Par François Jarraud
- Les nouveaux programmes : Cycle 2 : Qu’est-ce qui change pour l’école élémentaire ?
- Évaluation de CE2 : Le ministère choisit une évaluation au service des enseignants
- Recrutement : Des postes insuffisants pour la rentrée selon le Snuipp
- En pratique
En ce qui concerne l’école primaire, ces nouveaux programmes, révélés par le Café pédagogique le 13 avril, répondent à une ambition clairement affichée dès l’avant-propos : ils se veulent « plus simples et plus lisibles pour que chacun sache bien ce que les élèves doivent apprendre » ; « plus progressifs et plus cohérents » ; « adaptés aux enjeux contemporains de la société. » Ainsi, ils sont en totale adéquation avec l’idée de la refondation de l’Ecole de la République qui motive les réformes de l’Education Nationale depuis 2012. Mais n’auraient-ils pas mis la barre trop haut ? Et n’exigeraient-ils pas trop d’efforts de professeurs des écoles dont la rémunération est stable depuis 5 ans ?
Effectivement, les rédacteurs ont cherché à mettre en lumière pour chaque « discipline » les « attendus » exacts et précis de chaque fin de cycle. Car c’est bien là la nouveauté de ces programmes, c’est qu’ils ne sont plus rédigés par niveaux de classe mais par cycle : le cycle 2 couvre les années de CP, CE1 et CE2 ; le cycle 3 comprend désormais les années de CM1, CM2 et 6ème. La répartition par cycle n’est pas récente bien sûr, mais ce travail par groupe d’années et cette réflexion par cycle apparaissent comme très novateurs : avec, on renforce l’idée qu’il est nécessaire de laisser le temps aux élèves d’acquérir des compétences (et non plus un agrégat indigeste de connaissances en tous genres). Cette démarche est donc conforme à la dynamique des 20 dernières années qui a réalisé la mise en place des cycles et la remise en question des maintiens.
Voici les grandes lignes de ce projet de programmes
– Les programmes sont conçus en application du nouveau « socle commun de connaissances, de compétences et de culture » qui regroupe cinq grands domaines : les langages pour penser et communiquer ; les méthodes et outils pour apprendre ; la formation de la personne et du citoyen ; les systèmes naturels et les systèmes techniques ; les représentations du monde et l’activité humaine.
– L’accent est mis sur les langages, notamment la langue française et les mathématiques, tant à l’oral qu’à l’écrit : les compétences orales, qui étaient d’ailleurs assez peu mises en avant dans les programmes précédents sont valorisées dans ces nouveaux programmes, ce qui apparaît comme un plus pour tous les élèves en difficultés qui pourront néanmoins davantage se retrouver en situation de réussite.
– Les nouveaux programmes mettent en avant des compétences à acquérir plus que des connaissances purement et simplement encyclopédiques : c’est une avancée notable et positive ; les nouveaux programmes pour les cycles 2 et 3 ne proposent quasiment plus de liste de thèmes par discipline, mais essentiellement des compétences, comme par exemple « comprendre le verbe : comment il fonctionne, comment il s’écrit ». Cela peut néanmoins s’avérer déroutant pour les enseignants lorsqu’on sait que les programmes de 2008 donnaient par exemple en grammaire du verbe (conjugaison) des listes exhaustives de verbes à maîtriser pour tel ou tel temps, à la fin de l’année scolaire pour tel ou tel niveau d’apprentissage.
Cycle 2 et cycle 3 : quelles différences ?
Les nouveaux programmes pour le cycle 2 insistent davantage sur les compétences de lecture et notamment de décodage/encodage, ce qui n’apparaissait plus en ces termes dans les programmes précédents. La priorité aux bases et aux essentiels, réclamée par les enseignants, y est donnée. Quant au cycle 3, son objectif est de consolider les apprentissages fondamentaux et d’offrir une meilleure liaison entre l’école et le collège. Pour le cycle 2 comme pour le cycle 3, il faut également noter une volonté d’avoir davantage de cohésion et de clarté cognitive au sein des apprentissages, en soulignant l’importance de l’interactivité et de la transdisciplinarité. Les mathématiques par exemple s’insèrent dans trois domaines différents du socle, les langages pour penser et communiquer, les méthodes et outils pour apprendre et enfin les systèmes naturels et les systèmes techniques. Ainsi chaque tableau se complète-t-il d’un espace dédié aux « croisements interdisciplinaires ».
L’élève au centre..
Parmi toutes ces modifications, on peut noter une continuité et une logique importante : l’élève reste au centre des apprentissages et doit être acteur de ses apprentissages. Les nouveaux programmes n’hésitent d’ailleurs pas à mettre l’accent sur les différentes modalités pédagogiques pour y parvenir : en effet, ils se présentent sous la forme de tableaux dans lesquels sont notées dans un premier temps les « attendus » de fin de cycle, puis des « composante de la compétence », les « connaissances associées » et enfin les « méthodes, démarches et outils » à mettre en œuvre, voire des exemples de situation pédagogique ou des exemples concrets d’activités à mener (comme cela était le cas dans les documents d’application des programmes de 2002, cependant en beaucoup moins détaillé et précisé). Les attentes sont claires : plus de travail de groupes, plus de travail individualisé,… L’aspect ludique des apprentissages, notamment en mathématiques, y est également fortement indiqué (jeux de rôle, jeux de plateaux, pédagogie coopérative,…).
A la place des connaissances
Notons par ailleurs que la connaissance pure n’arrive qu’en second plan, d’abord priment les compétences à acquérir. C’est une bonne idée de permettre aux élèves de se concentrer sur des compétences et non sur des connaissances, qu’on oublie sitôt l’évaluation terminée. C’est notamment l’une des raisons qui fait que l’oral est mis à l’honneur dans toutes les disciplines. En français et mathématiques, les notions à aborder ont peu changé en substances. C’est la façon de les aborder (en plusieurs années du cycle) qui diffère. Cependant, les exigences demeurent importantes et les programmes bien chargés dans ces disciplines. En histoire, géographie et sciences, les thématiques sont vraiment allégées et basées sur des essentiels comme la chronologie, la localisation des espaces, etc. Rien à voir avec les programmations compliquées des programmes de 2008 où l’on avançait par problématiques et mises en questionnement (démarche intéressante mais encore difficilement abordable pour la plupart des élèves en élémentaire). En arts et musique, l’accent est mis sur la créativité, l’inventivité, la participation active des élèves. Peu de changements sont à noter en E.P.S. En langues vivantes (étrangères ou régionales), par contre, la barre est mise très haut, les enseignants se devront d’être très actifs pour parvenir au niveau d’expertise exigé pour les élèves en fin de cycle, à condition d’être eux-mêmes un peu à l’aise dans ce domaine, ce qui n’est pas forcément le cas pour tous…
Ainsi que penser de ces nouveaux programmes pour l’école élémentaire ?
D’emblée, on peut dire qu’ils répondent à des demandes que les enseignants ont largement fait remonter ces dernières années : la nécessité de se recentrer sur des basiques et des compétences essentielles (lire, comprendre, écrire, compter), celle d’alléger les programmes qui étaient trop lourds voire impossibles à terminer par niveau de classe et celle enfin de se défaire d’un carcan institutionnel parfois trop lourd, ne laissant pas suffisamment de place à l’inventivité ou à la liberté pédagogique. En effet, les programmes actuels (ceux de 2008, revisités en 2012 pour certaines disciplines) sont jugés illogiques, beaucoup trop encyclopédiques, infaisables dans leur intégralité dans le temps d’une année scolaire et conçus indépendamment les uns des autres dans différentes matières.
