Par François Jarraud
De Raffarin à Fillon, de Chirac à Sarkozy, les programmes d’austérité se suivent et s’accentuent. Au-delà d’une certaine limite, le système éducatif n’est plus capable de remplir sa mission. En est-on là ?
11 200 suppressions de postes en 2008
« Après la purge, la saignée ». Lancé par le Sgen-Cfdt, le terme est à la hauteur de l’événement. Dans une interview accordée à Paris Match, X. Darcos a annoncé 11 200 suppressions de postes dans l’éducation nationale, quasi exclusivement des enseignants. Elles toucheront le secondaire, un millier d’emplois devant être créées dans le primaire.
Pour maintenir l’encadrement nécessaire avec cette forte réduction du nombre d’enseignants, N. Sarkozy a annoncé son intention de réduire les heures d’enseignement. » Il ne s’agit pas de créer de pénuries en supprimant des postes, mais dans l’Éducation je souhaite que les enfants effectuent moins d’heures. En réduisant le nombre d’heures effectuées par les élèves, on réduit globalement le nombre d’heures de cours. Donc on pourra économiser des postes » a déclaré le président de la République. .
Cette hypothèse mobilise syndicats et parents. « Aucune évolution des effectifs d’élèves ne justifie une telle saignée. La diminution des effectifs prévue par le Ministère dans le second degré (20.000) et du même ordre que celle de la rentrée 2007 (19.000). Ce projet prévoit donc, en moyenne, un poste d’enseignant ou de personnel d’éducation en moins pour 2,3 élèves en moins. Personne ne peut raisonnablement défendre qu’une telle ponction ne peut être sans conséquence sur l’offre de formation. Ce sont donc les conditions d’enseignement et d’étude qui vont se dégrader » promet le Snes. Les syndicats ont prévu une action commune cet automne.
Lycéens et parents pourraient s’y associer. Ainsi l’Union Nationale des Lycéens dénonce » la détérioration des conditions d’étude des lycéens… En effet, le suivi individualisé, seule arme véritablement efficace contre l’échec scolaire, sera rendu extrêmement difficile avec des classes toujours surchargées. Avec la réduction des moyens, c’est la diversité de l’éducation qui s’appauvrit à l’encontre d’une école de l’épanouissement et de l’émancipation des élèves ». La FCPE estime que supprimer des heures de cours n’est pas un « bon calcul » . Elle craint la fermeture de filières professionnelles.
http://www.laprovence.com/articles/2007/08/22/109383-UNKNOWN-Nicola[…]
Austérité et efficacité sont-elles compatibles ?
Pression sans précédent ou simple exercice de bonne gestion ? Après plusieurs années d’austérité, le nouveau gouvernement a annoncé sa décision de supprimer 10 000 postes d’enseignants en 2008. S’il n’est pas illégitime pour un gouvernement de faire des économies, il n’est pas interdit de poser la question de l’opportunité de cette politique.
Une politique qui vient de loin. La rentrée 2006 s’est opérée avec près de 5000 postes en moins : c’est dire que la politique actuelle ne fait que continuer, en l’accentuant celle de G. de Robien. C’est sous le gouvernement Raffarin qu’ont été initiés les rapports d’audit de « modernisation » de l’éducation nationale qui ont étudié les mesures qui entrent maintenant en application. Rappelons qu’ils recommandent de réduire de 20% le nombre d’enseignants en diminuant les horaires d’enseignement, en annualisant le temps de travail et en regroupant plusieurs classes pour certains enseignements. Des propositions que l’on retrouve dans les propos de X. Darcos.
Un argument démographique biaisé. Le gouvernement utilise plusieurs arguments pour justifier ses décisions. Le premier concerne la baisse démographique. Elle permettrait de dégager des emplois. Or, si elle est réelle dans le secondaire (- 50 000 élèves), les suppressions de postes sont démesurées par rapport à cette évolution (-10 000 postes pour -50 000 élèves !). Enfin la France a la particularité d’avoir une croissance naturelle forte qui inversera la tendance dans le secondaire dès 2009. C’est dire que cette baisse est temporaire.
