Par Benoît Montégut
Comment l’EPS peut-elle aider les élèves en difficulté ? La loi pour la Refondation de l’Ecole de 2013 énonce que « l’école doit être juste pour tous, ambitieuse pour chacun ». La réussite de tous les élèves est au cœur des préoccupations du système éducatif, notamment chez les élèves les plus en difficulté, dont on s’aperçoit étude après étude qu’ils le sont de plus en plus.
Nous vous proposons ce mois une série d’articles concernant l’enseignement de l’EPS en milieu difficile.
Comment l’EPS peut elle apporter sa pierre à l’édifice, qui paraît parfois inatteignable ? Telle est la ligne que nous suivrons à travers les différents entretiens que nous vous proposons.
Guillaume Dietsch est professeur agrégé d’EPS au Lycée Professionnel Aristide Briand au Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis (Académie de Créteil). Il est aussi co-responsable de la formation académique UNSS en futsal. Enfin, il est chargé d’enseignement à l’Université Paris Est-Créteil (Paris 12) dans le cadre de la préparation à l’Agrégation Externe d’EPS. Guillaume Dietsch est à la fois un théoricien et un praticien, une position intéressante.
Cette double valence vous aide-t-elle dans votre quotidien de professeur EPS ?
Il me semble que cette double valence est complémentaire dans le métier d’enseignant. Elle me permet d’avoir une certaine réflexion critique sur mes pratiques d’intervention selon des logiques ascendante (en partant de problématiques de terrain) et descendante (à partir de recherches scientifiques dans le champ de l’intervention).
L’idée de mes travaux et de mes propositions est de s’attacher à conserver les exigences de faisabilité et d’efficacité dans et par les pratiques d’enseignement. En effet, dans le contexte éducatif actuel de lancement de la conférence nationale sur l’évaluation des élèves (lancé par le Ministre Benoît Hamon le 24/06/16 et repris par la Ministre de l’EN actuelle Najat Vallaud-Belkacem), il nous est demandé de rendre compte des acquisitions des élèves. Aussi, en EPS, il est attendu d’évaluer et de rendre lisible les acquisitions motrices et les apprentissages des élèves. C’est ainsi que les résultats de mes travaux se centrent sur les apprentissages réels de mes élèves d’un point de vue moteur et méthodologique et social, tout en pouvant être opérationnalisés sur le « terrain ». J’ai donc à cœur de prendre appui sur des problématiques professionnelles de terrain comme objet d’étude. Ensuite, partant et confrontant des recherches scientifiques existantes, je tente d’apporter des pistes de réflexion afin de résoudre des interrogations professionnelles qui me sont propres ou qui concernent peut-être d’autres collègues.
Vous avez une approche didactique particulière du football. Pourriez-vous nous la présenter ?
L’ambition de mes travaux est d’analyser l’impact d’une forme de pratique scolaire innovante en football, inspirée des règles du futsal, sur les apprentissages d’élèves issus de milieu difficile en EPS. J’entends par « fut-sal », une forme de pratique scolaire du football, inspirée des règles spécifiques du futsal, en particulier la règle des fautes collectives, mais pratiquée sur terrain extérieur. Considérant que cette forme de pratique scolaire se réfère à des pratiques sociales et culturelles qui lui donnent sens, j’interroge également les outils que l’enseignant d’EPS peut concevoir et mettre en œuvre dans cette activité sur la durée d’un cycle pour favoriser les apprentissages d’élèves garçons de Terminale BAC PRO.
Pourquoi avoir choisi l’activité football avec ces élèves de milieu difficile ? N’est-ce pas une difficulté supplémentaire ?
J’ai fait le choix de me centrer sur l’activité football, parce que les vertus éducatives de cette APSA semblent parfois décriées au regard des comportements déviants et violents présents dans le football et médiatisés dans la société. Les représentations négatives du football dans la société rejaillissent au niveau scolaire, où le « foot » subit le refus voire l’opprobre des enseignants d’EPS à le programmer et à l’enseigner. Pourtant, l’activité football représente la première pratique institutionnelle sportive en France. Les réticences des enseignants d’EPS à proposer l’activité football semblent d’autant plus importantes en milieu difficile « citadin » au regard du rapport à l’activité des élèves. En effet, les élèves garçons de « quartier » vouent un « culte de la performance individuelle » (Lepoutre, 1997) et se définissent souvent par un rapport problématique à la règle. Ces constats m’ont servi de point de départ à la compréhension des actes de mes élèves en EPS et plus particulièrement dans l’activité football. Ces faits peuvent révéler pour certains collègues une difficulté supplémentaire. Or, je pense que le football répond, comme tous les autres sports collectifs enseignés, aux objectifs de l’EPS.
Dès lors, même s’il convient de rester lucide sur les déterminismes sociologiques pesant sur des élèves issus de milieu difficile, je suis convaincu que l’enseignant se doit de rester ambitieux sur les apprentissages en milieu difficile d’élèves pouvant être des « acteurs pluriels » (Lahire, 1998). Selon moi, l’élaboration d’une forme de pratique scolaire en milieu difficile a pour but de confronter l’élève à une expérience socialisatrice différente par rapport à leurs codes de banlieue.
