Le FFFOD (forum français pour la formation ouverte et à distance) organisait le 19 mars dernier un après midi d’études consacré à la Foad et au handicap autour de la question : «Comment la FOAD peut elle améliorer la formation des personnes handicapées ».
Un constat sans appel
La nécessité de renforcer l’accès à la formation professionnelle des personnes handicapées est indéniable. D’un côté, il existe une injonction, traduite dans une législation remise à jour en 2005, de l’autre on constate une difficulté à mettre en œuvre des formations adaptées. Les chiffres et les faits présentés par Philippe Velut, fondateur de Des Idées + des Hommes, sonnent comme un noir constat. Les entreprises et le service public de l’emploi déplorent le faible niveau de qualification des travailleurs handicapés. Selon une étude de la DARES publiée en 2006, 52% personnes handicapées en situation de travail ou demandeurs d’emploi ne possèdent aucun diplôme, 34 % ont un diplôme de niveau V, équivalent au CAP. Pour étayer ce constat, un détour s’impose vers les causes du handicap.
Si le handicap se manifestait déjà durant l’enfance, la personne a certainement subi l’absence de politique d’intégration des jeunes handicapés dans le système scolaire qui a prévalu pendant des décennies. Pour Philippe Vélut, le plan handiscol et ses successeurs amènent quelques espoirs même si l’intégration de l’enfant dans l’école est parfois difficile. On constate déjà une augmentation de 30% du nombre d’étudiants handicapés inscrits dans les universités. Si le handicap est la conséquence d’un accident ou d’une maladie professionnelles, on tombe là dans les travers du système de la formation professionnelle continue. Des études récentes ont montré qu’elle s’adressait prioritairement aux adultes déjà diplômés, délaissant les populations les moins qualifiées … parmi lesquelles on compte le plus de victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles. D’autant que les personnes handicapées sont souvent orientées par les Maisons Départementales du Handicap prioritairement vers des centres spécialisés, les centres de rééducation professionnelles.
Une inclusion plus importante des personnes handicapées dans la vie économique passe par un accès renforcé à la formation. La formation ouverte et à distance en proposant des modalités plus variées, plus souples pourrait favoriser un accès facilité à une offre plus variée de formations en tenant compte des contraintes individuelles, comme la nécessité de rester au plus près de sa structure de soin ou de sa famille. L’accessibilité des ressources numériques devient alors un point critique. Comment rendre accessibles à tous des contenus alors que les handicaps sont extrêmement variés : déficience visuelle, auditive, motrice, cognitive, intellectuelle. Il existe des outils de pointage, des dispositifs de reconnaissance vocale qui facilitent l’accès. Il faut également du côté des concepteurs une intégration de la question de l’accessibilité dans le développement des ressources, en premier lieu des sites Internet. Un référentiel existe, l’Accessiweb, une obligation légale a été instaurée en 2005 pour les sites publics, mais, déplore Edwige Morin de Vidéoscop Nancy, ils sont peu appliqués, par manque de formation des webmestres et surtout par le peu de sensibilisation des décideurs à l’importance de la question.
Intervention d’Edwige Morin
A la recherche d’un modèle économique
L’accessibilité des ressources en formation dépasse la simple transposition des ressources utilisés par les valides. Le responsable de la formation à l’Institut Garches et de Access-Site, espace public numérique dans le XIIIe arrondissement dédié aux personnes handicapées, Bertrand Luneau, privilégie les modules courts, de 20 heures maximum, pour tenir compte de la fatigue des personnes, et construits autour de projets concrets à réaliser. A l’Institut de Garches, les formations proposées ont évolué de la Pao vers la bureautique et même pour certains la création de sites web en intégrant l’impératif d’accessibilité. Les apprenants réalisent dans un premier temps une évaluation de l’accessibilité de sites Internet puis contactent les webmestres pour leur livrer leurs observations.
Le soin à apporter aux ressources et aux modules de formation posent la question du modèle économique. Le public potentiel est hétérogène, par le type de handicap notamment, les éléments développés ont donc peu de chance de rencontrer un marché suffisamment vaste pour rentabiliser le temps passé à leur développement. La solution peut être aussi s’appuyer sur des formations existant déjà. C’est ce qu’a choisi le Cfa-Sacef, en s’associant au Cned pour répondre à la demande de l’entreprise IBM qui souhaitait recruter par apprentissage des personnels handicapés qualifiés. Trois BTS, assistant de direction, comptabilité gestion des organisations, informatique de gestion ont ainsi été revisités pour les rendre accessibles en Foad par des jeunes handicapés mais aussi par des apprentis dont la situation nécessitait des parcours individualisés (jeunes mères de famille ou apprentis avec des parcours de formation incomplets par exemple). Mixer les publics, utiliser des dispositifs existants, exploiter au mieux l’alternance et les situations professionnelles, favorisent sans doute un amoindrissement des coûts.
Le projet « se qualifier hors les murs » a choisi, par l’expérimentation, de contribuer à l’évolution de l’accès à la formation des handicapés, en proposant de multiples accès possibles (à domicile, en entreprise, dans des centres de proximités) à des formations développées par des centres de rééducation professionnelle. L’arbitrage entre besoin de qualification et contraintes de soin ou familiales est ainsi facilité. 488 parcours étaient engagés fin 2005, soit plus de deux fois le nombre prévu en début d’expérimentation. 12 établissements de rééducation se sont engagés dont 50% ont développé des dispositifs, ces derniers ayant pour la plupart déjà mis en œuvre des parcours individualisés. L’expérimentation a nécessité de bien délimiter le rôle des uns et des autres : les formateurs à distance, responsables du contenus, et les accompagnateurs de proximité chargés de la médiation pédagogique. Les centres de formation devaient aussi répondre à des critères d’accueil spécifiques à la Foad et aux difficultés d’accès du public concerné. Le projet se poursuit avec l’Adapt, des offres nouvelles sont venues enrichir le dispositif.
Table ronde animée par Jacques Naymark
L’inclusion, contre les idées reçues
Les résultats apportées par les initiatives présentées tendent à montrer que la Foad favorise l’accès à la formation des personnes handicapées. Les obstacles de l’accessibilité, du modèle économique trouveront progressivement des solutions. Mais le frein principal pour l’accès à l’emploi et à la qualification reste celui des préjugés et des traditions : préjugés des entreprises sur le handicap et tradition française d’un accompagnement des handicapés au sein de structures spécifiques, cloisonnées. Le handicap intéresse peu, le handicap fait peur et c’est sans doute en faisant travailler les structures ensemble (les centres spécialisés, les centres de formation et les entreprises) que progressivement l’idée d’inclusion, d’égalité d’accès se banalisera et gommera les chiffres effarant de cet éloignement silencieux de la vie professionnelle qualifiée.
Monique Royer