Un faux gisement d’emploi. Un autre argument revient régulièrement dans les propos ministériels : 32 000 enseignants ne sont pas devant des élèves, selon le rapport de la Cour des comptes de 2003. Ils ne sont pas pour autant sans emploi. Ils sont formateurs en IUFM, conseillers pédagogiques, remplaçants : des fonctions dont l’Ecole a besoin. Il reste un surnombre d’enseignants, évalué par l’administration à 3 000 enseignants. Si l’on en croit le Rapport de performance 2006, « ces surnombres n’ont pas entraîné une majoration de la masse salariale, les services académiques ayant mobilisé ce sureffectif enseignant pour les remplacements des absences et le soutien scolaire ». On ne peut pas en même temps vouloir le déploiement des PPRE et la suppression de ces emplois…
Peut-on opposer financement des universités et de l’enseignement scolaire ? » La rénovation de l’université française est une priorité absolue de mon Gouvernement. Je vous proposerai d’y consacrer 5 milliards d’euros supplémentaires d’ici 2012″ a déclaré F. Fillon devant l’Assemblée. Si effectivement les universités françaises souffrent d’un financement insuffisant et le pays d’un taux d’étudiants faible pour un pays développé, on peut s’étonner du raisonnement tenu par le gouvernement qui consiste à opposer enseignement scolaire et supérieur (« Nous sommes dans un pays qui consacre énormément d’argent à l’enseignement secondaire, pas assez à l’enseignement supérieur et pas assez à l’enseignement primaire. Et bien il faut que les choses changent » F. Fillon sur TF1).En effet le succès universitaire a ses racines dans l’enseignement scolaire et même préscolaire. Si l’on veut augmenter le taux d’accès en université il faut concrètement hisser scolairement les enfants des milieux défavorisés, ce qui veut dire commencer par diminuer le taux d’échec scolaire. Et pour cela renforcer l’école pré-élémentaire et élémentaire. Ce raisonnement est tenu par les autres pays développés (par exemple le Royaume-Uni) qui investissent davantage dans l’éducation scolaire alors que, contrairement à nous, leur nombre d’élèves est en déclin.
Réforme et austérité sont-ils compatibles ? Un dernier argument concerne la conception même de l’Ecole. F. Fillon souhaite « un meilleur équilibre éducatif, laissant plus de place aux pratiques périscolaires, sportives et culturelles ». Le gouvernement avance aussi l’idée d’une mise à jour du service des enseignants, inchangé depuis 1950. Mais en prélevant sur le budget de l’éducation, le gouvernement bloque les possibilités d’évolution de l’Ecole. D’une part il démobilise le personnel en aggravant au quotidien ses conditions de travail et en diminuant son salaire réel (en baisse de plus de 2% en 2005 selon l’Insee). D’autre part, il se prive des marges qui permettraient une réelle réflexion sur le choix scolaire, le partage des rôles entre Etat et collectivités locales, la différenciation scolaire. Car la politique engagée contredit les réformes envisagées. Comment supprimer des postes et promettre le libre choix des familles qui implique des transferts d’élèves ? Comment susciter l’autonomie des établissements sans moyens et accompagnement ? Comment individualiser les enseignements quand on réduit filières et options ? Comment décentraliser quand on utilise les collectivités locales pour transférer des charges ?
Réduire n’est pas transformer. Une réelle transformation de l’Ecole ne pourrait se faire que dans une situation budgétaire propice. Ainsi nos voisins peuvent utiliser les marges dégagées par le déclin démographique pour des réformes de structure. Les prélèvements opérés sur l’éducation nationale remettent maintenant en question le financement des mesures inscrites dans la loi Fillon de 2005. Où trouver les 22 000 postes nécessaires aux PPRE et au plan Langues ? Comment rendre les PPRE efficaces sans effort de formation et d’accompagnement ? Peut-on continuer à promettre à la fois austérité et efficacité sans tromper ?
