Un métier pour redonner confiance dans l’élève
« On est un peu couteau suisse » résumerait le métier pour Nathalie Petitjean. Quand on lui demande comment elle décrirait son travail, elle répond : « Pour décrire simplement mon travail, je dirai qu’il s’agit de rassurer les élèves, les parents, de revaloriser ceux que le système a blessés par méconnaissance de leur handicap. Mon métier est de les accompagner dans les apprentissages, d’adapter les documents, de les orienter, de leur redonner confiance, mais aussi de conseiller les professeurs. »
Elle est professeure des écoles depuis 20 ans, s’est spécialisée depuis 7 ans. Après avoir travaillé dans le primaire en ordinaire en France et à l’étranger et sur un dispositif ULIS TFC (trouble des fonctions cognitives), elle a décidé d’enseigner et de coordonner un dispositif dans le secondaire TSLA. TSLA, « ce qu’on appelle communément les troubles dys (du langage, de l’écriture, de la praxie, visio spatial, du calcul…) avec souvent des troubles associés tels que le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) » traduit-elle.
Elle décrit un métier qui lui plaît vraiment, surtout dans l’accompagnement des élèves sur l’estime d’eux-mêmes, pour qu’ils puissent reprendre confiance en leurs capacités et leurs forces. Ce que dit vouloir cette professeure, c’est les aider à progresser, à devenir autonomes et à trouver leur place dans la société.
Un métier difficile : « je me demandais comment faire… »
Nathalie poursuit : « Si vous m’aviez vu la semaine dernière, j’avais le moral à zéro. Je me demandais comment j’allais faire avec Aron, 15 ans, en 3e, avec des troubles dyslexiques et de l’attention. Il avait raté son stage car il avait oublié l’adresse et s’était rendu au mauvais endroit. Je me demandais comment j’allais faire avec ce professeur qui me demandait pour la 10e fois, « c’est quoi exactement ton travail ? Je me demandais ce que j’allais faire de la remarque de ce jeune collègue qui considère injuste pour les autres élèves que Maxime, 12 ans, en 6e avec des troubles dysphasiques, ait quelqu’un pour lui réexpliquer les consignes ». Nathalie le répète sans cesse : « Ce n’est pas parce qu’un handicap est invisible qu’il n’existe pas. Pour avancer au mieux dans leur vie, ces élèves ont besoin d’aménagements particuliers ».
Faire face à ces situations et interrogations
Si les interrogations sont nombreuses, Nathalie raconte comment cet abattement disparaît grâce à un travail coopératif. Le travail avec l’équipe pédagogique dissout les difficultés. Elle évoque ce professeur de français qui propose de lui-même une dictée aménagée à un élève. Elle raconte avec satisfaction comment Athees, 15 ans, en 3e avec des troubles dyspraxiques réussit enfin son évaluation de physique chimie. Elle parle ensuite d’Aveline, 13 ans en 5e avec des troubles du langage qui prend pour la première fois la parole en grand groupe. « Dans ces moments je ressens tant de fierté pour eux » lâche-t-elle.
« Dans mon métier, les progrès ne s’évaluent pas en chiffres, en statistiques, en données »
« Dans mon métier, les progrès ne s’évaluent pas en chiffres, en statistiques, en données. Dans mon métier, on travaille avec l’humain, dans toutes ses singularités. Cela prend du temps. Mais les petites victoires deviennent de grandes victoires ! » lance Nathalie Petitjean à rebours des injonctions à l’évaluation standardisée. Elle ajoute : « A propos d’humain, d’ailleurs, je ne suis pas seule : je travaille avec la précieuse aide de Laurent Audinet, l’AESH du dispositif qui partage son temps entre les 12 élèves et les 6 classes. »
Pour cette professeure, 20 ans après la Loi sur le handicap, il y a eu des avancées, « c’est certain » affirme-t-elle, « il y a moins de tabou sur le handicap et les élèves assument davantage leur différence. Mais, vingt ans après, c’est le regard de l’adulte qui doit encore évoluer. La notion d’équité n’est pas encore partagée par tous à l’école, et pourtant elle est au coeur de cette société vertueuse que nous devons construire pour nos enfants. »
Djéhanne Gani