Par Françoise Solliec
Faire jouer des élèves dans une comédie musicale, un projet qui à la base n’a rien de très original. Mais quand la comédie est une création de deux professeurs de collège, pour les textes aussi bien que pour la musique, que le spectacle est reconnu par tous les spectateurs comme de grande qualité et qu’aucun des acteurs ne veut voir l’aventure s’arrêter, un tel projet peut avoir des suites inattendues. Jusqu’où va-t-il emmener les élèves et les professeurs du collège de Souillac ?
Un projetà l’origine banal, une aventure enthousiasmante
En décembre 2006, au collège de Souillac, dans le Lot, Jean-François Gallon, professeur de français et Frédéric Larrieu, professeur d’éducation musicale, décident de mettre en commun leur expérience professionnelle de création artistique (Jean-François a publié plusieurs textes, Frédéric a été 6 ans intermittent du spectacle) pour créer une comédie musicale que les élèves interprèteront à un spectacle de fin d’année. Les vacances de Noël permettent l’écriture de Demain l’Aurore : « Tom est amoureux d’Alice, qui l’aime aussi. Mais rien n’est simple : ils ont 15 ans, des parents et des profs !…Ce sont des adolescents. Mais ils ont des amis, aussi. Des frères, des soeurs. Mille émotions, mille sentiments à la minute. Et l’espoir en un jour meilleur, aux couleurs d’un monde plus harmonieux, donc plus beau. Se trouveront-ils alors ? Et pousseront-ils, tous ensemble, la porte de cette aurore nouvelle ? »
Dès la première présentation, déclarent les auteurs, la nouvelle œuvre emballe ceux qui la découvrent. Le principal du collège accepte l’idée d’un encadrement professionnel au niveau de la réalisation technique et de la chorégraphie scénique, des collègues se disent prêts à jouer les rôles adultes, les élèves se pressent pour participer. Bien que seuls dix choristes et quinze rôles soient retenus, ceux qui n’en font pas partie sont recrutés pour la réalisation.
Fait remarquable, l’entreprise a clairement généré une vraie dynamique dans l’établissement et les auteurs s’en félicitent. « Spontanément, certains collègues qui ne seront pas sur scène se proposent pour aider à l’organisation du spectacle prochain. Détaché de tout cadre, mis à part celui du « spectacle de fin d’année », le projet présente pourtant l’avantage d’un travail approfondi sur :
– le théâtre et la poésie en tant que genres littéraires et leurs codes
– le jeu théâtral et ses spécificités
– le langage musical, ses subtilités et sa complémentarité avec le texte
– le chant, et sa dimension théâtrale
– la danse, en tant qu’expression corporelle
Sans oublier trois aspects plus généraux, indissociables d’une telle entreprise : l’implication dans un travail d’équipe, l’engagement personnel sur le long terme et la connaissance de soi ».
Bien entendu, le spectacle qui a lieu en juin 2007 au palais des congrès de Souillac obtient un franc succès et ravit les 900 spectateurs. La presse et la télévision locales ne tarissent pas d’éloges et les élèves et leurs parents ne sont pas les derniers à demander une nouvelle production de Demain l’Aurore.
Alors, tous les participants continuent à travailler pour améliorer la production et leur maîtrise de la scène et de nouvelles représentations ont lieu fin 2007 dans le cadre national du Téléthon. Même si certains des élèves sont désormais au lycée de Gourdon, le groupe reste uni et souhaite prolonger encore cette aventure, ce qu’il fera le 29 juin 2008, au Festival de théâtre jeunes « Monistrol sur Scène », à Monistrol-sur-Loire (43).
Mais cela ne semble pas encore suffisant à l’ensemble des acteurs impliqués et un projet beaucoup plus ambitieux prend corps petit à petit.