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Documents/index181006_L[…]
La déclaration politique du gouvernement
http://www.premier-ministre.gouv.fr/acteurs/interventions_premier_mini[…]
http://www.performance-publique.gouv.fr/performance/politiqu[…]
Le gouvernement annonce plusieurs années de tour de vis budgétaire
L’Assemblée nationale étudiait lundi16 juillet la loi « sur le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat » (TEPA) qui recadre le budget 2007 et débutait son débat sur le budget 2008. Lors du débat d’orientation budgétaire, le ministre des finances, Eric Woerth, a annoncé son intention de « ralentir de moitié la croissance de la dépense publique…Toutes les dépenses de l’Etat seront concernées par cette révision, y compris les dépenses d’intervention qui représentent 40% du budget ».
On lira également avec intérêt le rapport de G. Carrez sur le budget 2008. Il montre précisément comment sera fait « l’assainissement » financier de l’Etat. Les politiques sociales devraient être touchées au nom du manque d’efficacité. Les rapports d’audit devraient guider l’action gouvernementale. Les suppressions d’emplois publics devraient être massives. « On mesure bien, dans ces conditions, l’intérêt qu’il y a à profiter des importants départs à la retraite de fonctionnaires ces prochaines années pour revoir et adapter le format de notre fonction publique… La réduction des effectifs apparaît comme un moyen efficace et pérenne de réaliser des économies et de restaurer les marges de manœuvre de l’État… Les économies réalisées la première année du non remplacement d’un agent sur deux sont de l’ordre de 1 milliard d’euros. Si l’effort est poursuivi chaque année, les économies cumulées – c’est-à-dire les réductions de crédits à ouvrir en loi de finances – excèdent 10 milliards d’euros au bout de 10 ans (soit au total plus de 350 000 départs non remplacés). En réalité, les dépenses évitées sont encore plus substantielles, ces simulations ne prenant en compte ni l’augmentation du point fonction publique, ni l’impact des mesures catégorielles ».
Deux objectifs sont visés : réduire l’endettement de l’Etat et opérer des allégements fiscaux. La loi TEPA accorde par exemple 6 milliards au titre des cotisations sociales sur les heures supplémentaires, 4 milliards pour les intérêts d’emprunts pour l’achat de résidence principale, 2 milliards pour la suppression des droits de mutation et 1 milliard pour le bouclier fiscal et l’ISF.
http://www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/Mesures_travail_emploi_[…]
http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i0067.asp
Les Français veulent plus de profs, Sarko non…
La politique Sarkozy de réduction du volume de l’Ecole peut-elle convaincre ? On peut en douter à la lecture du sondage réalisé par TNS Sofres auprès de 4 000 Français. Loin du discours catastrophique du président de la République, 88% des Français sont satisfaits de leur école. 88% trouvent que les professeurs sont bien formés.
Les difficultés rencontrées par les parents et les élèves prennent à contre-pied la politique Sarkozy. La première difficulté concerne les classes surchargées (32%). Viennent ensuite le manque d’autorité d’un enseignant, l’hétérogénéité des classes, l’absentéisme, évoqués par un Français sur 4 ou 5.
Ce qu’attendent les Français : réduire le nombre d’élèves par classe, développer le soutien individuel, intégrer davantage les TICE, augmenter le nombre de profs. Les Français attendent du gouvernement une politique à l’opposé de celle du président.
http://www.tns-sofres.com/etudes/pol/060907_ecole.htm
Le budget de l’éducation en hausse de 8%
+8% pour le budget de l’éducation ! Cette décision vient d’être prise par le gouvernement allemand. Certes, le gouvernement fédéral intervient peu dans l’éducation qui dépend largement des Länder. Mais le cas allemand est représentatif d’un phénomène assez général dans les pays développés. Etats-Unis, Angleterre, Québec ont récemment relevé leur effort pour l’Ecole.
http://www.bundesregierung.de/nn_1264/Content/DE/Artikel/2007/0[…]
L’Ecosse réduit le nombre d’élèves par classe
Pas plus de 18 élèves par classe au primaire. L’Ecosse a décidé d’embaucher 550 maîtres pour diminuer le ratio élèves / enseignant. La France compte en moyenne 22,5 élèves par classe du primaire.
http://education.guardian.co.uk/schools/story/0,,21[…]