|
||
Dossier réalisé par Jean Philippe Raud Dugal
Philippe Pelletier et alii, Géopolitique de l’Asie, Nathan, Coll° Nouveaux Continents, 2006, 367 pages. Bernard Elissalde et alii, Géopolitique de l’Europe, Nathan, Coll° Nouveaux Continents, 2006, 367 pages. Roland Pourtier et alii, Géopolitique de l’Afrique et du Moyen Orient, Nathan, Coll° Nouveaux Continents, 2006, 351 pages. Alain Musset et alii, Géopolitique des Amériques, Nathan, Coll° Nouveaux Continents, 2006, 335 pages. Sous la Coordination de Vincent Thébault
Compte-Rendu :
Nathan a édité quatre ouvrages axés sur la géopolitique de l’espace mondial. La nécessité d’appréhender l’actualité internationale, très riche et mouvante pour mieux la comprendre ou l’enseigner, tout en conservant une approche spatiale, tel est l’enjeu de ces ouvrages. Conformes au programme des CPGE, intéressant dans la perspective de la préparation aux concours de l’enseignement, en quoi sont-ils nécessaires pour l’enseignant du secondaire ? Dans ce dossier spécial qui leur sont consacrés, des interviews vont ponctuer une analyse qui se veut critique et modestement complémentaire grâce à des liens Internet qui permettront, nous l’espérons, aux collègues de mieux saisir ces nouvelles approches géopolitiques et géostratégiques. Ce qui retient notre attention en premier, c’est l’incroyable diversité des auteurs de cette collection et de la somme impressionnante de leurs qualités. Philippe Pelletier, Pierre Gentelle, Gabriel Weissberg, Frédéric Leriche, Martine Guibert, Alain Musset, Bernard Ellissalde, Roland Pourtier ou Georges Mutin…. Ce sont ici de grands noms de la géographie contemporaine qui ont été réunis pour nous offrir une mise à jour de nos connaissances géographiques sur l’espace mondial. Les analyses géohistoriques sont profondes et permettent une analyse fine des principaux enjeux contemporains qui traversent ces espaces. Sur ces points précis, l’enseignant peut profiter de la mise en relation des différents ouvrages pour établir, à l’exception de l’Europe, et pour cause, les enjeux géostratégiques entre les grandes puissances de l’époque. Ainsi pour l’Asie, l’unification de ces espaces pourtant très divers est liée à la colonisation européenne. Aujourd’hui encore, l’identification vient souvent par rapport à l’extérieur. L’extraversion de l’Amérique Latine, la manne du pétrole en Afrique et au Proche Orient par exemple, la volonté affichée d’intégration à la mondialisation du continent asiatique ne peuvent se comprendre sans cette approche géohistorique. Pour l’Europe, bien sûr, la confrontation des nationalismes à la réalité de l’espace européen mais aussi mondial, dans cette époque marquée par une concurrence acharnée, est l’occasion de s’interroger sur le statut de la crise actuelle que connaît l’UE. Utiliser ces manuels, c’est aussi prendre en considération l’ensemble des cartes, souvent très expressives et novatrices mais aussi des schémas ou modèles proposés. Ainsi, pour comprendre la différenciation spatiale du continent asiatique, le schéma de la remontée des filières du textile à la haute technologie et à la tertiarisation de ces sociétés offre une valeur ajoutée qui permettra aux élèves de sortir du simple schéma du vol d’oies sauvages. La métropolisation des villes américaines aussi fait l’objet de cartes particulièrement bien construites. L’Afrique est étudiée en cinquième comme un continent pluriel mais une carte sur l’expansion du téléphone en Afrique subsaharienne permet de mieux comprendre l’importance de l’oralité et l’intégration de la population dans la mondialisation. C’est véritablement un des points forts de la collection : enrichir notre documentation et nous permettre, grâce à la carte, de nous interroger sur son statut dans l’apprentissage scolaire. De même, on pourrait penser que certaines parties sont ambitieuses comme en témoignent les cent premières pages du manuel consacré à l’Asie mais il ne s’agit ici que d’une mise en perspective des principaux facteurs qui expliquent la part