Par François Jarraud
« Cette aventure est belle parce qu’elle est l’aboutissement d’un projet improbable, mais aussi parce qu’humainement elle est d’une richesse incroyable ». Dix collégiens du collège Vallon de Toulouse de Marseille ont interviewé des athlètes pour se payer l’avion jusqu’à Pékin. Ils ont réussi leur pari et on peut suivre sur la toile cette aventure.
« Cette aventure est belle parce qu’elle est l’aboutissement d’un projet improbable, mais aussi parce qu’humainement elle est d’une richesse incroyable. Ce n’est pas forcement ce qui m’avait guide ». Elle est surtout exceptionnelle par ses apports pédagogiques nombreux, l’engagement du professeur, Xavier Cerati, les capacités des jeunes et de leur professeur à rebondir devant les obstacles. Une nouvelle médaille d’or pour la France ?
Partir avec des collégiens à Pékin, ce n’est pas une mince aventure. C’est même une idée un peu folle. Comment est-elle née ?
En août 2006 je suis assis sous le magnifique tilleul de ma maison corse et je réfléchis à la manière de raconter à mes enfants l’histoire de leur grand-père né en Chine à la fin des années 30. Je ne peux leur parler de la Chine sans évoquer Pékin où se dérouleront les prochains Jeux Olympiques. Puis parler de Jeux Oympiques réveille chez moi une petite frustration. Je devais en effet aller aux JO d’Athènes avec 8 élèves en 2004 avant que la récompense qui leur était promise ne soit annulée à un mois des Jeux par principe de précaution. Déjà un énorme travail que ce « fabuleux destin de Victor Rapide ( http://www.eps.ac-aix-marseille.fr/doc/2004_vallon_de_toulouse_victor_rapid.pdf ), le roman photo que nous avions réalisé.
Quelles étaient vos motivations ?
Je voulais impérativement mettre en avant les valeurs du sport, celles qu’en tant que prof d’EPS j’essaie au quotidien de mettre en avant dans mes cours. Je voulais qu’ils découvrent une Chine « concrète », différente de celle de leur livre d’histoire/géo et puis comme j’aime raconter des histoire, je voulais faire un clin d’œil à mon histoire familiale en écrivant une saga qui débute à Marseille en 1938 et lui donner une issue imaginaire à Pékin à l’occasion des jeux. Enfin, si notre travail était à la hauteur de nos ambitions et si ma quête de financement aboutissait, l’objectif ultime était d’amener à Pékin 5 élèves, soit un par anneau olympique.
Comment a t elle été accueillie par les parents, les collègues, les premiers intéressés ?
Lorsque à la rentrée 2006 j’annonce à ma Principale que je me lance dans un projet dont l’objectif est d’aller aux JO avec des élèves, j’ai eu droit à une magistrale… indifférence. Concernant mes collègues, j’ai tu ce projet farfelu quelques temps, n’en parlant qu’à mes proches. Ce n’est qu’en mars 2007, après quelques mois de gestation, qu’il est « révélé au grand jour ». Une affiche invite les élèves de 5ème et de 4ème à assister à la présentation d’un projet dont l’issue pourrait être un voyage en Chine à l’occasion des JO. Une semaine plus tard, ils ne seront que 9 curieux à se présenter avec leurs parents sur un potentiel de 220! Des parents intéressés, d’autant plus que la participation financière annoncée en cas de réussite ne doit pas excéder le coût d’un séjour scolaire, soit 300€ (révisé finalement à 400).
Alors comment avez vous pu le financer ?
Deux soutiens forts m’ont permis d’y croire. D’une part, le Conseil Général des Bouches du Rhône. En 2004, il avait été à l’origine de nos rêves d’olympisme en lançant un concours que nous avions gagné. Puis la désillusion avait été terrible lorsque l’action fut annulée à un mois des Jeux. Je pense que certaines personnes ont pris conscience que des projets uniques, des projets d’excellence, ne devaient pas se terminer en queue de poisson. Alors quand je les ai sollicité, dés le début, ils m’ont dit « nous vous suivons ». La subvention du Conseil Général, obtenue par le biais de l’Association Sportive du collège, représente 50% du budget. Le deuxième soutien fort est venu d’un ami d’enfance qui m’a dit « moi je veux que ton histoire aboutisse parce que j’aime les histoires que tu nous racontes depuis toujours ». En mettant 2000€ dans le projet, il a été à l’origine d’une magnifique chaîne d’amitié lancée à mon insu par un de mes cousins et ma femme. Un « Pékinthon », comme ils l’ont appelé, qui a rapporté 35% du montant du séjour. J’inclus dans cette action quelques subventions trouvées par les élèves ainsi que des partenaires forts, notamment un ami de mes parents et un riche passionné de sport rencontré sur un terrain de volley!
Comment cela s’est il passé à Pékin ?
