« Travailler auprès des élèves TSA avec des besoins spécifiques demande beaucoup d’énergie et de patience et cela peut être éprouvant surtout quand l’élève est en crise. J’échange avec l’équipe pour trouver des solutions. La solution miracle n’existe pas malheureusement » pour Sheynesse Meguenni-Tani. Elle est AESH depuis 2019 et travaille actuellement en ULIS TSA (troubles du spectre autistique) dans une école élémentaire de Marseille. A l’occasion des 20 ans de la loi de 2005, le Café pédagogique donne la parole à ceux et celles qui, au quotidien, font l’école inclusive.
Qu’est-ce-qui vous a poussée à devenir AESH et à travailler avec des élèves en situation d’handicap ?
Ce qui m’a poussée à devenir AESH, c’est avant tout mon envie d’aider et d’accompagner les élèves en situation de handicap afin de leur permettre de progresser et de s’épanouir dans leur parcours scolaire. J’ai toujours voulu travailler avec les enfants. Travailler à leurs côtés me permet non seulement de les aider à surmonter leurs difficultés mais aussi de contribuer à leur inclusion dans le milieu scolaire et social. C’est un métier humain, valorisant et surtout très enrichissant.
Pouvez-vous décrire une journée de travail ?
Étant AESH en ULIS TSA, les journées dans cette classe sont structurées pour offrir un cadre rassurant aux élèves tout en s’adaptant à leurs besoins.
La journée commence par l’accueil des élèves. La plupart d’entre eux viennent en taxi scolaire. Et nous les accueillons à partir de 8h20. Nous avons en classe entre 4 et 5 élèves par demi-journée pour un effectif total de 10 élèves. Pas plus. Chaque AESH a un élève en charge, cela dépend du planning que l’enseignante a préparé. Nous avons un élève différent à chaque fois. Cela nous permet de travailler avec tous les élèves de la classe.
En tant qu’AESH, mon rôle est d’installer un environnement propice à l’apprentissage en veillant à ce que les outils de communication (pictogrammes, emploi du temps) soient accessibles et clairs pour mon élève.
Selon le niveau de l’élève avec qui je travaille, l’enseignant prépare les différents ateliers avec un temps de pause marqué par un sablier entre chaque atelier car un enfant autiste a un très court temps de concentration et il faut à tout prix qu’il ne rentre pas en crise s’il y a une surcharge de travail. Les temps de récréation peuvent être compliqués pour certains élèves de la classe. Mon rôle est d’accompagner ceux qui en ont besoin, de favoriser les interactions sociales et d’anticiper les éventuels conflits ou difficultés sensorielles.
Les tâches principales que j’accomplis au quotidien sont d’aider à la compréhension des consignes et à leurs réalisations, de gérer les moments de stress et apaiser les élèves en difficultés, d’encourager l’autonomie et la socialisation, travailler en collaboration avec l’enseignant et les autres professionnels (orthophonistes, psychologues ). Le quotidien en ULIS TSA est varié et demande beaucoup d’adaptabilité et surtout de patience.
Quels sont les plus grands défis auxquels vous faites face dans votre rôle d’AESH et comment parvenez-vous à les surmonter ?
Les élèves TSA peuvent avoir des réactions imprévisibles face aux changements, aux frustrations ou aux stimuli sensoriels. Il peut y avoir des crises, des refus de travailler ou des comportements répétitifs difficiles à canaliser. J’apprends à identifier les éléments déclencheurs et à anticiper les crises. J’utilise des outils comme les pictogrammes et les techniques de régularisation émotionnelle (temps calme, objets sensoriels ). La patience et une posture bienveillante sont essentielles. Hausser le ton n’arrangera rien.
Certains élèves TSA ont des difficultés à s’exprimer verbalement, ce qui peut entraîner des frustrations et des incompréhensions. J’adapte ma communication en utilisant des supports visuels comme par exemple des PECS ( pictures exchange communication system ) qui est un dispositif de communication par échange d’images, destiné aux enfants autistes qui n’acquièrent pas le langage verbal. Des gestes et des phrases courtes. J’encourage les élèves à utiliser leurs propres outils de communication et je valorise chaque effort. Les élèves TSA peuvent avoir des intérêts restreints et des difficultés à se concentrer sur des tâches non motivantes. J’adapte les activités à leurs centres d’intérêts et je rends les apprentissages plus concrets et ludiques (jeux éducatifs, manipulations, renforçateurs positifs ). Comme je l’ai déjà dit, l’alternance entre temps de travail et pauses est essentielle.