Il est clair que cette liberté pédagogique d’enseignement est l’une des dimensions principales de ces nouveaux programmes : « les projets de programmes n’entrent pas dans le détail des pratiques de classe, des démarches des enseignants ; ils laissent ces derniers apprécier comment atteindre au mieux les objectifs des programmes en fonction des situations réelles qu’ils rencontrent dans l’exercice quotidien de leur profession ». De fait, ces programmes sont construits de manière à donner aux enseignants un fil conducteur sur trois ans. Oui mais… Sur trois ans, les élèves ne gardent pas le même enseignant en règle générale ! En dépit des repères de progressivité proposés pour chaque compétence, les enseignants seront seuls dans leur classe à décider de leurs programmations et de leurs progressions en fonction du niveau de leurs élèves. Cela demande énormément de travail et cela demande également d’attendre que les premières semaines soient passées pour mettre en place un programme de l’année afin de bien cerner ses élèves…
Et de nombreuses questions se posent…De fait, comment savoir alors ce qui a été réalisé l’année précédente, pour ne pas risquer de tomber dans des répétitions indigestes ? A charge pour chaque équipe de se réunir en conseils de maîtres et en conseils de cycle pour décider des « découpages » notionnels. C’est certain, cela va demander beaucoup d’harmonisation dans les écoles entre les enseignants pour savoir ce que chacun doit traiter. Or, les enseignants du primaire ne disposent pas forcément de suffisamment de temps pour ce type de concertation… Par ailleurs, le danger serait également de trop diviser ses élèves en groupes de niveaux pour enseigner les compétences à des degrés différents et donc de niveler les élèves d’une même classe d’âge et de creuser les écarts entre eux… L’idée demeure très intéressante : les élèves n’apprennent pas au même rythme, c’est un fait, mais les résultats risquent de dépendre des qualités et de l’investissement des différents enseignants qui couvriront les périodes. Certes des repères de progressivité sont donnés mais pourra-t-on encore parler d’une Education Nationale, si chacun organise le programme comme il l’entend dans sa classe ? Et quelle lisibilité auront ces programmes auprès des parents ? Avec les programmes actuels, les parents et les élèves ont une idée très précise de ce qu’il faut acquérir en une année. Avec les nouveaux programmes, il risque d’y avoir des déceptions au terme des cycles…
A travail d’expert, paye d’expert…
Enfin, quelle va être la réception des enseignants à l’école à la lecture de ces nouveaux programmes où l’on indique qu’il s’agit de « donner plus d’autonomie aux professeurs » et d’en « faire moins des exécutants que des experts des apprentissages » ? Quand ils vont découvrir que les nouveaux programmes, contrairement aux précédents, n’indiquent même plus de volume horaire par discipline pour organiser son temps de classe ? Certains vont-ils se décourager et rester sur les programmes actuels ? Ces programmes risquent de leur demander beaucoup de remises en questions, toujours plus de responsabilités, de travail et d’investissement, de temps de concertation avec toujours aussi peu de temps et de formation de qualité pour travailler à la maison et préparer tout ça correctement et sans aucune augmentation… Bien évidemment, ces questions sont posées mais restent suspendues aux relectures de ces projets. Car d’emblée les auteurs ont prévenu : « Les projets de programme constituent une première proposition… qui nécessite encore d’être retravaillée ». Ce sera l’affaire de la consultation.
Alexandra Mazzilli
Après la consultation, les nouveaux programmes définitifs devraient être publiés en septembre 2015.
Projets de programme avec annexes
http://www.education.gouv.fr/cid87938/projets-de-programmes-pour-l-ecole-ele[…]
Les programmes du cycle 2
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Documents/docsjoints/programmecycle2.pdf
Les programmes du cycle 3
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Documents/docsjoints/programmecycle3.pdf
Programmes : Rémi Brissiaud : Nouveau programme de maths du cycle 2 : Point fort, point faible
Le projet de nouveaux programmes pour le cycle 2 est présenté comme « une première proposition, une préfiguration qui nécessite encore d’être travaillée ». Une consultation des enseignants est en conséquence organisée afin d’avancer vers une amélioration de ce texte. La tâche est délicate parce qu’il est difficile d’apprécier les points forts et les points faibles d’un tel texte sans prendre beaucoup de recul : d’où vient-il ? quels changements par rapport à celui de 2008 ? pourquoi ces changements ? etc. Répondre à toutes ces questions sur tous les points du programme nécessiterait des développements qui excèdent l’espace d’un texte argumenté dont la longueur reste raisonnable. Pour aller à l’essentiel, je commenterai seulement le principal point fort de ce projet : la mise en avant des stratégies de décomposition-recomposition, et son principal point faible : une confiance excessive dans l’usage pédagogique des activités d’écritures.
Un pas décisif vers une refondation de la didactique du nombre à l’école : la mise en avant des stratégies de décomposition-recomposition
Même si la statistique qui suit a ses limites, remarquons que les mots « décomposition » ou « décomposer » sont utilisés 11 fois dans un texte de 6 pages 1/2 (1) alors qu’ils n’étaient pas du tout utilisés dans le programme de 2008, ne figurant qu’une seule fois dans la partie consacrée aux repères de progression. Il est vrai que le texte du programme 2008 était particulièrement court. En revanche, la comparaison avec le programme de 2002 est pleinement significative puisque ces mots n’y étaient utilisés qu’une seule fois dans un texte de 8 pages. La mise en avant des stratégies de décomposition-recomposition est donc particulièrement forte dans le projet d’aujourd’hui.
Favoriser d’emblée l’usage de stratégies de décomposition à l’école, c’est rompre avec l’approche didactique consistant à favoriser initialement la représentation des quantités par des collections de numéros. Longtemps, en effet, l’école française a accueilli très favorablement le fait qu’un élève qui souhaite se représenter la taille d’une collection de 8 unités, par exemple, utilise initialement la collection des 8 premiers numéros comme référence : 8 unités, c’est la quantité obtenue en numérotant celles-ci « 12345678 ». Aujourd’hui, il est recommandé de viser d’emblée la connaissance du fait que 8 unités s’obtiennent en ajoutant une nouvelle unité à une collection de 7 (cf. la notion d’itération de l’unité), mais aussi en ajoutant 3 unités à une collection de 5, 4 unités à une collection de 4, etc.
Dans le programme de 2002, les raisonnements faisant usage des numéros étaient considérés comme relevant de « procédures personnelles » et comme constituant une étape vers l’usage de « procédures expertes », celles de décomposition notamment. En fait, depuis la fin du siècle dernier, les résultats scientifiques (enquêtes, procédures expérimentales, études cliniques) vont tous dans le même sens : les élèves les plus fragiles s’enferment dans l’usage de procédures de numérotation. Chez eux, cet emploi de procédures de bas niveau se fossilise. Le plus grave est que tous les ingrédients de l’échec scolaire se mettent alors en place selon un processus « à bas bruit ». En effet, le comptage-numérotage permet à ces élèves de résoudre les tâches scolaires « basiques » (garder la mémoire des quantités et des rangs, lire et écrire les nombres à plusieurs chiffres, résoudre des problèmes simples d’addition et de soustraction par numérotation) sans qu’ils construisent un réseau de relations additives ou multiplicatives entre les quantités. Ces élèves réussissant les tâches scolaires « basiques », l’alerte n’est pas émise précocement alors qu’en réalité, faute de construire un réseau de relations entre les quantités, ils n’entrent pas réellement dans le nombre et le calcul. Avant que, dans les années 1990, l’école française se soit mise à valoriser l’usage du comptage-numérotage, 120 000 enfants environ (15% d’une génération) se trouvaient en difficulté dans leurs apprentissages numériques. Après la valorisation du comptage-numérotage, 40 000 enfants supplémentaires (5% portant à 20% le pourcentage total) se sont trouvés en échec prolongé, et cela pour chaque génération d’enfants. La recommandation de favoriser d’emblée des stratégies de décomposition-recomposition doit donc être considérée comme porteuse d’un espoir de réduction de l’échec scolaire concernant le nombre . (2)
Un premier regret : le corollaire du choix de mettre en avant les stratégies de décomposition-recomposition, celui de préférer le comptage-dénombrement au comptage-numérotage, est malheureusement évoqué de manière peu explicite dans le projet de programme pour le cycle 2, il l’est seulement au détour d’un lien hypertexte. On lit ainsi dans l’annexe relative au dénombrement : « A l’école maternelle, deux procédés de dénombrement sont travaillés : la comptine numérique (un, deux, trois, etc.) en lien avec l’itération de l’unité et la décomposition de la collection en deux ou plusieurs parties pour de petites collections (voir nouveaux programmes de maternelle). » Or, utiliser la comptine numérique en lien avec l’itération de l’unité, c’est compter de la manière suivante : « un ; et-encore-1, deux ; et-encore-1, trois ; et-encore-1, quatre ; et-encore-1… », c’est déjà mettre en œuvre une stratégie de composition-décomposition qu’on peut appeler un comptage-dénombrement. Et la mise en avant de cette forme de comptage permet d’éviter le comptage-numérotage : « le un ; le deux ; le trois ; le quatre… ». Pourquoi ne pas s’exprimer de cette manière, c’est-à-dire clairement, comme c’est le cas dans le programme maternelle ?