A l’issue de cette réflexion, je me suis posé la question suivante : quelles formes scolaires valoriser en EPS, et notamment en football, pour permettre à mes élèves des apprentissages réels et signifiants ? Prenant appui sur des « pratiques sociales de référence » (Martinand, 1989), l’enseignant d’EPS se trouve confronté d’une part, à la question de la référence culturelle par rapport à la culture sportive et d’autre part, à la diversité des formes de pratique du football prise dans la société et dans les cités. Or, nous observons actuellement une transformation de la pratique du football dans les quartiers et dans la société, notamment avec l’émergence du futsal.
Pourriez-vous justement nous présenter cette activité, notamment la règle des fautes collectives ? Les représentations des élèves sur cette activité et les valeurs qui en découlent sont-elles différentes ?
Le futsal est né de la volonté de créer un nouveau sport collectif avec des règles du jeu spécifiques et adaptées aux missions d’une association de jeunes chrétiens en Uruguay. L’idée originelle était de créer un nouveau sport avec des règles bien plus strictes qu’en football. Le futsal a été créé à l’origine comme une activité récréative pour favoriser l’éducation des jeunes adultes et la mixité sociale, établir des liens entre les communautés et enseigner les valeurs de respect et de non-violence.
La règle des fautes collectives amène l’élève dans son individualité à se maitriser, au risque de pénaliser l’ensemble de son équipe. La comptabilisation des fautes collectives oblige les élèves à devoir canaliser leur énergie et à maîtriser leurs réactions. S’ils contestent une décision arbitrale ou se montrent trop agressifs sur le terrain, leur équipe sera pénalisée. En effet, pour une séquence de jeu de 8 minutes, un pénalty est accordé à l’équipe adverse à la 3ème faute collective ou faute cumulée de l’équipe.
Contrairement au football, la nature culturelle du futsal est fondée sur des valeurs éducatives, où l’esprit collectif est prépondérant, notamment à travers les règles spécifiques du jeu. A titre d’exemple, la règle du contact beaucoup plus stricte que pour le « football extérieur » (tacle interdit sur l’adversaire, pas de charge épaules, etc.), ou encore la règle des fautes collectives, implique une maîtrise de soi individuelle et un sens du collectif afin de ne pas pénaliser ses partenaires. En outre, le développement du futsal au niveau des clubs de quartier amène de plus en plus d’élèves à intérioriser ces règles spécifiques et ainsi, à mieux comprendre l’esprit collectif du jeu.
Présentez-nous l’organisation de cette forme de pratique scolaire ?
Lors de mes leçons, mes élèves sont regroupés en 3 équipes de 6 joueurs. La structure de la leçon reste identique au cours du cycle et respecte les étapes suivantes : un échauffement contextualisé, une situation d’apprentissage à effectif réduit en fonction des objets d’enseignement retenus, puis une situation de référence. La situation de référence articule différents temps : 1) une situation réelle de jeu (8 minutes), dont les règles sont celles du football avec intégration de la règle des fautes collectives issue du futsal. Deux équipes s’affrontent alors que la troisième occupe les rôles sociaux de co-arbitres, d’assistants à la table de marque et d’observateurs ; 2) la réalisation pour chaque équipe d’un débat d’idées (2 minutes maximum) à l’issue de chaque séquence de jeu ; 3) l’organisation de débats au sein du « collectif de la classe » ; 4) un bilan des interventions de chacun au sein de la classe mené par l’enseignant.
De plus, je dirais que mes travaux de type « technologique à visée didactique » (Bouthier & Durey, 1994) projettent de faire vivre aux élèves une expérience collective signifiante tout en favorisant de réels apprentissages. L’approche technologique vise à produire des connaissances utiles à la décision dans un acte d’enseignement, qui est une activité d’intervention visant à transformer la réalité (Bouthier, 2014). Cette approche me semble particulièrement intéressante pour présenter les apports et l’impact d’une forme de pratique scolaire sur les apprentissages réels et possibles en milieu difficile.
En outre, ma proposition de forme de pratique scolaire s’intéresse au rôle d’arbitre dans le cadre du football, mais également en EPS. Je suis parti d’un constat suivant : dans le cadre de l’EPS et des sports-collectifs notamment, je trouve que les rôles sociaux (arbitre, observateur) sont utilisés le plus souvent de manière formelle afin d’ « occuper » tous les élèves, et non dans une perspective fonctionnelle, c’est-à-dire accompagnée d’apprentissages réels. Je pense dès lors qu’il s’agit de donner les moyens aux élèves d’arbitrer en toute sérénité et de pouvoir progresser dans leur pratique pour ainsi, former des élèves citoyens et acteurs « cultivés, lucides, autonomes » (MEN, 2009) et critiques de l’évolution même du football. Ce regard « critique », cette prise de distance, témoigne à mon sens d’une intelligence tactique du jeu. Les travaux en didactique des sports collectifs et plus particulièrement en football, montrent l’intérêt d’une prise de distance sur l’action, à travers la construction de « règles d’actions », ce qui a été finalisé par les travaux de recherche relatifs au « débat d’idées » (Gréhaigne & Godbout, 1998). Le « débat d’idées » permet d’articuler des temps moteurs, par une observation d’une séquence de jeu, avec des temps non-moteurs, par une analyse d’une séquence de jeu. Je suis d’avis que les apprentissages des rôles sociaux d’arbitre et d’observateur sont importants en EPS afin de confronter l’élève à cette expérience forte et se rendre compte des comportements parfois déviants de ses camarades.
