Ce livre est composé de témoignages écrits par des enseignants de disciplines et catégories variées, avec une majorité d’historiens.
La consigne donnée était « Racontez-moi en cinq à dix pages, comment, à vos débuts, vous êtes devenu(e) professeur, les difficultés que vous avez eu à surmonter, les problèmes que vous avez rencontrés, les erreurs que, rétrospectivement, vous pensez avoir commises ».
Ce qui m’a frappé, dès l’abord, c’est la diversité des situations, du professeur nommé dans plusieurs pays à celui qui reste toute son existence dans le même lieu, de celui qui est centré sur ses élèves à celui qui trouve son plaisir dans sa discipline. Ce qui montre combien il est difficile de parler » des enseignants » en général ! Tous paraissent très impliqués dans leur travail. Pour tous également les changements d’établissement sont des ponctuations dans leur existence ; elles marquent les étapes de leur vie et leur façon de faire la classe.
Ce livre est également intéressant dans la mesure où il illustre le passage du » professeur artiste » au professeur considérant son travail comme une » profession « . Dans un premier groupe les témoignages sont ceux d’enseignants n’ayant eu aucune formation autre que celle du CPR ou de l’Ecole Normale. Peu en gardent un souvenir utile (autrement dit , pas de différence avec ce qu’on entend dire souvent de la formation en IUFM !). Peu également ont trouvé de l’aide auprès des collègues. La majorité situent l’origine de leur » vocation » dans des raisons familiales ou dans une identification à un enseignant rencontré quand ils étaient jeunes. C’est du reste pour cela qu’ils considèrent l’essentiel de la formation dans une identification à un Maître, elle se construit par l’expérience solitaire et du temps.
Dans un autre groupe, minoritaire, les enseignants disent avoir reçu de l’aide par des expériences différentes de celles acquises dans l’enseignement proprement dit : animation de colonies de vacances, formations d’adultes, autre métier dans le privé…
Les méthodes pédagogiques paraissent également en évolution ; il y a des enseignants centrés sur la confection de leur cours et d’autres qui mettent en place des expériences pédagogiques dans lesquelles les élèves sont les principaux acteurs : on y perçoit tout un changement de la conception de la transmission des connaissances.
Ce livre me paraît un bon reflet de la mutation de cette profession enseignante. Il permet de comprendre combien peut être difficile la reconstruction d’une » identité professionnelle » qui permettrait aux enseignants de se sentir de nouveau » reconnus « . On y voit également à quel point les enseignants investissent leur métier et donc comment cette mutation, loin de toucher seulement des modalités de son exercice, les touche dans le plus profond de leur être.
Un livre à lire pour comprendre les questions actuelles.
Jacques Nimier