Avancées et améliorations à apporter dans le travail pédagogique sur les nombres
La mise en avant de l’usage de stratégies de décomposition-recomposition est présente de manière moins visible dans la façon dont d’autres thèmes sont abordés : l’évolution du domaine d’étude des nombres, la façon d’aborder l’étude de l’écriture des nombres à plusieurs chiffres et la mesure des grandeurs.
Concernant l’évolution du domaine d’étude des nombres, les recherches scientifiques ont montré que les enfants maîtrisent l’itération de l’unité et, plus généralement, font usage de stratégies de décomposition-recomposition, d’abord avec les nombres inférieurs à 10 puis avec ceux de la deuxième dizaine et, de façon progressive, avec de plus grands nombres. Ainsi, une autre nouveauté dont il faut se féliciter est que le projet de programmes préconise explicitement une telle progression dans l’étude des nombres. Le projet préconise même, au CP, de désigner oralement les nombres au-delà de 69 par leur décomposition en dizaines et unités (au CP, on ne dit pas « quatre-vingt-sept » mais « 8 dizaines et 7 unités »), ceci afin de mieux faire apparaître le principe sous-jacent à l’écriture des nombres au-delà de 69 sans affronter trop précocement l’obstacle de l’irrégularité de leur désignation orale. Là encore, la désignation des nombres à l’aide de décompositions est mise en avant, même quand l’oral n’y aide guère.
Au-delà de 100, il faut se réjouir que le programme souligne que pour accéder à la compréhension d’un nombre comme 637, il ne suffit pas de savoir que c’est 6 centaines, 3 dizaines et 7 unités, parce qu’il faut de plus savoir que c’est 63 dizaines et 7 unités. Pour comprendre l’importance d’une telle connaissance, il suffit de penser au calcul de 91 x 7, par exemple, dont le résultat est immédiat lorsqu’on sait que 7 fois 9 dizaines, 63 dizaines, c’est 630. Ou encore à la division de 637 par 10 dont, là encore, le quotient et le reste s’obtiennent immédiatement lorsqu’on a cette connaissance (637, c’est 63 dizaines, c’est-à-dire 63 fois 10 et il reste 7). Ou encore à la division posée de 637 par 8 (on ne peut pas partager 6 centaines en 8, on partage donc… les 63 dizaines de 637). L’élève qui n’a pas ce type de connaissances est obligé d’apprendre une grand nombre de règles qui semblent sans rapport les unes avec les autres alors qu’elles ont toutes le même fondement. Or, en mathématiques, comprendre c’est construire un réseau de connaissances et de savoirs plutôt qu’un catalogue de règles sans justifications et sans liens entre elles.
Il faut se réjouir, donc, de lire dans le projet de programmes : « Au CE1, un temps conséquent est consacré à l’étude des nombres jusqu’à 99, notamment pour les stratégies de calcul réfléchi dont le calcul en ligne des additions. Parallèlement, l’étude de la numération décimale écrite (centaine, dizaine, unités simples) est étendue par paliers au CE1 jusqu’à 199, puis 499 et éventuellement 999. » Ainsi, la possibilité est donnée, et même suggérée, de n’étudier que les nombres jusqu’à 499 au CE1.
C’est bien venu parce qu’il est plus facile de comprendre que 437, c’est 43 dizaines et 7 unités que de comprendre que 837, c’est 83 dizaines et 7 unités. De même, il est plus facile de comprendre que 137, c’est 13 dizaines et 7 unités que de comprendre que 437, c’est 43 dizaines et 7 unités. Dans le cas de 137, il n’y a que deux niveaux d’unités à coordonner : les unités simples et les dizaines (treize fonctionne dans ce cas comme un nombre à 1 chiffre) alors que dans celui de 437, il faut coordonner trois niveaux d’unités : les unités simples, les dizaines et les centaines (1 centaine, c’est 10 dizaines ; 2 centaines, c’est 20 dizaines ; 30 centaines, c’est…).
Or coordonner deux niveaux d’unités pose déjà des difficultés aux élèves. Beaucoup, quand ils se réfèrent aux unités simples (dénombrement 1 à 1), oublient totalement l’existence des dizaines. Et quand ils se réfèrent aux dizaines (dénombrement de groupes de 10), ils oublient l’existence des unités simples.
Ainsi, rappelons-nous, ce problème posé à l’entrée du CE2 en octobre 2013 dans le cadre d’une étude de la DEPP récemment publiée (3): « La directrice de l’école a 87 lettres à envoyer. Elle doit mettre un timbre sur chaque lettre. Les timbres sont vendus par carnet de 10 timbres. Combien de carnets doit-elle acheter ? ». Le taux de réussite, à l’entrée au CE2, n’était que de 18%. De manière générale, les pédagogues sous-estiment la difficulté de coordonner des points de vue différents sur une même réalité.
Un autre regret donc : que le projet ne soit pas allé plus loin encore, en donnant la possibilité de n’étudier que les 199 premiers nombres au CE1, comme c’est le cas en Allemagne, en Belgique, aux Pays Bas, etc. Et cet autre encore : que le projet n’explicite pas la possibilité de n’avoir étudié que les 9999 premiers nombres en fin de CE2, comme c’était le cas avec les programmes de 2002.
S’il faut se réjouir que, pour la première fois dans des programmes, la compréhension de la numération décimale soit décrite comme la compétence à coordonner les différents niveaux d’unités de numération, il est dommage que le projet offre insuffisamment aux enseignants, la possibilité de réduire temporairement le nombre de niveaux d’unités qu’il convient de coordonner afin que leurs élèves réussissent mieux à le faire et puissent ensuite passer à un niveau supérieur plus facilement avec des acquis vraiment solides. Le projet de programme le propose, et il faut s’en féliciter, mais il le fait insuffisamment.
Il faut enfin se féliciter de l’accent mis sur la mesure des grandeurs continues. Dans le cas discret (discontinu), comprendre les nombres c’est appréhender qu’ils sont porteurs de relations entre les diverses quantités (12 unités c’est 10 et encore 2, c’est 2 fois 6, c’est 3 fois 4, etc.). Dans le cas des grandeurs continues (longueurs, masses…), c’est savoir utiliser les nombres pour mettre en relation ces grandeurs (12 cm, c’est 10 cm et encore 2 cm, c’est 1 dm et encore 2 cm…) : on parle dans ce cas de mesure des grandeurs. Celle-ci se fait à partir de stratégies de décomposition-recomposition et les changements d’unités de longueur, de masse… (42 cm, c’est 4 dm et 2 cm, par exemple) sont des tâches proches du changement d’unités de numération (42 unités, c’est 4 dizaines et 2 unités). Il est raisonnable de faire l’hypothèse que travailler un type de changement d’unité permet de progresser dans l’autre.