Comment concrètement organiser ce débat d’idée au sein de la classe ? N’est-ce pas difficile de faire verbaliser vos élèves sur ce qu’ils viennent de faire ? Comment finalement dépasser le simple résultat du match pour aller vers des apprentissages signifiants ?
Le temps de débat d’idées est organisé à l’issue de la séquence de jeu. Chaque collectif se réunit selon les modalités que j’ai développées dans l’organisation de la forme de pratique scolaire proposée. Il a bien évidemment fallu un temps d’adaptation aux élèves pour s’approprier ce nouvel outil. Ainsi, la durée des débats d’idées et le nombre d’élèves prenant la parole au cours des débats d’idées a augmenté progressivement. De même, le type d’informations échangées par les élèves lors des différents débats d’idées a évolué au cours du cycle.
Au début du cycle, les élèves se sont principalement centrés sur l’arbitrage (« Ils ne connaissent pas les règles » ; « Les arbitres ne sifflent pas trop les fautes », etc.) et les problèmes de jeu (« On ne faisait pas assez tourner le ballon » ; « Il y a des joueurs qui montent trop », etc.). En outre, la centration des échanges autour des problèmes d’arbitrage et de jeu est corrélée à un nombre important de fautes collectives et de contestations des joueurs. L’évolution de la durée des échanges, l’augmentation du nombre d’élèves prenant part au débat et leur centration progressive sur la construction de solutions, ont favorisé une réflexion collective par rapport au problème posé dans la pratique du jeu et ensuite, ont permis des apprentissages signifiants. En fin de cycle, les élèves se sont centrés davantage sur la recherche de solutions, au niveau du jeu (« Il faut passer sur les côtés » ; « Il faut avoir un soutien et aller plus vite » ; « On doit faire coulisser le bloc en défense » ; etc.), et au niveau de l’arbitrage (« Quand il y a une faute de mon côté, laisse moi m’en charger, sinon tu vas être en retard s’il y a une autre action de ton côté » ; « Dès qu’il y a une faute collective, tu la signales à la table de marque » ; etc.). Cette évolution positive sur la temporalité d’un cycle témoigne de progrès significatifs et d’une construction progressive de la solution par les élèves, ce qui peut permettre à l’enseignant de dévoluer en partie les apprentissages aux élèves.
Quels ont été vos résultats ?
Pour pouvoir analyser les résultats obtenus, les données ont été recueillies à partir d’un enregistrement filmé des séquences de jeu et des débats d’idées. A partir d’un recueil de données chiffrées et d’observations de critères, concernant le nombre de fautes collectives, le nombre de contestations (verbales) par équipe, le co-arbitrage et le score, les observateurs fournissent aux autres élèves et à l’enseignant des indications leur permettant d’organiser le retour d’informations et de nourrir le débat d’idées.
Les résultats montrent que l’instauration de la règle des fautes collectives a permis une diminution sensible des contestations des joueurs lors des séquences de jeu. De même, les élèves se sont progressivement engagés dans le débat d’idées pour co-construire une réflexion collective sur les solutions à donner par rapport à un problème posé par l’arbitrage ou par le jeu. De plus, leur engagement dans l’élaboration collective de la réponse par rapport au rôle d’arbitre, a permis d’observer une diminution des problèmes liés à l’arbitrage et une réelle amélioration de l’occupation des rôles sociaux corrélative d’apprentissages de type méthodologique.
Ces éléments offrent des pistes de réflexion concernant l’intervention de l’enseignant d’EPS en milieu difficile, au regard de l’élaboration d’une forme de pratique scolaire, des effets du débat d’idées, ou encore de l’implication des élèves dans des rôles sociaux (arbitre, observateur) au service des apprentissages et de la compréhension des règles du jeu. Enfin, les quatre phases du dispositif peuvent permettre d’opérationnaliser les « temps de concertation » préconisés entre les séquences de jeu (MEN, 2009) qui, il me semble, ne sont pas suffisamment exploités par l’enseignant d’EPS.
Quels indicateurs avez-vous utilisé pour témoigner de l’apprentissage de vos élèves ?
Les résultats m’ont également permis d’identifier cinq configurations prototypiques (dans le sens où elles se reproduisent au cours du cycle) à partir de l’analyse et de la sélection de 70 séquences de jeu amenant à un tir. Ces résultats m’ont permis de réaliser une analyse qualitative du jeu en sport collectif. L’identification de ces configurations prototypiques permet d’évaluer un niveau de compétence attendue et qualifier les acquisitions motrices des élèves au niveau collectif sur la temporalité d’un cycle. Je dirais que l’identification de configurations de jeu par l’enseignant et/ou l’élève est un indicateur fort de la compétence attendue et de l’efficacité collective des équipes.