du « miracle » ou bien, c’est selon, du « mirage asiatique ». Les enjeux internes et externes sont tous analysés avec conviction. La place de l’alimentation, du dynamisme des façades, de la métropolisation en cours,… sont autant d’occasions de mieux appréhender, à tous les niveaux d’enseignement que ce soit au collège ou au lycée et en CPGE, ces espaces et d’intéresser les élèves au monde extérieur. Maîtriser l’ensemble de ces enjeux n’est pas chose aisée mais la volonté de synthèse clairement affichée se retrouve tout au long des ouvrages comme en atteste les compléments offerts par les auteurs au fil des pages. On peut citer ainsi, les explications données pour la crise libanaise (qui illustrent parfaitement les causes des événements pendant l’été 2006.) Le partage des eaux du Colorado est aussi un exemple de cette volonté d’offrir une étude de cas supplémentaire et de mieux identifier les enjeux, les risques et les acteurs. Ces ouvrages permettent aussi de mesurer les gradients d’intégration à la mondialisation capitalistique. Les interrogations sur les modèles de développement sont un des aspects les plus intéressants de la nouvelle collection et permettent de mettre en relation développement économique et évolution sociale et/ou démocratique. L’étude de la Chine en est peut être l’exemple le plus abouti. La volonté est aussi affichée de faire toute sa place au développement durable. Dans le manuel consacré aux Amériques, cette problématique est associée aux peuples indigènes et à leur avenir. En Asie, elle clôt l’ouvrage. Comment alors ne pas comprendre le récent discours du premier ministre chinois sur la nécessité absolue de lutter contre les atteintes à l’environnement ? Le titre du chapitre 14 de l’Afrique et du Moyen-Orient est lui-même explicite à cet égard : « Développement ou mal-développement durable ? ». Le manuel consacré à l’Europe n’est pas en reste avec les décisions prises au niveau de l’UE en matière de protection de l’environnement. Enfin étudier ces espaces à travers ces manuels, c’est aussi l’occasion de mieux comprendre les phénomènes d’intégration régionale qui sont à l’œuvre de l’Union Européenne, à l’Union Africaine et l’ASEAN +3 en passant par la tentative avortée de la Zone de Libre Echange des Amériques qui a été l’objet d’une conférence à deux mains au FIG 2006 par Martine Guibert et Frédéric Leriche. On pourra aussi attentivement lire les pages consacrées à l’intégration régionale en Afrique et au Moyen-Orient. Finalement, ces manuels donnent à comprendre les relations de pouvoirs à différentes échelles par rapport à des groupes différents. Ces ouvrages nous donnent de réfléchir à un thème cher à Maurice Foucher : celui des frontières. Frontières physiques, politiques et humaines sont au cœur de renouvellements incessants que des conflits régionaux ou locaux viennent ponctuer. Gabriel Weissberg, dans une conférence en mars à Limoges confirme cette approche en évoquant le cas des territoires de la mer de Chine méridionale. Mais aussi, le Proche-Orient entre recomposition et éclatement nécessite une identification rigoureuse des acteurs qui participent aux chambardements des différentes frontières. Néanmoins, lire ces ouvrages ne peut pas constituer un aboutissement mais le début d’une mise à jour qui permettra de mieux appréhender, dans une actualité compliquée, des événements majeurs comme la crise au Darfour mais aussi la visite récente de George Bush au Brésil et l’accord sur les biocarburants que ce dernier a signé avec le président brésilien Lula. Ces ouvrages incitent, proposent, inspirent mais ne peuvent en aucun cas être considérés comme une fin en soi. Pour finir, comment ne pas conseiller aux enseignants et aux autres, qui lisent ces quelques lignes, de se procurer ces ouvrages dans leur ensemble ou, au moins, de les faire acquérir par les CDI de leurs établissements ?
Pour d’autres analyses de ces ouvrages : Géopolitiques des Amériques :
Sur le Café découvrez : Focus sur l’ouvrage Géopolitique des Amériques
|
||