Des dangers de formalisme dans des activités d’écritures préconisées
Dans le chapeau de présentation du cycle 2, on lit : « Dès ce cycle, la composante écrite de l’activité mathématique devient essentielle. Les écrits mathématiques ont diverses fonctions : rendre compte de manipulations que les élèves ont effectuées, de phénomènes matériels qu’ils ont constatés, permettre de réaliser des prévisions ou de garder trace des prévisions effectuées avant d’agir. Ces écrits sont d’abord des écritures et représentations produites en situation par les élèves eux-mêmes. Elles sont inventées ou adaptées d’autres écrits et représentations dont ils sont devenus familiers grâce à leur intégration dans la vie de la classe. Elles évoluent progressivement avec l’aide de l’enseignant vers des formes conventionnelles. » Tel qu’il est décrit dans ce paragraphe, l’usage didactique des écritures doit être considéré comme exagérément optimiste pour la raison qu’il passe sous silence un risque majeur : celui du formalisme.
Commençons par remarquer que la composante écrite de l’activité mathématique, lorsque celle-ci se limite à l’arithmétique élémentaire, est assurément importante mais pas « essentielle » au sens où, sans écrit, il n’y aurait aucune activité arithmétique possible. Ainsi, de nombreux calculateurs prodiges, dont Inaudi, un célèbre cas étudié par Binet à la fin du XIXe siècle, étaient des analphabètes. Certains peuples africains comme les Doualas étaient d’excellents calculateurs alors que leur culture était exclusivement orale. En fait, l’écriture peut être source de progrès comme elle peut s’ériger en obstacle lorsque les élèves en font un usage qui verse dans le formalisme. Et cela arrive très vite.
Donnons un premier exemple. On lit (colonne de droite) : « Un exemple au CP : les élèves doivent prévoir si parmi les deux collections : 8 + 5 + 4 objets ou 8 + 3 + 2 + 4 objets, l’une est la plus grande. Comme 5 = 3 + 2, les deux collections sont de même taille ». Et cette activité est décrite de façon détaillée dans un lien hypertexte.
Ce type d’activités consistant à comparer la taille de deux collections à partir d’écritures additives était omniprésent dans les années 1980 (suite à la publication des ouvrages de la première équipe Ermel, celle qui a publié en 1977 un manuel pour le CP). Elles ont ensuite pratiquement disparu quand l’enseignement du comptage-numérotage s’est généralisé, sans d’ailleurs qu’il y ait de débat autour des avantages et des inconvénients qu’elles présentaient. Avec ce projet de programme, elles réapparaissent et sont fortement mises en avant de manière imprudente à notre sens. En effet, leur usage didactique dysfonctionnait très vite et les anciens instituteurs n’en gardent pas un bon souvenir. Fondamentalement, la raison en est la suivante : quand un enfant de 6-7 ans s’intéresse à une partie de chacune de ces écritures additives (lorsqu’il compare 5 et 3 + 2, par exemple), il oublie le plus souvent le nombre total (8 + 5 + 4 et 8 + 3 + 2 + 4). Or, pour comprendre que l’égalité (ou l’inégalité) au niveau des parties, se traduit par une égalité (ou une inégalité) au niveau du tout, il faut être capable de prendre en compte simultanément les parties et les totalités. Là encore, le problème qui se pose est celui de la compétence des élèves à coordonner plusieurs points de vue. Or, celle-ci est loin d’être suffisamment développée chez tous les élèves de CP, voire de CE1. Le risque est grand que de nombreux élèves apprennent des règles de maniement des écritures qui ne renvoient pas à des propriétés d’actions ou à des relations entre des quantités ou des grandeurs : c’est le risque du formalisme.
Dans le même ordre d’idée, on lit (toujours colonne de droite) : « les élèves étudient en CP/CE1 le lien entre addition et soustraction (17+ ? = 32 s’écrit aussi : ? = 32-17 ou 32-17 = ?), … » Remarquons d’abord que lorsqu’on s’exprime de manière rigoureuse, « 17+ ? = 32 » s’écrit « 17+ ? = 32 » et non différemment. Concernant les expressions « ? = 32-17 ou 32-17 = ? », il serait préférable de parler de ré-écriture. La rigueur dans l’expression n’est pas de pure forme parce que le risque, lorsqu’on vise une ré-écriture, est que l’enfant verse dans un « jeux d’écriture », c’est-à-dire dans le formalisme. Penser que de nombreux enfants de CP peuvent passer facilement de la première écriture aux deux autres en comprenant ce qu’ils font sur le plan arithmétique, relève d’une méconnaissance de la difficulté d’une telle tâche (on est dans une sorte de pré-algèbre). Là encore, le discours pédagogique qui sous-tend ici le projet de programme renoue avec cette approche typique des années 1980 sans qu’on comprenne les raisons d’un tel retour en arrière. La difficulté de compréhension de telles relations a une dimension développementale qu’on aurait tort d’ignorer. Elle n’est pas qu’affaire d’enseignement et il serait contreproductif que notre école s’épuise à vouloir atteindre prématurément un tel objectif.
Toujours dans le même ordre d’idée, on lit dans l’annexe « Unités de numération » : « Pour passer d’une décomposition en unités de numération d’un nombre à son écriture chiffrée, deux procédés peuvent être utilisés. Prenons l’exemple de 14 d 2 c… » et, plus loin, l’un des procédés est explicité en disant qu’ il est possible de : « convertir les différentes unités en unités simples. Comme 1 d= 10 u alors 14 d = 140 u puisque 14 d, c’est 14 fois plus que 1 d. On a 1 c = 100 u, donc 2 c = 200 u et 14 d 2 c = 140 u + 200 u = 340 u. Le nombre 14 d 2 c s’écrit donc en chiffres 340. » Rappelons qu’on est au cycle 2 ! Encore une fois, on a l’impression que l’écriture éloigne de la compréhension plutôt qu’elle n’en rapproche.
Bref, et en résumé des trois précédents points, le risque est grand que de telles activités conduisent à des manipulations formelles d’écritures qui, très vraisemblablement, seront à l’origine de l’échec des élèves les plus fragiles dans la mise en relation de l’écrit avec les situations qu’il modélise. C’est ce qui s’est passé dans les années 1980 et, donc, l’évocation de ce risque est aujourd’hui incontournable pour éviter que l’histoire des pratiques pédagogiques ne bégaie.
Pour conserver les réelles avancées du projet tout en évitant les risques du formalisme : laisser une plus grande liberté pédagogique
Il faut le dire : concernant les programmes de mathématiques du cycle 2, on a l’impression que les projets proposés, du fait qu’en maintes occasions on y trouve une description précise d’activités de classes, entrent en contradiction avec les idées générales ayant présidé à l’élaboration de ces projets. C’est ainsi qu’on lit dans le préambule général de ce projet : « Les projets de programmes n’entrent pas dans le détail des pratiques de classe, des démarches des enseignants ; ils laissent ces derniers apprécier comment atteindre au mieux les objectifs des programmes en fonction des situations réelles qu’ils rencontrent dans l’exercice quotidien de leur profession. »
Or, dans la partie mathématiques, dans sa colonne de droite, se trouvent décrits des « exemples d’activités » permettant de travailler les compétences figurant dans celle de gauche. Dans les quelques liens hypertextes mis en ligne sur le site du CSP, d’autres activités sont présentées. Cela confère un privilège exorbitant aux activités ainsi décrites. Quand, de plus, les différentes activités retenues relèvent toutes d’un même parti pris, tel qu’accorder beaucoup de confiance à ce qui s’écrit en mathématiques, ces activités en tant que telles se mettent à constituer un élément de programme. Cela se fait au détriment d’autres choix didactiques possibles. Ainsi, miser beaucoup sur l’écriture pour favoriser l’usage de stratégies de décomposition-recomposition, comme cela se faisait dans les années 1980, est un choix didactique possible, mais sa mise en avant unilatérale et sans accompagnement critique, comporte beaucoup d’inconvénients.