Certaines configurations de jeu identifiées m’ont permis de caractériser le niveau de mes élèves à l’interface entre le Niveau 3 et le Niveau 4 de la Compétence attendue (MEN, 2009). Ainsi, la configuration de jeu observée en début de cycle (leçon 2) : « La récupération médiane au milieu de l’EJE suivie d’une passe courte au sol par le joueur », correspond à un niveau 3 de compétence en cours d’acquisition : une « organisation offensive simple, fondée sur l’action individuelle du porteur de balle, début d’échanges entre deux partenaires dans l’axe du but, pour accéder à l’espace de marque ». En fin de cycle (leçon 6), la configuration de jeu : « La récupération médiane en arrière de l’EJE suivie d’une passe courte au sol par le joueur » répond à un niveau 4 de compétence attendue : une « organisation offensive liée à des enchaînements d’actions privilégiant l’utilisation alternative des couloirs latéraux et du couloir central. Echanges qui créent le déséquilibre ». L’évolution des configurations de jeu identifiées et analysées et donc d’un niveau de compétence attendue, témoigne selon moi de progrès réels et de transformations motrices des élèves au niveau collectif au cours du cycle. Toutefois, il faut rester lucide sur les progrès de mes élèves et l’acquisition pour certains du niveau 4 de compétence. En effet, les élèves de la classe ont tous un vécu dans la pratique du football (scolaire, UNSS, club, loisir). Ils ne peuvent donc pas être considérés comme des élèves « débutants » dans l’activité.
Je pense également que l’instauration de la règle des fautes collectives lors des séquences de jeu a eu un impact au niveau des apprentissages moteurs des élèves : sur la fluidité du jeu en attaque et sur l’intervention maitrisée en défense.
Après ce travail d’identification et de sélection de situations prototypiques, se pose maintenant le problème de leur utilisation par les élèves. Aussi, je suis d’avis que l’utilisation de l’outil vidéo en sport collectif est susceptible de favoriser leur réutilisation en situation de jeu. Partant, une étude future pourrait se centrer sur le visionnage par les élèves des configurations de jeu choisies avec pour objectif de viser une adaptation des organisations collectives choisies en fonction du rapport de force adverse. Cette future étude consisterait à un prolongement du débat d’idées qui intégrerait l’utilisation d’outils vidéo, ce qui revoie selon moi à l’acquisition de compétences scolaires. Aussi, afin que l’élève puisse exploiter ces outils d’apprentissage, le rôle de l’enseignant est de guider l’élève et lui permettre d’identifier ses progrès à travers des indicateurs moteurs lisibles tels que : le lieu de la récupération (basse, médiane, haute), la modalité de la récupération (en avant de l’Espace de Jeu Effectif (EJE), au milieu de l’EJE, à la périphérie de l’EJE, en arrière de l’EJE) et le choix de jeu adopté suite à la récupération (poursuite du jeu par un tir, une conduite de balle, une passe courte au sol, une passe longue).
Votre expérience est-elle généralisable ?
Je tiens à nuancer la généralisation des résultats à l’ensemble des élèves issus de milieux difficiles au regard du contexte de cette étude, qui concerne une classe de terminale BAC PRO, dont les élèves ont pour perspective proche le baccalauréat, ce qui atteste d’une certaine réussite de leur parcours. Pour autant, en se centrant sur l’activité d’apprentissage des élèves dans la mise en œuvre d’une forme de pratique scolaire accordant une large place au débat d’idées, cette expérimentation renseigne les manières dont ces élèves peuvent construire un rapport positif aux apprentissages.
En outre, se pose la question de la généralisation et de la diffusion d’une forme de pratique scolaire très souvent contextualisée : à l’établissement, aux élèves, à la conception de l’enseignant, etc. Peut-on proposer et généraliser cette forme de pratique scolaire à différents contextes d’enseignement ? Concrètement, je n’aurai certainement pas proposé cette forme de pratique scolaire du football à une classe composée uniquement de filles. A cet égard, je suis convaincu qu’une forme de pratique scolaire en milieu difficile requiert une contextualisation de l’analyse de l’activité des élèves et des pratiques sociales qui lui donnent sens. Néanmoins, cette prise en compte de l’activité des élèves ne doit pas amener l’enseignant à sur-ajuster cette forme de pratique aux caractéristiques des élèves. Comme je le disais précédemment, l’intérêt de proposer une forme de pratique scolaire en EPS et particulièrement en milieu difficile, est d’offrir aux élèves une expérience socialisatrice différente par rapport à leur socialisation familiale.
Et de façon plus large, est-ce que vous pensez que toutes les formes de pratique scolaires sont généralisables ?
Dans le cadre de ma forme de pratique scolaire, je pense que l’utilisation d’outils d’apprentissage comme le débat d’idées ou l’analyse de configurations de jeu est intéressante en sport collectif. Les quelques résultats que j’ai présentés ici peuvent amener à une réflexion sur la formalisation de savoirs « pour » et « par » l’arbitre ou l’observateur à travers l’intégration des rôles sociaux (arbitres, observateurs) dans la pratique.
Pour des élèves issus de milieu difficile, une réflexion collective à travers des débats d’idées, permet des apprentissages moteurs réels et des apprentissages méthodologiques et sociaux dans un sport collectif comme le football. A cet égard, l’instauration de la règle des fautes collectives et l’observation des contestations des joueurs peuvent faciliter l’implication de l’élève dans le rôle d’arbitre, mais également les acquisitions motrices.
