réforme pédagogique. Il faut remettre en place la formation des maitres mais dès cet été je voudrais faire 200 universités d’été destinées aux enseignants pour essayer de compenser un peu l’absence de formation pédagogique ». Pour répondre aux inégalités scolaires, elle nous dit vouloir diminuer le nombre d’élèves dans les classes des quartiers difficiles et y affecter des enseignants expérimentés. « On suivra l’exemple des autres pays : plus de moyens là où c’est nécessaire ».
L’école, ferment de citoyenneté ?
Plusieurs enseignants de l’école avaient attendu Eva Joly pour exprimer leur amertume de n’être pas reconnus comme école officiellement innovante. L’école négocie avec l’administration pour conserver ses moyens. Pour eux, il y a bien un lien entre leur pédagogie et la politique. « La grand différence c’est qu’on travaille beaucoup sur la citoyenneté », nous confie une enseignante. « Les enfants sont de vrais citoyens en herbe et pas de bons petits soldats. Ils prennent la parole et on réfléchit sur beaucoup de sujets. On fait des conseils coopératifs, des réunions en classe. Les enfants n’ont pas de problème à lever la main. Ils construisent des règles de vie, par exemple sur les jeux de ballon dans la cour. Notre programme d’instruction civique on le traite a travers ces institutions ». Les professeurs sont restés discrets sur leur vote à l’exception d’une enseignante électrice de JL Mélenchon. Du côté des enfants, pas de mystère. Eva Joly, très bruyamment acclamée, est leur candidate.
François Jarraud
Liens :
Entretien avec Eva Joly
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2[…]
Entretien avec F Cocq porte parole de JL Mélenchon
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Entretien avec V Peillon porte parole de F Hollande
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