« Magique! » semble être le mot qui résume le mieux cette aventure. Il est cependant important de dire que ce voyage n’a pas été monté par une agence de voyage. J’ai tout fait tout seul! Un an et demi avant le début des Jeux, alors que je n’avais pas un sous en poche, j’ai sollicité la seule agence qui vendait la billetterie stade et par la même occasion les packages avion+logement. A partir de 2200€ les 6 jours pour 4 épreuves. J’ai bien monté un dossier (tout au moins je le pensais…). Mais on me disait qu’il était déjà tard, que je n’étais pas certain d’avoir des places, puis quelques mois plus tard, qu’ils n’avaient plus de chambres.
Lorsqu’enfin j’ai l’argent du Conseil Général, je peux enfin acheter mes billets d’avion, mais ils ne pouvaient pas me les vendre au prix où je les voyais sur internet. Je vais donc devoir les chercher ailleurs. Je découvre alors ce que sont les délais administratifs, qu’entre le vote d’une subvention et son versement, vous avez le temps de ne plus avoir une place d’avion pour aller à Pékin.
La tête bouillonne. Je découvre la loi Dailly, une aubaine pour moi. Mais avoir des frais bancaires quand moi je veux faire des économies pour amener pourquoi pas un sixième élève, c’est un choix difficile à faire. Ma tête tourne à plein régime et mon carnet d’adresse me sauve en me donnant une solution pour l’avion et pour un déblocage rapide de la subvention. Je m’écarte de votre question mais j’y reviens parce que tout est lié. Il me faut donc trouver un logement. Des nuits passées sur internet me permettent de trouver une annonce. Une jeune française loue son appartement à Pékin du 15 au 30 août. Ce seront mes dates, ça me permettra de trouver des billets à des tarifs moins indécents que pendant les Jeux et ça dessinera les contours de notre voyage. Une semaine olympique et une semaine de tourisme.
Alors comment ça s’est passé à Pékin? Cette maison nous a permis de vivre dans un quartier 100% chinois comme aucun hôtel n’aurait pu nous le permettre, une immersion totale. Mes ados allaient défier au pied de l’immeuble de jeunes chinois au tennis de table ou jouaient avec eux au jianzi, un cousin éloigné du badminton qui se joue au pied. Ils allaient faire leurs courses eux même et découvraient parfois des fruits mystérieux tel le durian (une expérience inoubliable!). Nous avions notre « cantine » à quelques pas où ils sont rapidement devenus des as de la baguette, osant goûter et savourer des plats épicées aux consistances parfois étranges. Cette immersion était forcément une clé de notre séjour.
Concernant la semaine olympique, c’était bien évidemment une semaine extraordinaire, le point d’orgue étant nos deux soirées dans le stade olympique. La première fois restera gravée dans leur mémoire. Arriver sur le site olympique et découvrir face à face ces deux joyaux architecturaux que sont le stade olympique et le water cube c’est déjà quelque chose.
Rajoutons pour le décor un magnifique coucher de soleil et une douceur idéale, là où la télé nous avait montré une première semaine maussade. Un petit coup de pousse du destin qui nous fait croiser Alain Bernard, « héros » Français de ces Jeux, qui va prendre sous ses ailes mes gamins en transe! Puis enfin, l’entrée dans le stade olympique à une heure où ses entrailles s’illuminent de rouge, pour faire fondre en larmes ces ados qui n’avaient toujours pas réalisé qu’ils étaient aux Jeux Olympiques. Saupoudrons d’un record du monde du saut à la perche par la belle Yelena Isinbayeva (en plus je leur avais prédit!). Ajoutez la seule médaille française en athlétisme, obtenue sous les hurlements hystériques de mes gamins, au point où les chinois de notre tribune étaient plus curieux de nos cris que de la magnifique bagarre que se livraient les athlètes sur la piste. Pour ponctuer le tout, sortez du stade qui ressemble à des braises. La nuit est tombée sur Pékin. La robe du water cube passe du bleu au violet. La tour de télévision qui empile 5 « diamants géants » passe par toutes les couleurs. Des gouttes d’eau virtuelles glissent sur un bâtiment au loin. Un écran géant diffuse les images de la journée au sommet d’une immense tour coiffée d’une étrange casquette. Les grillons nous rappellent qu’ils sont chez eux.
Quelques jours plus tard, nous aurons la chance de voir un des trois records du monde d’Usain Bolt. Nous vivrons trois jours de suspense autour du hand-ball féminin et masculin, qui se termineront par une fête partagée avec les champions olympiques, au club France. Nous aurons aussi vu du volley-ball, du plongeon et du tae-kwondo.