L’identification de configurations de jeu en sport collectif permet à l’enseignant d’analyser la qualité du jeu des élèves, de qualifier un rapport de force et ainsi, de caractériser leur niveau de compétence. Cette identification doit également permettre à l’élève d’évaluer son propre niveau de compétence. L’analyse de configurations de jeu en sport collectif est selon moi un indicateur pertinent de l’efficacité collective d’une équipe et plus largement de la compétence attendue.
Dans l’élaboration d’une forme de pratique scolaire par l’enseignant d’EPS en sport collectif, l’expérience aura du sens pour l’élève s’il s’intéresse à l’action collective, s’il y voit un intérêt personnel, si les élèves sentent qu’ils dépendent les uns des autres et enfin si les règles mises en place amènent un aspect positif dans leur pratique. L’important est que les évolutions règlementaires apportées en EPS et ici en football permettent à l’élève de vivre une réelle expérience de joueur de football, et que les conditions de pratique mises en œuvre par l’enseignant lui permettent de devenir plus efficace dans cette APSA.
Pour finir, comment voyez-vous l’évolution des lycées professionnels avec les politiques actuelles qui sont menées ?
Dans le contexte actuel de consultation nationale sur le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, je regrette encore une fois que la liaison collège-lycée professionnel ne soit pas réellement prise en compte. En effet, même si je comprends que la priorité soit mis sur la liaison école-collège, j’observe très souvent que mes élèves de 2nde BAC PRO ou de 1ère année CAP n’ont pas acquis les piliers ou les domaines du socle commun. Or, le socle commun définit la culture commune que chaque élève doit acquérir au cours de sa scolarité obligatoire, c’est-à-dire jusqu’à 16 ans. A partir de ce constat, peut-on réellement parler de revalorisation de la voie professionnelle, lorsque l’on sait que les lycées professionnels cristallisent déjà les difficultés et les échecs répétés d’élèves en manque d’estime et de confiance en soi. A ce titre, le B.O spécial n°2 du 19 février 2009 relatif aux Programmes d’EPS en Lycée Professionnel, nous rappelle que « l’EPS cherche à valoriser la réussite, afin de construire ou reconstruire l’estime de soi, de susciter la curiosité et l’envie d’apprendre (…) ». Pourtant, à titre exemple, a contrario d’un élève de lycée général et technologique, l’élève de lycée professionnel licencié à l’UNSS et certifié Jeune Officiel au niveau national ne peut valider un enseignement facultatif ponctuel (les fameux 16 points). Pourquoi l’élève de professionnel n’a t-il pas aussi le droit, au même titre que l’élève de lycée général, à ces points supplémentaires au BAC ? Est-ce vraiment cela valoriser les élèves de lycée professionnel et contribuer à leur réussite ?
De la même manière, se pose la question de l’évaluation certificative en EPS et particulièrement en lycée professionnel à travers les Contrôles en Cours de Formation (CCF). En effet, je prends l’exemple de l’élève « sportif » en lycée professionnel, qui est absentéiste et vient uniquement en EPS au CCF et qui malgré cela, obtient une bonne note. Concrètement, que doit faire l’enseignant ? L’accepter et être objectif puisque c’est une évaluation ponctuelle et certificative ? Le refuser ou le pénaliser à cause de risques concernant son intégrité physique et celle de ses camarades ? Chaque enseignant a sa propre façon de faire, sa propre éthique également, mais rien n’est défini officiellement. Selon moi, l’écueil à éviter par l’enseignant est justement de se conformer stricto sensu aux évaluations certificatives. En effet, je trouve que nous sommes trop souvent contraints par ces fiches d’évaluation, même si pour certains collègues cela peut-être rassurant.
Dans cette perspective, je trouve que la conférence nationale sur l’évaluation des élèves est primordiale, notamment en lycée professionnel. L’évaluation par compétences, mais aussi une évaluation plus formative que sommative pour ces élèves, semblent plus pertinentes. En effet, face aux problèmes de décrochage scolaire et aux objectifs de professionnalisation en entreprise inhérents aux élèves de lycée professionnel, l’évaluation par compétences comme c’est déjà le cas pour leur Période de Formation en Milieu Professionnel (PFMP) aurait plus de sens pour ces élèves. Je suis convaincu qu’évaluer et rendre lisible les progrès et les efforts des élèves a plus de sens qu’évaluer simplement leurs résultats, pour permettre à chacun de réussir sans que les variables interindividuelles (en milieu difficile notamment) influencent leurs performances scolaires. C’est dans cette perspective seulement que nous arrêterons de former des élèves « zappeurs » tournés vers la note et le résultat et ainsi, que nous permettrons aux élèves de mieux apprendre et à leurs parents de s’en rendre compte.
Pour contacter Guillaume Dietsch : guillaume.dietsch@live.fr
Nous vous proposons cette semaine un regard original sur une facette peu connue des enseignants du secondaire : l’école primaire. Nos élèves ont tous un vécu avant d’entrer en 6ème. Nous allons à la rencontre d’un professeur des Ecoles travaillant dans un Institut spécialisé pour élèves difficiles. Comment voit-il l’EPS ? Quel est son regard sur ces élèves ? Sur le système éducatif ? Comment réagir lors d’un incident critique ?