Il existe donc un moyen très simple qui permette de conserver les réelles avancées du projet tout en se prémunissant contre les risques d’encourager le formalisme à l’école : mettre en conformité les parties mathématiques du projet avec les idées générales avancées en début de texte, en laissant une plus grande liberté pédagogique aux enseignants. Comme cela est écrit dans le préambule, cela leur revient en effet, au sein des écoles et des établissements, « de trouver les modalités les plus appropriées en exerçant leur expertise individuelle et collective ». Cette expertise naît de la pratique de la classe, évidemment, mais le préambule des projets de programmes précise les conditions permettant aux enseignants d’exercer leur liberté pédagogique de façon responsable : « Des documents d’accompagnement sans valeur réglementaire ni prescriptive et des actions de formation continue pourront aider (les enseignants) dans l’appropriation et la mise en œuvre des futurs programmes. » C’est évidemment dans de tels documents que doivent se trouver exposés les exemples d’activités correspondants aux différentes modalités de mise en œuvre des programmes, en explicitant les choix théoriques correspondant à ces différentes modalités : juste place de l’écriture dans l’activité mathématique, etc.
Rémi Brissiaud
Chercheur au Laboratoire Paragraphe, EA 349 (Université Paris 8)
Équipe « Compréhension, Raisonnement et Acquisition de Connaissances »
Membre du conseil scientifique de l’AGEEM
Brissiaud sur les programmes de cycle 1
Notes :
1 Ce décompte est obtenu en ne retenant que la partie consacrée aux nombres et aux grandeurs dans le projet cycle 2
2 Sur ces questions, on peut se reporter aux textes mis en ligne par la Commission Française sur l’Enseignement des Mathématiques (Cfem) dans la rubrique : « Débats : premiers apprentissages numériques »
http://www.cfem.asso.fr/debats/premiers-apprentissages-numeriques , et, bien entendu, aux deux petits livres : « Premiers pas vers les maths » (1997) et « Apprendre à calculer à l’école – Les pièges à éviter en contexte francophone » (2013)
3 Andreu, S., Le Cam, M., & Rocher, T. (2014) Evolution des acquis en début de CE2 entre 1999 et 2013 : les progrès observés à l’entrée au CP entre 1997 et 2011 ne sont pas confirmés. Note n°19-Mai 2014 de la DEPP.
http://cache.media.education.gouv.fr/file/2014/61/7/DEPP_NI_2014_19_evolutio[…]
Maths au cycle 2 : La réponse des auteurs des programmes
« La meilleure prévention contre une éventuelle « dérive formaliste », ce n’est pas moins d’écriture, c’est davantage d’écriture, mais une écriture systématiquement liée à la réalité concrète à laquelle elle réfère. Cette mise en lien de l’écriture et de sa référence, cette mise en relation forte entre le concret et l’abstrait, c’est dans le professionnalisme des professeurs, c’est grâce à leur intelligence personnelle et collective qu’elle s’élaborera ». André Tricot, coordinateur des programmes du cycle 2, Gérard Sensevy, André Puyau et Alain Marque, coordinateurs pour les maths, apportent une réponse aux arguments portés par Rémi Brissiaud sur le nouveau programme de maths de cycle 2.
Quelques précisions concernant la proposition de programmes de mathématiques du cycle 2, suite au texte de R. Brissiaud paru dans l’expresso du 6 mai 2015. Nous remercions R. Brissiaud pour son intéressante contribution. Les arguments produits dans son texte reprennent ceux qu’il a exprimés, d’une part lors de son exposé devant le groupe d’élaboration des projets de programmes de Cycle 2, et d’autre part au sein du sous-groupe élargi dont il a fait partie et qui a pu élaborer ce projet de programme de mathématiques sur la base des nombreuses contributions fournies, que l’on peut lire sur le site du Conseil Supérieur des programmes. Ce sous-groupe, dont il était membre, a adopté une partie de ses propositions, mais une partie seulement. Chaque membre du sous-groupe a dû ainsi, classiquement, s’accommoder du travail collectif…
Dans l’argumentation de R. Brissiaud, deux éléments en particulier nous semblent devoir être discutés : la question de l’écriture des mathématiques, et celle des liens hypertextes.
Écrire des mathématiques
R. Brissiaud cite justement le texte des projets de programme, dans son introduction générale : « Dés ce cycle, la composante écrite de l’activité´ mathématique devient essentielle. Les écrits mathématiques ont diverses fonctions : rendre compte de manipulations que les élèves ont effectuées, de phénomènes matériels qu’ils ont constatés, permettre de réaliser des prévisions ou de garder trace des prévisions effectuées avant d’agir. Ces écrits sont d’abord des écritures et représentations produites en situation par les élèves eux-mêmes. Elles sont inventées ou adaptées d’autres écrits et représentations dont ils sont devenus familiers grâce a` leur intégration dans la vie de la classe. Elles évoluent progressivement avec l’aide de l’enseignant vers des formes conventionnelles » (p. 27).
Insistons ici sur l’expression suivante, que R. Brissiaud ne semble pas avoir relevée dans le paragraphe ci-dessus : l’écriture mathématique rend compte en particulier « de manipulations que les élèves ont effectuées, de phénomènes matériels qu’ils ont constatés… ». La production de l’écriture mathématique ne s’émancipe donc pas de la réalité concrète à laquelle elle réfère. Cette prise de conscience peut donc déjà contribuer, en elle-même, à conjurer les risques éventuels du « formalisme ».
D’ailleurs, un peu plus loin dans cette introduction générale, on trouve le développement suivant : [A côté de l’écrit] « il est tout aussi essentiel qu’une activité langagière reposant sur une syntaxe et un lexique adaptés accompagne le recours a` ces diverses fonctions de l’écrit. Cette activité langagie`re permet aussi d’interpréter les écritures et les représentations produites. Ce langage peut toujours e^tre mis en relation avec une action concre`te de référence, de telle sorte que les écritures symboliques conservent le sens venu des situations initiales dans lesquelles elles ont été utilisées. Ce sens fait référence jusqu’a` ce que de nouveaux usages des mêmes écritures symboliques élargissent les significations initiales » (p. 27).
On le voit donc, au cycle 2, les écritures symboliques sont toujours mises en relation, à travers le langage, avec « une action concrète de référence ». En ceci, le programme de cycle 2 de mathématiques est cohérent avec une spécificité essentielle du cycle, telle qu’elle apparaît dans l’introduction générale du programme (p. 5) : « Au cycle 2, on ne cesse d’articuler le concret et l’abstrait. Les activités consacrées au concret (observer et agir sur le réel, manipuler, expérimenter) débouchent sur la représentation analogique (dessins, images, schématisations), puis sur la représentation symbolique abstraite (nombres, concepts). Les activités d’apprentissage mobilisent différentes représentations d’une même réalité, pour accéder aux concepts et organisent les passages de la représentation symbolique au concret. Le lien entre familiarisation pratique et élaboration conceptuelle est toujours a` construire et reconstruire, dans les deux sens. »
Prenons un exemple : les élèves de CP, dans la continuité des programmes de maternelle, auront travaillé la composition-décomposition des petits nombres. Par exemple, ils pourront savoir que 8 peut se décomposer en 5 et 3, ou bien en 4 et 4, etc. Ils pourront donc écrire, en s’appuyant sur cette connaissance plus ou moins incorporée, que 8 = 5 + 3 ; 8 = 4 + 4 ; etc. Mais l’appui sur cette connaissance sera loin d’être suffisant. L’écriture additive sera référée à une réalité concrète : par exemple, le professeur pourra demander aux élèves de montrer sur leurs mains 8, les élèves montreront sur leurs mains 5 + 3, ou bien 4 + 4, et le professeur, ayant retenu par exemple ces deux propositions, demandera aux élèves de produire les deux écritures additives de 8. Peu à peu, les élèves prendront l’habitude de considérer que toute écriture numérique peut se concrétiser, que certaines expériences concrètes peuvent se représenter par une écriture numérique. Par exemple, confrontés à deux dés sur lesquels ils pourront lire « 4 », et « 3 », ils pourront écrire 7 = 4 + 3 ; confrontés à deux collections de 7 objets et 1 objet, ils pourront écrire 8 = 7 + 1, etc. Il est bien entendu que ce passage du symbolique au concret, et du concret au symbolique, ne se fera pas « hors-sol », mais dans le cadre de situations spécifiques qui donneront leur sens au travail mathématique des élèves.