Travailler auprès des élèves TSA avec des besoins spécifiques demande beaucoup d’énergie et de patience et cela peut être éprouvant surtout quand l’élève est en crise. J’échange avec l’équipe pour trouver des solutions. La solution miracle n’existe pas malheureusement.
Être AESH est un métier exigeant mais passionnant. Chaque défi surmonté est une victoire pour l’élève et voir leurs progrès, même petits, est une grande satisfaction.
Comment la collaboration avec les enseignants et les familles des élèves se passe-t-elle ?
Une bonne collaboration entre l’enseignante, les familles et les AESH de manière générale repose sur une communication régulière, une écoute active et une approche bienveillante. En travaillant ensemble, nous créons un environnement sécurisant et adapté aux besoins des élèves, favorisant ainsi son épanouissement et sa réussite scolaire.
Le travail avec l’enseignante est fondamental car elle coordonne les apprentissages et adapte les ateliers aux besoins des élèves. Elle définit les objectifs pédagogiques et les adaptations nécessaires. Nous échangeons quotidiennement sur les réussites et les difficultés de chaque élève afin d’ajuster les méthodes mises en place.
Les clés d’une bonne collaboration sont avant tout, l’écoute et l’adaptabilité. Chaque enseignant a sa propre méthode, il est donc important d’être flexible et de s’adapter à ses attentes. Ensuite, communiquer régulièrement : un échange quotidien permet d’ajuster l’accompagnement et de mieux comprendre les besoins des élèves. Les familles jouent un rôle clé dans le développement et la progression des élèves. Je ne m’adresse jamais aux familles directement. Seule l’enseignante le fait. Les familles sont souvent informées du quotidien de leur enfant via un classeur de vie d’école, des réunions ou encore à la sortie de l’école.
Lors des ESS (équipes de suivi de scolarisation), nous faisons le point sur les progrès de l’élève et réfléchissons ensemble aux adaptations nécessaires. Parfois les parents partagent des informations précieuses sur le fonctionnement et les besoins spécifiques de leur enfant, ce qui nous aide mieux à l’accompagner. Chaque parent connaît son enfant mieux que quiconque. Être à l’écoute et comprendre leurs préoccupations est essentiel. Il est important de partager les réussites mais aussi les difficultés de l’élève de manière constructive. Une bonne collaboration avec la famille permet d’assurer une continuité entre l’école et la maison, ce qui favorise le bien-être de l’élève.
Quelle formation avez-vous suivie pour devenir AESH et qu’en pensez-vous au regard des réalités du terrain ?
Après avoir travaillé pendant deux ans en tant qu’AVS (auxiliaire de vie scolaire ) sous contrat CUI de 2014 à 2016, j’ai souhaité continuer à travailler dans le métier en devenant AESH. Pour ce faire, j’ai suivi la formation initiale obligatoire de 60 heures mise en place par le ministère de l’éducation nationale. Cette formation offre une base théorique sur les différents types de handicaps, les méthodes d’accompagnement adaptées et les outils pédagogiques à utiliser. Cependant, bien que cette formation soit essentielle pour acquérir des connaissances fondamentales, elle reste relativement courte au regard de la diversité et de la complexité des situations rencontrées sur le terrain. Mon expérience antérieure en tant qu’AVS m’a permis de développer des compétences pratiques et une compréhension approfondie des besoins des élèves, ce qui a été un atout majeur.
Chaque élève est unique et les défis varient considérablement. Ainsi, la formation initiale, bien que précieuse, ne peut couvrir l’ensemble des situations auxquelles une AESH est confrontée.
J’aurais voulu être mieux formée sur la gestion des comportements difficiles car les élèves en situation d’handicap peuvent présenter des comportements très difficiles à gérer. Une formation spécifique en techniques de gestion des comportements difficiles serait précieuse pour mieux répondre à ces situations.
Propos recueillis par Djéhanne Gani