Immersion dans un monde méconnu, qui mériterait de l’être puisqu’un certain nombre d’élèves poursuivent leur scolarité en Collège.
Pouvez-vous nous décrire votre métier ?
Je suis enseignant spécialisé option D. J’exerce dans un Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique (ITEP). Les ITEP sont les établissements nés des lois, décrets et circulaires de 2005 et de 2007. Ces lois avaient pour but de rénover les anciens Instituts de rééducation, mais aussi de spécifier la nature du public accueilli en ITEP. Ainsi, les élèves d’ITEP présentent des troubles du comportement perturbant gravement et durablement l’accès aux apprentissages, mais également leur socialisation. Concrètement, les élèves qui me sont adressés ont été orientés dans notre établissement par la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) ; ils s’inscrivent donc dans le champ du handicap. Généralement, les élèves admis à l’ITEP présentent de tels troubles qu’ils mettent en difficulté leurs enseignants, leur classe, voire l’école toute entière.
Mon rôle va être de réconcilier les jeunes avec l’école, et avec les enseignants. Le rapport au savoir, aux apprentissages doit s’apaiser. Tout ceci, dans le but, et en conformité avec la loi de refondation de l’école de 2013, de permettre le retour en milieu ordinaire. Bref de permettre l’inclusion. Pour cela, je dispose d’un arsenal pédagogique adapté et varié, tel qu’un emploi du temps aménagé et personnalisé en fonction des capacités et possibilités de chacun de mes élèves, mais aussi des groupes de travail réduits : 3 – 4 élèves. Nous avons également mis en place dans notre unité d’enseignement une pédagogie de projets impliquant les différents acteurs de l’établissement : éducateurs, thérapeutes, intervenants extérieurs, etc. De plus, en s’inspirant de la pédagogie institutionnelle défendue par Fernand Oury nous avons instauré dans nos classes une pédagogie participative (ceintures de compétences, conseil de la vie sociale, co-élaboration des règles de la classe, etc.). Naturellement le cœur de notre travail auprès des élèves demeure la différenciation et l’adaptation des contenus telles qu’elles sont définies par le référentiel de compétences de l’enseignant spécialisé.
Finalement, je dirai que mon travail consiste dans un premier temps à rassurer l’élève face à l’école, « soigner les plaies » dans un premier temps. Devenir ou redevenir élève, mettre du sens aux apprentissages et progresser scolairement constitueront la deuxième étape du parcours de scolarisation à l’ITEP. Enfin, si les conditions sont réunies (niveau scolaire cohérent avec la tranche d’âge, attitude de l’élève face aux apprentissages, apaisement général, etc.) une inclusion en milieu ordinaire, partielle ou totale, peut-être envisagée.
Comment pourriez-vous définir un élève difficile ?
De façon générale le décret du 6 janvier 2005 définit le public accueilli comme des enfants ou jeunes dont « les difficultés psychologiques (et leurs manifestations) perturbent la socialisation et l’accès aux apprentissages, malgré des potentialités intellectuelles et cognitives préservées ». La circulaire interministérielle du 14 mai 2007 précise que les manifestations des « difficultés rencontrées par les jeunes ne sont pas d’ordre passager, circonstanciel ou réactionnel mais s’inscrivent dans la durée ». L’idée essentielle de ces deux textes peut donc se résumer de la façon suivante : les élèves à profils ITEP présentent des difficultés psychologiques durables et intenses dont les manifestations limitent l’accès aux apprentissages, la scolarisation et la socialisation.
Pour ma part, les principaux éléments qui pourraient caractériser un élève d’ITEP sont l’intolérance à la frustration, le sentiment de toute puissance, une crainte vis à vis des enseignants et de l’institution, la « peur des apprentissages » (Serge Boimare, 2000), une mauvaise estime de soi, une grande impulsivité physique et/ou verbale, des blessures ou des déséquilibres psychologiques profonds, un contexte socio-économique difficile.
Naturellement cette liste n’est pas exhaustive. De plus, un élève ne va forcément développer toutes les caractéristiques décrites précédemment. Enfin, j’exclus de cette liste toutes les caractéristiques liées à des pathologies d’ordre psychiatrique (autisme, psychose, etc.) qui n’entrent pas dans le domaine de compétences des ITEP (circulaire de 2007), en théorie.
Comment voyez-vous l’EPS ? Vous aide-t-elle dans votre quotidien ?
L’EPS est un vecteur de réussite pour mes élèves pour plusieurs raisons. Tout d’abord, cette discipline n’est pas connotée aussi négativement que certaines comme le français ou l’instruction civique et morale par exemple. Il s’agit d’une activité où la mise en action, est plus aisée qu’ailleurs. En effet, le sport est un élément bien connu de nos élèves. Il est facile de construire des représentations de l’EPS, alors que cela est moins évident pour la littérature. Victor Hugo, Molière, Daniel Pennac, Claude Ponti, sont bien moins attrayants aux yeux de nos jeunes que Cristiano Ronaldo, Raphaël Nadal ou Tony Parker.