Ce qui précède, on le voit, repose sur une conception du signe « égal » fondée sur l’équivalence, contre la conception désastreuse, qui sévit bien au-delà du cycle 2 et même de l’école élémentaire, qui fait voir ce signe comme un signe d’exécution d’une opération (la touche « entrée » de la calculette). De nombreuses recherches, en psychologie cognitive (1) , ou en didactique, depuis les travaux fondateurs de Guy Brousseau (2), ont montré la nécessité de travailler très tôt l’équivalence. L’écriture d’expressions mathématiques (par exemple l’écriture, en situation, d’additions telle qu’elle est ébauchée ci-dessus) apparaît alors comme un moyen particulièrement puissant pour saisir cette équivalence et pour faire du signe « égal » (et du signe « différent »), notamment dans la comparaison des écritures additives, un outil de composition-décomposition.
Au fond, l’idée sous-jacente à ces projets de programme est celle-ci : au cycle 2, la meilleure prévention contre une éventuelle « dérive formaliste », ce n’est pas moins d’écriture, c’est davantage d’écriture, mais une écriture systématiquement liée à la réalité concrète à laquelle elle réfère. Cette mise en lien de l’écriture et de sa référence, cette mise en relation forte entre le concret et l’abstrait, c’est dans le professionnalisme des professeurs, c’est grâce à leur intelligence personnelle et collective qu’elle s’élaborera.
Le sens des liens hypertextes
Faire confiance à l’intelligence personnelle et collective des professeurs, c’est aussi leur donner certains moyens pour travailler les programmes, pour mieux en appréhender certaines possibilités, pour contribuer à leur évolution. C’est dans cette perspective que des textes de niveau 2 ont été produits (appelés « hypertextes » car ils sont ouverts à partir d’un clic de souris sur un mot du texte du programme lui-même). Les quelques-uns qui figurent sur le site du CSP (et qui n’ont d’ailleurs pas été soumis à la consultation) ne sont en aucun cas des « modèles », qui diraient comment penser ou comment faire : ils constituent des spécimens qui sont destinés à la fois à préciser le sens de certains termes ou expressions contenus dans les programmes et à donner une idée de ce que pourraient être les autres hypertextes (notons que pour les mathématiques au cycle 2, par exemple, une quinzaine d’hypertextes « spécimens » ont été produits pour un total d’environ soixante-dix).
La finalité sous-jacente à une telle proposition est double. D’une part, il s’agit ainsi de donner un sens mieux défini à certaines expressions (la « dérive formaliste », qui consiste à priver les énoncés d’une référence qui leur donne un sens précis et dont on peut débattre, ne concerne pas que les mathématiques au cycle 2…). Il s’agit d’autre part de fournir aux professeurs et à ceux qui les accompagnent des outils pour aider à penser et agir. Il faut noter ici un point crucial : dans notre esprit, ces hypertextes comme outils doivent évoluer en fonction de leur appropriation par les professeurs. A côté du texte des programmes stricto sensu, ils doivent constituer des « éléments en travail », qui marquent la contribution des professeurs et de ceux qui les accompagnent à l’évolution collectivement régulée du curriculum. On pourrait imaginer, par exemple, que dans telle ou telle équipe de circonscription, on produise un travail systématique sur tel ou tel hypertexte, et que le retour de cette équipe de circonscription amène à une réécriture de cet hypertexte qui le perfectionne.
Notre conviction, raisonnée, est que le travail sur les programmes devrait être l’affaire de tous, et particulièrement des professeurs et de ceux qui les accompagnent.
Gérard Sensevy, André Puyau, Alain Marque (coordinateurs du sous-groupe mathématiques du groupe d’élaboration des projets de programme pour le cycle 2)
André Tricot (coordinateur du groupe d’élaboration des projets de programme pour le cycle 2)
R Brissiaud : Point fort, point faible
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2015/05/06052015Article635664[…]
Nouveaux programmes : Le DOSSIER
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2015_Nxprogrammes.aspx
Notes :
1 Cf. par exemple McNeil, N. et al. (2011). Benefits of Practicing 4 = 2 + 2: Nontraditional Problem Formats Facilitate Children’s Understanding of Mathematical Equivalence. Child Development, 82(5), 1620–1633? ; Chesney, D. et al. (2014). Organization matters: Mental organization of addition knowledge relates to understanding math equivalence in symbolic form. Cognitive Development. 30, 30–46.
2 Brousseau, G. (1998). Théorie des situations didactiques. Grenoble : La Pensée sauvage.
Cycle 3 : Des programmes ambitieux qui vont nécessiter des formations
Professeure des écoles, ancienne maitre formatrice, Véronique Vinas a longtemps enseigné en cycle 3 avant de devenir directrice d’école. Pour elle ces nouveaux programmes renouent les fils tissés des programmes de 2002 et de la recherche didactique. En donnant davantage de responsabilité aux enseignants ils exigent davantage de formation.
Le cycle renforcé
La notion de cycle est renforcée dans ces programmes. Le cycle 3 se termine avec l’année de 6ème. C’est le cas dans la plupart des pays européens et cela peut permettre d’effacer la coupure école collège. Revers de la médaille, il va falloir que professeurs des écoles et des collèges travaillent réellement ensemble. Jusque là les rencontres se limitent souvent à des prises de connaissances de ce qui se fait à l’école ou au collège. Il va falloir passer un cran au dessus et élaborer ensemble des séquences. C’est très intéressant mais cela pose des problèmes d’organisation réels et sérieux car rien n’est prévu pour que ce niveau là de travail en commun.
Des programmes ambitieux
Ces programmes sont dans la droite ligne des programmes de 2002. On y retrouve de nombreux points de ces programmes que X. Darcos a supprimé en 2008. Mais ils tiennent compte aussi de tout ce que la recherche a découvert depuis 2002. Ils invitent à utiliser ce qu’on sait sur l’élaboration de la pensée, sur l’importance de donner du sens aux apprentissages, la métacognition, sur ce que veut dire apprendre à apprendre. Sur ce plan c’est formidable !
Mais là aussi il y a un revers de la médaille. Ils risquent de désorienter les enseignants qui trouvaient dans les programmes de 2008 des empilements de connaissances brutes. Là on n’est plus dans les connaissances mais dans les savoirs et leur construction. Pour atteindre les ambitions de ces programmes il va falloir du temps, une vraie formation et un vrai accompagnement des enseignants. Actuellement ni la formation initiale , ni la formation continue ne sont à la hauteur des capacités professionnelles demandées par les programmes.
Des formations nécessaires
Avant de travailler le rapport à l’école chez les élèves, ce qui est un des apports les plus positifs de ces programmes, il va falloir le travailler chez les enseignants. Donner de l’importance à l’apprentissage de l’oral est également très important. Mais les enseignants ne savent pas le faire. Apprendre avec les autres, développer des compétences sociales comme coopérer, voilà aussi des points très positifs de ces nouveaux programmes. Aujourd’hui, après les programmes de 2008, les élèves ne savent plus le faire. Mais pour atteindre tout ce qui est demandé de nouveau dans ces programmes de 2015, il va falloir l’inscrire dans des formations pour les enseignants et dans la durée.
Propos recueillis par François Jarraud
Après la consultation, les nouveaux programmes définitifs devraient être publiés en septembre 2015.
