« L’école rurale : des exemples à cultiver ». C’est sous ce titre que le SNUipp organisait, le 26 mars dernier, un colloque consacré aux enjeux et à l’avenir de l’école rurale. La centaine d’auditeurs-acteurs venue d’une quinzaine de départements est souhaitait partager ses expériences de terrain avec un même souci : comment construire une diversité d’organisations scolaires adaptées aux territoires comme autant de lieux de réussite de tous les élèves ?
Défi de taille… Yves Jean, géographe, a dressé le tableau des évolutions qui caractérisent aujourd’hui les espaces ruraux qui « connaissent des mutations depuis plus de vingt ans, à commencer par une réelle recomposition sociale, illustrée notamment par l’évolution des ménages entre les années 60 et aujourd’hui ». Yves Jean parle même de « ruralité recomposée. Et en tant qu’enseignant, chacun vit cette recomposition sociale dans sa classe ». En effet, entre 1962 et 1999, le poids des ménages agricoles est passé de 33% à moins de 7 %, celui des artisans commerçants s’est maintenu, les ouvriers employés ont légèrement baissé de 25 à 20 % et les cadres moyens et supérieurs, professions libérales progressent de manière significative passant de 4 à 20% »
« Il existe donc une nouvelle population qui investit l’espace rural. Certaines venant des centres urbains ont des attentes fortes en matière d’école et de services périscolaires. D’autres, plus fragiles, ont besoin d’être accompagnées. Et de ce point de vue, il est frappant de constater qu’il existe une vraie différence entre rural et urbain au niveau de l’action sociale ».
Yves Jean pense donc nécessaire qu’émergent sur la scène locale des structures et des acteurs capables de construire réseau, car l’avenir se trouve bien là : favoriser les initiatives des enseignants qui fabriquent en rural de l’innovation et donc de la réussite à travers l’école, prendre en compte les nouvelles attentes des parents de manière démocratique, voire imaginer des stratégies de contractualisation, sur 5 ans par exemple afin de laisser le temps aux enseignants de mettre en place leurs projets, de les mener jusqu’au bout avec les mêmes moyens..
Une formation qui intègre la ruralité ?Pierre Champollion, Inspecteur d’académie et membre de l’observatoire de l’école rurale, rappela que les recherches menées par la DEPP à partir des évaluations CE2 et 6ème montrent une bonne réussite des élèves des écoles rurales : « Indiscutablement, l’école rurale est moins discrimante socialement ». Le structures pédagogiques favoriseraint l’effet « grand frère » qui profiteraient aux plus jeunes », l’Ecole est inscrite dans la vie quotidienne des parents, le dialogue est plus fréquent. ‘Conséquence, il semblerait que les élèves vivent leur scolarité en fonction d’usages conscients ».
Mais à l’inverse, l’effet territoire joue comme un frein pour les trajectoires scolaires des élèves. « Ils font en général des parcours plus courts car ils ont eux même intériorisé leur appartenance à un territoire contraint et étroit. Comment leurs offrir d’autres choix ? Comment les mener vers d’autres voies ? »
A travers la table ronde de l’après midi, on fit échanger des acteurs de terrain. Danièle Arrêteau, jeunes retraitée, ancienne Ien adjointe à l’IA de la Nièvre, à l’origine de la création du bassin pédagogique de Dornes, ß, enseignant et coordonnateur du bassin à sa création et Vanik Berberian, président des maires ruraux de France ont ainsi échangé leurs expériences de co-élaborations entre les acteurs territoriaux (Education Nationale, parents et élus). « Pas de modèle tout fait, a estimé Danièle Arrêteau. Toute organisation, comme celle spécifique des 9 écoles constituées en bassin, s’appuie sur une réalité sociale, économique et culturelle qui lui est propre. Celle de notre secteur est difficilement transférable à l’identique vers un autre territoire ».
Pourtant, au fil de la discussion, les trois acteurs identifient des conditions de réussite de tels projets : pilotage et accompagnement institutionnel de proximité afin de soutenir les équipes, lien avec les parents qui permet de construire de la confiance qui leur donne les clés pour être acteur de l’école, existence de cadre de travail qui permet des échanges (Internet, travail d’équipe), et investissement des collectivités territoriales, …
« Mais, attention au toujours plus » s’inquiète Denis Segonds enseignant. « De nouvelles populations ont investi le rural. Mieux prendre en charge les difficultés scolaires devient une priorité pour laquelle les enseignants doivent être mieux armés ». Et d’en appeler à des fonctionnements qui permettent de mieux appréhender cette complexité du métier.
Vannick Berberian a prôné « une modernisation des relations avec l’éducation nationale. Il y a un travail à mener de part et d’autre pour comprendre les enjeux de l’éducation ». Il se fait même critique. « L’institution Education Nationale ne sait pas dialoguer avec nous. Le rural, c’est bon pour récupérer des postes. On a souvent l’impression d’être tenu à l’écart, de n’être là que pour participer financièrement. Pourtant, nous avons aussi notre mot à dire pour que l’école fonctionne au mieux, et soit au plus près des attentes des parents ». Le défi est lancé.
Au terme de cette journée, le SNUipp a lancé deux initiatives :
– une enquête nationale à remplir en ligne pour recenser toutes les formes d’organisation et de mise en réseau de l’école rurale (RPI, postes EMALA, réseaux ruraux d’éducation, réseaux d’école…).
– une charte nationale pour une école rurale de qualité avec notamment l’établissement d’un cahier des charges définissant l’équipement minimal pour que toutes les écoles fonctionnent au mieux. Gilles Moindrot, secrétaire général, a d’ailleurs fait appel à l’association des maires ruraux pour qu’elle participe à cette élaboration.
« Autant de ressorts pour que l’école rurale continue d’évoluer, de se développer et d’être au plus près de chaque réalité à partir des dynamiques d’acteurs : les enseignants, le parents et les élus. Tout un programme » a conclu Gilles Moindrot.
Le compte-rendu du colloque sur le site du SNUipp
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