Tel que décrit par Jean-François Gallon et Frédéric Larrieu, il s’agit pour les élèves qui ont déjà travaillé sur la pièce d’« organiser une «tournée» de Demain l’Aurore dans certains collèges et lycées de l’Académie, de France, et même étrangers, durant une période scolaire (4 semaines dont 3 sur temps scolaire et 1 de vacances), et encadrer cette «tournée» par une école itinérante s’appuyant sur les moyens technologiques les plus modernes, et sur plusieurs dispositifs pédagogiques adaptés et innovants ». En fait les porteurs du projet prévoient l’utilisation d’une plate-forme éducative électronique (Moodle) qui sera alimentée par les enseignants des élèves en tournée pour que ceux-ci continuent leur scolarité.
« Ce projet », ajoutent-ils, « permet de porter la pièce devant un public scolaire très large : quoi de plus exaltant, pour des adolescents, que de pouvoir la diffuser devant des pairs? Il rapproche les deux « établissements parents » (Souillac/Gourdon) et engendre une forte interactivité avec les établissements « hôtes ». Il propose enfin une expérience unique et enrichissante aux élèves, tant au niveau pédagogique qu’artistique et, dans toute sa dimension humaine, participe pleinement à la construction du projet personnel de chaque élève en contribuant à la connaissance de soi, des autres et des métiers du spectacle ».
Il faut cependant qu’un tel projet connaisse une certaine pérennité : Jean-François Gallon et Frédéric Larrieu imaginent ainsi « Faire un travail de fond sur la pièce (ou sur une nouvelle) avec de nouveaux élèves du collège de Souillac et du lycée de Gourdon, pour toute la durée de l’année scolaire (2008-2009), afin qu’ils puissent à leur tour être amenés à jouer, et à partir en « tournée » en 2009-2010 (et ainsi de suite à l’avenir ».
Le projet a déjà recueilli l’assentiment des chefs d’établissement du collège de Souillac et du lycée de Gourdon. Les 20 élèves qui partiront l’an prochain, de la mi-janvier à la mi-février sont désignés ainsi que les 4 enseignants qui les accompagneront. Des partenaires potentiels très divers ont été approchés : collectivités locales, presse écrite et audiovisuelle, compagnie de transport, compagnies informatiques qui pourraient à fournir le matériel de la plate-forme, etc.
Reste encore, et ce n’est sûrement pas une mince affaire, à convaincre le niveau institutionnel pour lequel l’interlocuteur est l’inspecteur d’académie du Lot, mais nos organisateurs ont bon espoir de recueillir son soutien et les autorisations nécessaires. Il faudra ensuite définir les établissements hôtes et leur proposer un protocole d’organisation très complet : « En effet, le spectacle n’est pas conçu comme une simple visite faite à des publics successifs. Au contraire : il prend tout son sens dans la mesure où il génère une forte implication de l’établissement, ou des établissements hôtes de la ville étape. Concrètement, plusieurs dispositifs sont mis en place :
* Chaque collège partenaire reçoit plusieurs mois à l’avance les partitions des choeurs du spectacle. L’enseignant d’Éducation Musicale, dans le cadre de la chorale par exemple, les travaille avec ses élèves. Et le jour venu, ils deviennent choristes durant la ou les représentation(s).
* Quelques élèves d’un lycée professionnel du bassin impliqué (inscrits par exemple en section coiffure et en section esthétique) viennent coiffer et maquiller les « comédiens » avant et pendant le spectacle.
* Une rencontre, conférence entre les membres de la tournée et la ou (les) communauté(s) scolaire(s) hôte(s) est systématiquement programmée le jour même ou le lendemain du spectacle : c’est l’occasion de tous les échanges, et de tous les
partages.
* Des installations permettant l’exercice de l’EPS sont fournies, et pourquoi pas préparées avec leurs élèves, là aussi, par les enseignants hôtes ».
Espérons donc que ce beau projet pourra se réaliser et souhaitons à Demain l’Aurore une tournée 2009 particulièrement heureuse, que nous ne manquerons pas de suivre, au moins partiellement.