Projets de programme avec annexes
http://www.education.gouv.fr/cid87938/projets-de-programmes-pour-l-ecole-el[…]
Les programmes du cycle 3
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Documents/docsjoints/programmecycle3.pdf
Nouveaux programmes du primaire : Un important dossier du Snuipp
Le Snuipp publie un important dossier sur les nouveaux programmes de l’école primaire (cycles 2 et 3). Il relève 4 points à améliorer. » La présentation entre le cycle 2 et 3, entre les matières au sein d’un même cycle et parfois même au sein d’une même discipline manquent d’unité », explique le Snuipp. « Parfois trop généraux, parfois très précis (micro-compétences), les attendus (pour l’évaluation) de fin de cycle risquent d’exiger beaucoup de travail aux enseignants pour en prélever des indices pertinents de réussites et de progrès à réaliser par les élèves. Il faut clarifier », note le syndicat. Il juge aussi les repères de progressivité « peu cohérents entre cycles 2 et 3″ et » quasiment absents pour le nouveau cycle 3 (CM1, CM2, 6ème) qui, parce qu’il est à cheval sur l’école et le collège en aurait pourtant davantage besoin ».
Découvrez les analyses de Pascal Clerc en histoire-géo, Rémi Brissiaud et Roland Charnay en maths, Joel Lebeaume en sciences.
Le dossier
http://snuipp.fr/Ce-qu-il-faut-ameliorer
Le dossier du Café
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2015_Nxprogrammes.aspx
- Les nouveaux programmes : Cycle 2 : Qu’est-ce qui change pour l’école élémentaire ?
- Évaluation de CE2 : Le ministère choisit une évaluation au service des enseignants
- Recrutement : Des postes insuffisants pour la rentrée selon le Snuipp
- En pratique
Selon le Snuipp et le Se-Unsa, l’évaluation de Ce2 annoncée par F. Hollande en janvier dernier ne sera pas une évaluation nationale. Le ministère a décidé que l’évaluation se fera à partir d’une banque d’outils où les enseignants piocheront et sans remontée des résultats. Le ministère semble donc avoir choisi une évaluation au service des apprentissages et des enseignants. L’idée du grand test national, sous jacente au discours élyséen, semble abandonnée. Par contre l’évaluation pourrait être étendue aux maths à partir de 2016. A la rentrée 2015, les enseignants volontaires pourront tester les outils mis à disposition par le ministère.
Le ministère semble ainsi répondre au critiques du Sgen. Le Sgen expliquait que » s’il s’agissait de vérifier les acquisitions des élèves, la ministre devrait faire confiance à la compétence et à la professionnalité des enseignants. S’il s’agit de mesurer les acquis dans une logique d’évaluation du système éducatif, une méthode d’échantillonnage et de sondage avec l’appui des services de la DEPP est suffisante et beaucoup plus pertinente ».
Snuipp3
http://snuipp.fr/Evaluations-CE2-premieres
Se Unsa
http://www.se-unsa.org/spip.php?article7806
Critiques du Sgen
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2015/03/20032015Article63562[…]
Plus de maitre que de classes : Portrait
Dispositif clé dans la nouvelle politique ministérielle, qui a prévu d’en affecter 7 000 dans les classes d’ici 2017, les maitres surnuméraires (PDM) doivent permettre le développement de nouvelles pratiques pédagogiques de soutien aux élèves en difficulté dans la classe. Mais qui sont ces nouveaux maitres ? Qu’observent-ils comme changements dans les pratiques pédagogiques ? Julie Meunier tient un blog bien connu des enseignants. Surnuméraire depuis 2013 elle montre comment son poste change l’ordinaire d’une école en zone prioritaire.
Depuis des années, Julie Meunier anime le blog de « l’Ecole de julie », un rendez-vous bien connu des enseignants. Depuis 2013, cette jeune enseignante de Migennes (89) est devenue maitresse surnuméraire , une nouvelle fonction devenue un des dispositifs phares de la refondation. « Ce dispositif, nouveau, repose sur l’affectation dans une école d’un maître supplémentaire », explique le site de l’Inspection académique de l’Yonne. « Cette dotation doit permettre la mise en place de nouvelles organisations pédagogiques, en priorité au sein même de la classe. Il s’agit, grâce à des situations pédagogiques diverses et adaptées, de mieux répondre aux difficultés rencontrées par les élèves et de les aider à effectuer leurs apprentissages fondamentaux, indispensables à une scolarité réussie ». Les attentes mises dans ce dispositif sont importante. Qu’en est il en vrai ? Julie Meunier témoigne de ses deux années dans le dispositif.
Comment devient-on maitre surnuméraire ?
Dans mon école, Paul Verlaine à Migennes, une école Rep de 5 classes, nous avons développé un projet pour demander à bénéficier du dispositif. Et j’ai postulé pour ce poste. Après plusieurs entretiens avec plusieurs IEN dont l’inspecteur en charge du dispositif, ma candidature a été retenue.
Votre présence a-t-elle changé les pratiques pédagogiques dans l’école ?
On a vraiment changé notre façon de travailler à la fois dans la classe et comme équipe. Le projet qu’on a développé porte sur la production d’écrits et la résolution de problèmes. Voilà des domaines où par exemple on a appris à travailler de façon plus explicite. Il y a eu un changement total dans le fonctionnement de l’équipe. On parlait peu de pédagogie. Maintenant on en parle beaucoup plus. On discute des problèmes rencontrés en classe. Les échanges sont devenus plus factuels. On utilise pour cela des temps informels : le soir ou même pendant les vacances.
Un exemple de changement dans les pratiques ?
Prenons par exemple la production d’écrit. On a beaucoup lu ce qu’a écrit André Ouzoulias. On est allé voir aux Mureaux les pratiques des enseignants durant des vacances. C’est quelque chose qu’on n’aurait surement pas fait toutes seules. Depuis on a changé nos pratiques aussi bien en cycle 2 que 3. Par exemple on a beaucoup travaillé la vigilance orthographique. Ca a pris beaucoup plus d’importance.
Mais quelle est la place du professeur surnuméraire dans cette évolution ?
Il est un peu le fil rouge entre les classes. Quand on observe des difficultés en cm2 on peut maintenant les anticiper et enseigner autrement en ce1. Il permet d’avoir une vision plus globale des apprentissages qui est partagée avec l’équipe. Du coup on travaille beaucoup plus la prévention des difficultés. On n’attend plus que les difficultés apparaissent.
Comment organisez vous vos interventions ?
C’est évidemment un point qui se discute avec l’équipe pédagogique. On se fixe ensemble de grands axes de travail. Puis on prépare ensemble au moins les grands traits de mon intervention. Là il y a eu une autre évolution importante. Avant le PDM chacun travaillait isolément dans sa classe qui était close. Avec le PDM, tous les collègues ont appris à ouvrir leur classe. Ca a demandé un petit peu de temps pour accepter que quelqu’un d’autre entre dans sa classe en toute confiance.
Pour moi ça a été un vrai signe de reconnaissance professionnelle. Quand je travaille avec mes collègues je me sens reconnue professionnellement. En même temps, je suis passée d’un mi temps à trois quarts de temps comme maitresse surnuméraire.
Comment êtes vous aidée ?
Dans l’Yonne on a la chance d’avoir beaucoup de stages. On est piloté par un groupe d’appui qui délivre des temps de formation en regardant nos besoins. Le site internet de l’inspection académique est aussi très riche en documents pour réfléchir et développer le dispositif. Mais c’est l’école qui fabrique son projet.
Quel impact sur les élèves ?
On a l’impression qu’on fait plus et mieux. On note aussi plus d’appétence au travail chez les élèves. Ils nous semblent très investis dans leur travail. Mais c’est très difficile d’évaluer le résultat de notre travail. On voit de nets progrès. Mais peut on assurer qu’ils sont liés au dispositif ? C’est difficile. Nous on a l’impression de mieux travailler. Et c’est très valorisant !
Propos recueillis par François Jarraud
Le blog de Julie
Le site de l’Yonne pour le dispositif
http://www.ac-dijon.fr/dsden89/cid79494/plus-de-maitres-que-de-classes.html
- Les nouveaux programmes : Cycle 2 : Qu’est-ce qui change pour l’école élémentaire ?