De plus, l’élève perçoit moins les enjeux scolaires, les finalités de la discipline. Pour lui l’aspect ludique domine, et l’évaluation, si angoissante, ne passe pas au premier plan. Le désir de jouer, l’envie de bouger priment.
Cependant, l’EPS souvent associée au sport souffre de représentations auprès de nos élèves. Souvent, ils demandent « c’est quand qu’on fait sport, maître ! » A partir de cette exclamation le constat est posé : des élèves qui aiment bouger, mais qui veulent reproduire le modèle reconnu socialement à l’école. Là se trouve le cœur de l’EPS en ITEP. L’enjeu, pour moi, est donc à travers cette discipline de répondre à certains besoins de mes élèves.
Combien d’heures d’EPS ont-ils dans la semaine ? Quelles activités choisissez-vous et comment permettez-vous leur mise en situation d’apprentissage pour répondre à ces besoins ?
Mes élèves bénéficient d’une séance d’EPS hebdomadaire. A ceci s’ajoute des sorties sportives ponctuelles dans l’année (randonnée, sport adapté) ou d’autres projets en lien avec des thérapeutes (psychomotriciens par exemple). Il faut savoir que l’emploi du temps des élèves en ITEP est partagé entre les prises en charges éducatives, thérapeutiques et pédagogiques. A cela s’ajoute parfois des inclusions partielles dans des écoles, des collèges, ou des EREA. Ceci explique le faible volume horaire d’EPS proposé aux élèves.
Concernant les activités que je choisis j’essaie de repérer les besoins de mes élèves et leurs problématiques. Par exemple, régulièrement, je fais le constat suivant : il y a beaucoup de violence en classe. J’ai donc identifié un besoin : canaliser l’agressivité des élèves entre eux, mais aussi envers les adultes. Pour répondre à ce besoin je mets en place des jeux d’opposition. L’affrontement est d’abord médiatisé par un objet (balle ovale, foulard, ceinture tag, etc.) puis progressivement l’opposition à l’autre devient concrète avec des jeux comme les combats de coqs, la lutte sénégalaise. Pour conclure le cycle, je propose des activités comme la lutte, la savate, ou la boxe.
Autre exemple, mes élèves décrochent vite face à la difficulté, en EPS comme ailleurs. J’ai donc identifié un autre besoin : développer des valeurs telles que le dépassement de soi, la persévérance. Ainsi, nous organisons des olympiades, ou encore des tournois avec l’école voisine. Aussi, je mets en place un cycle tourné autour de la course de durée. Mes élèves affectionnent ce que j’appelle des parcours du « combattant » où il faut sauter, ramper, slalomer, enjamber, etc. Progressivement j’introduis les notions d’endurance, de résistance à l’effort. Tout ceci dans le but de permettre à mes élèves de se dépasser en fonction des capacités des uns et des autres. J’essaie de trouver des objectifs cohérents à atteindre avec mes élèves. Nous en discutons, nous négocions la distance et le temps de parcours. Cette logique permet également de répondre à un besoin fondamental des élèves d’ITEP : valoriser l’estime de soi ou simplement la restaurer.
Enfin, j’ai constaté également que nos jeunes présentaient une incapacité à vivre en groupe. Or nous savons que l’EPS est un levier pour apprendre à s’accepter, accepter les autres et les règles. C’est pour cela que nous pratiquons de nombreux jeux traditionnels (balle aux camps, balle aux capitaines, tèque, etc.) pour introduire les sports collectifs. A titre d’exemple, après avoir effectué des séances autour de la balle au camp et du jeu du béret, nous sommes en train d’effectuer un cycle d’ « ultimate » où chacun sait il n’y a pas d’arbitre, mais de l’auto-arbitrage. Cela implique que l’élève connaisse la règle et l’ait assimilée à tel point qu’il sera capable de la respecter et/ou de la faire appliquer.
Pour résumer, l’EPS est un moyen efficace pour nos élèves de reprendre confiance en eux, de canaliser leur agressivité ou encore pour apprendre à se dépasser et à ne pas renoncer trop vite. Ces leviers m’aident au quotidien, ce qui est très positif pour leur scolarité. Par exemple, ne pas renoncer à finir un exercice ou une évaluation permettra forcément à l’élève de progresser plus vite. Avoir une estime de soi suffisamment développée lui permettra d’accepter les déséquilibres et les bouleversements que peuvent induire les situation d’apprentissages.
Lors d’un incident critique avec un ou plusieurs élèves : comment réagissez-vous ?