La deuxième semaine pouvait difficilement atteindre les sommets émotionnels de la première. Seule émotion comparable, qui restera peut-être plus longtemps dans leur mémoire que les émotions sportives, La Muraille de Chine. Comment imaginer qu’on ait pu construire un mur de près de 7000 kilomètres de long, une dizaine de mètres de haut et un tracé à couper le souffle… et les jambes. Bien évidemment, nous avons visité la cité interdite, le palais d’été, l’opéra et le zoo de Pékin (pas la plus belle des expériences malgré la richesse des espèces), puis nous avons négocié à l’excès dans tous les magasins (et j’avais un champion!).
Par rapport au projet quels objectifs ont été atteints ?
Pour mettre en avant les valeurs du sport, mes jeunes se sont fait reporters, rencontrant en 18 mois une vingtaine d’ athlètes de haut-niveau (Virginie Dedieu, triple championne du monde de natation synchronisée, Eric Quintin, « barjo » olympique et champion du monde de hand-ball, Alexandre Biamonti champion du monde de karaté, Laurence Fischer, championne du monde de karaté, Elvire Teza, finaliste olympique en gymnastique, Yann Cucherat, capitaine de l’équipe de France de gymnastique, Yann Vernoux, capitaine de l’équipe de France de water-polo, Arnaud Clément, tennisman, Christelle Daunay, qualifiée pour le marathon de Pékin, Xavier Rohart, champion du monde en star (voile), Camille Ayglon, équipe de France de hand-ball, Joseph Mahmoud, ancien champion d’Europe du 3000m steeple, Ladji Doucoure, champion du monde du 110m haies, Thierry Lincou, champion du monde de squash, Fabien Gilot, médaille d’argent du 4x100m des JO de Pékin, Marc Alexandre, champion olympique de judo, Assia El Hanouni, quadruple médaillée d’or aux Jeux paralympiques d’Athènes en athlétisme, Ludivine Loiseau, triple médaillée aux Jeux paralympiques d’Athènes en natation et Nathalie Simon, ancienne véliplanchiste de haut niveau, reconvertie dans la vachette). Ils ont écrit leurs interviews, les ont réalisées et diffusées sur notre blog Marseille-Pékin.
Mon plus grand bonheur est de voir, au bout de ce projet, des élèves capables de rebondir sur la réponse d’un athlète pour l’amener vers une nouvelle question. Très loin des premiers entretiens, aux questions saccadées et aux réponses presque secondaires.
Concernant la découverte de la culture chinoise, nous avons travaillé depuis l’origine avec deux jeunes chinoises, dont une nous a accompagné à Pékin. Bien avant que le parcours de la flamme ne soit la victime de la cause Tibétaine, nous avons abordé les problèmes des droits de l’homme. Nous avons également évoqué la place de la femme dans la société chinoise, la place de l’enfant, du sport. Mes élèves ont appris des bases de chinois et ont filmé leurs premières leçons. Des bases utilisées abondamment en Chine mais bien évidemment insuffisantes!
Enfin, concernant notre fiction, nous avons tourné à Pékin l’ultime scène. Il me reste maintenant à m’occuper de la post-production, je vais laisser mes élèves tranquilles. Depuis un an, nous avons tourné des scènes clé qui émaillent notre histoire, comme l’arrestation de notre héros par des soldats Japonais, en 1945. Vous voulez savoir comment on a fait avec des ados de 14 ans? Vous devrez attendre fin septembre/début octobre…
Pour chaque scène, les élèves devaient présenter un story-board, avant de la réaliser, écrire les dialogues, se distribuer les rôles.
Quels apports pour l’EPS ?
Ah! cette question! Disons qu’elle permet de montrer que notre discipline, si on la titille un peu, peut s’éclairer d’imaginaire.
Et pour la formation générale des jeunes ?
Je pense que ce projet encrera dans leur tête que le travail fait franchir des montagnes. Cette valeur « travail » mise en avant par tous les sportifs rencontrés et indispensable à la réussite de notre rêve fou. Plus concrètement, ils auront appris à construire une interview ou un court-métrage, pris confiance en devenant journalistes ou acteurs et auront réussi à communiquer sans honte grâce au langage universel qu’est le sport, mais aussi grâce à leur rudiments d’anglais ou de chinois.
Il y a avait dans mon dossier de demande de subvention une phrase qu’on m’avait glissé.
« C’était impossible, ils ne le savaient pas, alors ils l’ont fait » Elle prend tout son sens aujourd’hui.
9- Vous allez repartir en 2012 ?
Bien sûr… mais avec ma famille! La reconnaissance et les soutiens sont tellement inexistants pour des projets de cette envergure que je ne pourrai infliger aux miens, une nouvelle fois, une telle débauche d’énergie si elle n’est pas tournée vers eux!
Le blog écrit depuis Pékin
http://marspek1isback.canalblog.com
Le site du projet
http://marseille-pekin2008.over-blog.com/
Des photos
http://picasaweb.google.com/xavier.cerati/LAventureMarseillePekin#
Et le projet sur le site du collège
http://www.eps.ac-aix-marseille.fr/doc/2004_vallon_de_toulo[…]