- Évaluation de CE2 : Le ministère choisit une évaluation au service des enseignants
- Recrutement : Des postes insuffisants pour la rentrée selon le Snuipp
- En pratique
Comment 2 511 créations de postes d’enseignants à la rentrée 2015 pour les seules classes du primaire peuvent-elles être insuffisantes ? Le Snuipp a recensé l’affectation de ces postes dans les différents départements telle qu’elle est programmée pour la rentrée 2015. Son analyse montre que ni le maintien d’effectifs tolérables dans les classes, ni les orientations de politique éducative ministérielles ne pourront être respectés à la rentrée. Pire, les objectifs de créations de postes fixés par la loi d’orientation semblent de plus en plus inaccessibles. Démonstration..
Addition, soustraction, parfois division. Hélas pas de multiplication. Les représentants du Snuipp dans les départements font remonter au siège national la répartition des nouveaux postes telle qu’elle est prévue à la rentrée 2015. Avec 2 511 créations de postes le primaire est mieux doté qu’en 2014 (2 355) mais reste moins bien doté que le secondaire (2 555 en 2015, 1 986 en 2014).
Plus d’élèves par classe à la rentrée 2015
Les remontées des sections départementales du Snuipp montrent que 708 classes seront fermées à la rentrée et 1 172 postes restent non affectés par les Dasen. Ils le seront cet été pour faire face aux besoins démographiques qui seront apparus. Pour le Snuipp, cela veut dire que seulement 464 nouvelles classes seront créées à la rentrée 2015. Elles devront accueillir 25 400 nouveaux élèves prévus dans les statistiques du ministère. Une récente étude de la Depp crédite même la rentrée de 27 300 élèves supplémentaires. La première prévision donnerait un nouveau poste pour 55 nouveaux élèves.
Même si cette hausse est lissée sur les classes existantes, il est clair que le nombre d’élèves par classe ne va pas baisser à la rentrée. Ce que prévoient à beaucoup d’endroits les enseignants c’est l’augmentation des effectifs élèves, même en Rep comme nous l’avons montré à Paris récemment. Or l’école primaire français, où n’existe aucun maximum légal du nombre d’élèves par classe à la différence de nos voisins , est déjà champion d’Europe avec l’Allemagne pour le nombre d’élèves par classe. Pire, alors que partout le nombre d’élèves par classe a diminué, en France il continue à augmenter.
Des objectifs ministériels inaccessibles
Cette situation découle aussi des priorités ministérielles. La réforme de l’éducation prioritaire ouvre un droit à formation des professeurs des écoles en Rep+ (18 demi journées) qui correspond à 1 100 postes. La loi d’orientation a aussi prévu la création de 7 000 postes de « plus de maitres que de classe » (PDM) d’ici 2017. La loi s’est aussi fixée des objectifs de scolarisation des moins de trois ans avec 3 000 postes affectés. Enfin le ministère a annoncé vouloir regonfler les remplaçants et les Rased décimés ces dernières années.
Ainsi à la rentrée 2015, selon le Snuipp, 346 nouvelles classes seront créées en Rep et 770 postes seront consommés pour permettre les formations en Rep+. C’est un bel effort qui crédibilise les mesures prises en faveur de l’éducation prioritaire mais qui reste insuffisant. La formation des professeurs des écoles devra encore s’appuyer sur des équipes de remplaçants insuffisantes. Ou les écoles Rep+ resteront sans maitre comme on l’a constaté souvent cette année.
Seuls 456 postes de « plus de maitres que de classes » seront créés à la rentrée. On aura donc 2 210 postes consacrés à ce dispositif. L’objectif des 7 000 postes en 2017 semble impossible à tenir. Il en est de même pour la scolarisation des moins de 3 ans : 111 créations de postes en 2015 (le tiers de 2014) qui porteront le total des postes créés à 791. Là aussi les 3 000 promis semblent hors de portée.
Les Dasen ont aussi prévu 331 nouveaux postes de remplaçants (moitié moins qu’en 2014) et 63 postes dans les Rased (43.5 en E et 27.5 psychologues). Dans les deux cas on est loin de rattraper les suppressions de postes d’avant 2012.
Amplifier les créations de postes
» La priorité au primaire, érigée en slogan, peine donc encore à se concrétiser », nous dit le Snuipp qui salue les créations de postes mais les juge insuffisantes. » Les dotations sont nettement insuffisantes au regard des besoins de l’école primaire. Si le gouvernement veut tenir ses engagements pour l’école et la réussite de tous, le prochain budget doit amplifier les créations de postes pour le primaire ». Et le Snuipp entend bien faire passer le message.
Lors de son intervention lors du colloque de la Mclcm le 12 juin, Benoit Hamon appelait la ministre à être vigilante pour son budget qui arrive en fin de cycle triennal. Il apparait déjà que face à une croissance démographique qui va durer jusqu’en 2016, l’effort budgétaire s’il est réel ne semble pouvoir ni faire face aux besoins de créations de classes, ni respecter les engagements des politiques ministérielles, ni permettre les respect des promesses électorales.
François Jarraud
Le document du Snuipp
http://www.snuipp.fr/Le-compte-n-y-est-pas,13739
Les prévisions d’effectifs
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2015/04/08042015Article6[…]
Les créations de postes
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/10/02102014Article63[…]
Le nombre d’élèves par classe en Europe
http://eacea.ec.europa.eu/Education/eurydice/documents/key_data_series/134FR.pdf
Quelle est la taille réelle des classes ?
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2013/01/10012013Article63[…]
- Les nouveaux programmes : Cycle 2 : Qu’est-ce qui change pour l’école élémentaire ?
- Évaluation de CE2 : Le ministère choisit une évaluation au service des enseignants
- Recrutement : Des postes insuffisants pour la rentrée selon le Snuipp
- En pratique
Des outils pratiques pour la rentrée…
Les horaires des écoles portés en ligne
Retrouver en ligne les horaires de l’école de son(ses) enfant(s) à la rentrée 2015. C’est ce que permet le site « 5 matinées » ouvert le 26 juin par l’Education nationale. « Les horaires des activités périscolaires organisées par les communes et intercommunalités sont quant à eux disponibles localement », précise le ministère.
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2015/06/26062015Article635[…]
Un modèle de lettre de rentrée prête à l’emploi
http://larucklin.eklablog.com/lettre-de-rentree-2015-p1039240
Un règlement pour la cour
Peut-on faire un réglement de la cour de récréation qui soit positif ? C’est le pari de l’école de La Rucklin réalisé après une réunion avec les parents et destiné aux enfants, aux parents et bien sur aux enseignants.
http://larucklin.eklablog.com/un-nouveau-reglement-positif-de-la-cour-d-[…]
Des calendriers pour 2015-2016
Un calendrier avec et sans nombres
http://laclassedelaurene.blogspot.fr/2011/08/calendriers-2011-2012.html
Un calendrier par zone
http://www.laclassedejenny.fr/calendrier-2015-2016-a118096804
Et encore celui ci
http://objectifmaternelle.fr/2015/05/calendriers-pour-la-classe/
Un cahier d’appel
http://laclassedelaurene.blogspot.fr/2015/07/cahier-dappel-imprimable.html
RAN : Un registre d’appel numérique
« En téléchargement libre, voici un registre d’appel journalier au format excel, adapté aux nouveaux rythmes (mercredi matin) et conforme aux textes législatifs et réglementaires. Il permet un suivi précis des élèves et évite à l’enseignant plusieurs tâches fastidieuses comme reporter chaque mois le nom et le prénom de chaque élève ou effectuer les différents calculs statistiques, en prenant en compte les vacances (zone A, B ou C), les jours fériés, les jours exceptionnellement travaillés (en récupération d’un pont par ex.), les années bissextiles, les arrivées, départs, retours…des élèves, etc. RAN permet d’automatiser tout cela. »
http://brassens.languidic.free.fr/spip.php?article464
Le registre de soins
http://laclassedelaurene.blogspot.fr/2015/07/registre-de-soins-le-cahier[…]