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Par JP Raud Dugal
Les Cafés Géographiques est une association de passionnés de géographie. Le site des Cafés est une des références majeures pour tous ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances ou bien même vivre un peu de la convivialité qui jalonnent les rendez-vous non virtuels dans des cafés sur tout le territoire national de Paris à Saint-Dié en passant par Toulouse, Lyon ou Mulhouse. La géographie universitaire ainsi partagée est un des bonheurs d’Internet.
Une adresse :
Nous avons posé des questions à Gilles Fumey, Maître de Conférence à Paris IV Sorbonne, pour mieux connaître les Cafés et mieux nous les faire découvrir.
Comment vous est venu l’idée de créer les Cafés Géographiques? Quels en étaient les objectifs?
L’idée des Cafés est à la fois de s’amuser à Saint-Dié-des-Vosges pendant le festival de géographie qui s’y déroule chaque automne, une fois les lampions des tables-rondes éteints et de donner une approche concrète de l’utilité de la géographie à des étudiants de prépas pour lesquels la géographie était avant tout une « discipline », c’est-à-dire un savoir savant. La rencontre de chercheurs dans un café, où l’on peut poser librement les questions et aborder des sujets pas forcément académiques, a permis d’atteindre cet objectif-là. Enfin, contrairement à ce qu’on croit, les médias avant l’internet étaient peu ouverts sur leurs lecteurs, se copiaient beaucoup les uns les autres et ont laissé le champ libre pour des approches nouvelles (comme en philo avec les cafés, une revue grand public). On a eu l’impression avec les Cafés géo et leur réseau qu’on pouvait traiter des questions d’actualité autrement que par le seul prisme économique, la seule statistique, le seul débat politique. Il faut dire que la géographie venait de vivre de très belles années depuis 1976 qui avait vu naître Hérodote, EspaceTemps, L’Espace géographique, Mappemonde, Cybergéo…Une belle preuve de vitalité couronnée par le festival de géographie de Saint-Dié-des-Vosges qui ancrait la géographie dans le grand public. Il faut dire aussi que nous avons été rejoints très tôt par de nombreux géographes, des universitaires et chercheurs mais aussi, en particulier, une jeune génération qui a bien senti l’intérêt pour elle de musarder hors des sentiers académiques. L’internet a fait le reste.
Pourriez-vous nous préciser comment s’organise un Café (choix du lieu, choix du conférencier, etc.)?
Le choix d’un Café géo se fait en fonction de l’actualité (élections, événements internationaux importants) mais aussi en fonction des recherches dont les parties émergées les plus visibles sont les livres publiés, les colloques, les articles dans les revues. Il peut y avoir des propositions spontanées de géographes qui souhaitent confronter leur travail au débat libre du Café. Enfin, les équipes qui organisent les soirées tentent d’ouvrir les problématiques géographiques à des questions plus culturelles (l’héliotropisme des personnes âgées, ce que nous dit le cinéma, etc.), des questions parfois plus pointues ou carrément décalées (géographie de la nuit, par un géographe québécois).
Les Cafés Géographiques ont diversifié leurs approches avec la recension d’ouvrages, les « Lettres de Cassandre » où P. Gentelle intervient très souvent, des articles passionnants sur des sujets géographiques majeurs… Qu’est-ce qui vous a décidé à opérer ces approches complémentaires?
Le site internet des Cafés géo nous a mis en relation avec toute une communauté de gens qui ne peuvent pas forcément suivre nos débats mais aiment ce qui s’y passe. Progressivement est née l’idée qu’il y avait un espace pour continuer ce que nous faisions dans les Cafés : pour coller un peu plus à l’actualité (les élections, les jeux olympiques, etc.), pour souligner des coïncidences (la « vague bobo » qui est géographique), des approches géographiques pas toujours perceptibles (la mondialisation des sentiments), etc.
La lettre de Cassandre pousse un peu plus loin cette réflexion : parce que Pierre Gentelle est l’un des meilleurs géographes français, un esprit très vif, percutant, une très belle plume, un observateur talentueux du monde, d’autre part, parce qu’il est un homme libre, qui n’a de compte à rendre à aucune institution et qui peut étayer des pistes pour une géographie plus active, au sens où elle apporte des réponses inédites à des questions de tous les jours. Aussi bien sur le prêt des œuvres d’art, sur l’actualité de Cézanne ou le théâtre de la guerre d’Austerlitz. Ce qui n’est pas donné à tout le monde.
Quel est (sont) votre (s) meilleur (s) souvenir (s) depuis la création de l’association?
La création de l’association a permis de passer quelques voyages ensemble, jusqu’en Ouzbékistan ou dans le Hoggar avec des géographes de talents. De dîner avec Michel Sivignon pour se rendre compte que dans l’assiette au cours de nos repas, se joue une petite scène qui doit beaucoup à la géographie. Des débats sur les films, une promenade dans Paris sur les pas d’Hemingway avec Jean-Louis Tissier, un café géo dans un car de tourisme sur la route de la Soie entre Khiva et Boukhara dans le désert du Kyzyl Koum, tout cela et bien d’autres moments constituent des occasions uniques pour faire de la géographie « autrement ».
Quels sont les défis futurs des Cafés Géographiques?
Les défis ? Rester ouvert sur le monde et les questions qu’il pose, demeurer proche des chercheurs et des étudiants qui aident à formuler les questions latentes qu’on se pose en géographe dans une société qui nie souvent l’approche spatiale, veiller à la qualité de nos débats, l’adaptation du site aux pratiques des internautes, varier les publics, élargir la base de nos contributeurs afin que le site reflète bien l’ensemble de notre communauté scientifique.
Un grand merci à Gilles Fumey pour sa disponibilité et sa gentillesse.
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