Lorsqu’un élève déborde en classe je lui signale dans un premier temps que son comportement n’est pas approprié à la classe et à la situation. Ensuite si les perturbations continuent, je lui rappelle le cadre, la règle, les lois de la classe. Je l’avertis qu’il risque d’être sanctionné si son attitude n’évolue pas favorablement. A partir de là, et quoi qu’il arrive un rapport oral ou écrit est effectué à l’attention des éducateurs du jeune. Si l’incident critique continue et s’aggrave l’élève est sanctionné. Souvent une exclusion temporaire du jeu est ordonnée. L’élève est pris en charge par l’éducateur présent avec moi lors des séances. Si l’élève arrive à s’apaiser il peut regagner le groupe et finir la séance. En revanche, si son attitude n’évolue pas, une exclusion définitive de la séance est prescrite pour permettre au groupe de continuer à travailler dans les meilleures conditions possibles. Encore une fois un rapport oral est fait aux éducateurs référents du jeune. Ce rapport peut être écrit suivant la nature des actes posés (violence physique, fugue, etc.), et transmit à la direction de l’établissement le cas échéant. Naturellement, un entretien avec l’élève a lieu après l’incident. Cet entretien distancié dans le temps a pour but de pouvoir reprendre la chronologie des événements et de lui permettre de s’exprimer sur les actes dont il a fait preuve. L’autre objectif de cet entretien est de comprendre pourquoi et comment la crise est survenue afin de mieux gérer l’incident une prochaine fois. Il est également important que l’élève lui-même puisse raconter ce qu’il a vécu et verbaliser les actes qu’il a posés. L’emploi du pronom « je » par l’élève est alors fondamental. En effet, il contribue à la reconnaissance de la crise par le jeune, évitant le déni, souvent recherché par celui-ci.
Je tiens également à préciser que cette procédure doit pouvoir s’adapter à chaque élève. Elle est une trame qui pose les jalons d’une posture professionnelle. Quoiqu’il en soit ce qu’il faut retenir dans mes propos est que l’intervention de l’adulte doit être progressive, indentifiable par le jeune. Enfin l’entretien post crise est obligatoire pour que l’élève n’échappe pas à ses responsabilités, mais aussi pour comprendre ce qui s’est passé afin de ne pas reproduire la même situation.
Où sont orientés vos élèves à l’issue de leur cursus dans votre Institut ?
A l’issue de leur cursus dans notre ITEP, à savoir à 13 ans, plusieurs orientations sont possibles. La première est la poursuite d’un suivi en ITEP. Les troubles étant toujours de premier ordre, aucune inclusion n’est alors envisageable. Si les troubles du comportement ont diminué, que l’élève s’est apaisé, mais que les difficultés scolaires restent nombreuses, une orientation en SEGPA est alors demandée. Il est également possible d’effectuer un retour au domicile avec un accompagnement par un Service d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD). Enfin, pour les élèves répondant aux exigences scolaires du collège une orientation en 6ème peut-être demandée. Tout comme l’orientation en SEGPA, les modalités de l’inclusion seront définies par une Equipe de Suivi de Scolarisation (ESS). Encore une fois plusieurs possibilités s’offrent à nous en fonction des élèves et des situations. L’inclusion est-t-elle partielle ou totale ? Si l’inclusion est partielle quelles sont les disciplines choisies ? Y a-t-il une poursuite de prise en charge en ITEP ou un suivi par le SESSAD ? Un retour en famille est-il envisageable ?
Je précise qu’il n’est pas nécessaire d’attendre l’âge de la sortie de notre ITEP pour envisager les orientations et les inclusions. Dès que possible nous préparons les sorties de nos jeunes. Rappelons également que l’orientation choisie n’est pas obligatoirement suivie par les différentes commissions qui statuent. Enfin, la famille étant partie prenante du processus d’orientation, elle peut légitimement s’opposer aux décisions prises.
Dans tous les cas, un suivi à moyen et long terme est maintenu au sein de la structure, soit par le SESSAD en cas de retour en famille
Pour terminer cet entretien, comment voyez-vous l’évolution du système éducatif actuellement ?
Je répondrai à cette question en disant que depuis 2005, le nombre d’élèves en situation de handicap à augmenter de 107% (SE-UNSA). Malheureusement le nombre de place en établissements spécialisés et le nombre de postes d’enseignants spécialisés n’ont pas augmenté dans les mêmes proportions. Ainsi, nous sommes confrontés dans notre département à des listes d’attentes pour rentrer en ITEP, ou en IME. Aussi, pour une orientation, nous sommes parfois obligés de l’anticiper deux ans à l’avance. Cela pose un certain nombres de problématiques : Quelle sera l’évolution du jeune ? Comment construire un projet sur des incertitudes ?
J’ajouterai également qu’une meilleure connaissance du secteur de l’ASH (Adaptation Scolaire et scolarisation des élèves handicapés) par les enseignants permettrait aux collègues du primaire comme du secondaire de ne plus être démunis face à un élève présentant des troubles du comportement par exemple. Cela contribuerait également à mieux préparer et réaliser les inclusions. En effet, pour qu’une inclusion fonctionne à mon sens, il est nécessaire que chacun des acteurs de celle-ci (au niveau enseignant) connaissent le travail de l’autre, et comment il fonctionne. Cette meilleure connaissance de l’ASH ne pourra être obtenue qu’en proposant des modules dans la formation initiales de qualité avec des stages dans les différentes structures du secteur ASH. Voire de proposer des cursus complétement adaptés et différencié permettant à des stagiaires de master 2, ayant obtenus le concours, et désireux de travailler directement dans l’ASH.
Cette meilleure connaissance de l’ASH passe également par les enseignants spécialisés eux-mêmes. En effet, il est important que chacun des acteurs du département connaissent les structures qui y sont présentes. Connaître les structures est nécessaire mais connaître ses collègues, leurs méthodes de travail l’est tout autant. Pour répondre à cette problématique des modules de formation initiale et continue peuvent être une solution.
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