Quelles politiques mener contre ce fléau ?
Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur et Didier Migaud, ministre de la Justice étaient à Marseille, ce vendredi 8 Novembre, pour annoncer un plan global de lutte contre le trafic de drogue. En guise de plan, il n’est ressorti que des annonces et déclarations fracassantes du Ministre de l’Intérieur qui raffole des formules chocs « Mexicanisation du pays »,« Un joint, il a le goût du sang et des larmes », « Disposer de nouvelles armes face aux narcoracailles ».
Marseille n’en est pas à sa première visite, ni aux premières annonces. Avant ce mois de novembre les ministres de l’intérieur précédents (Christophe Castaner, Gérald Darmanin) avaient déjà fait le déplacement sans succès notoire. Le Président de la République s’y était aussi attelé avec sa politique de « places nettes ». Peine perdue, les trafics de stupéfiants et d’êtres humains qui leur sont associés (prostitution des jeunes filles, asservissement de jeunes gens réduits parfois à l’état d’esclavage, tortures, violences extrêmes…) n’ont cessé de se développer à Marseille et sur l’ensemble du territoire national.
Ce n’est pas le ministre de la Justice qui va devoir gérer cette situation avec un budget 2025 en baisse qui pourra dire le contraire. Les grands absents de ces annonces étaient les Ministères de l’Éducation nationale, de la Santé, du Logement, des « Sports, de la jeunesse et de la vie associative ». Bref, tous les ministères sociaux.
Pour la seule ville de Marseille (mais le problème est le même dans l’ensemble des grandes villes en France), le nombre de jeunes gens impliqués est estimé à 2000. Cela signifie que ces 2000 adolescents parfois âgés de treize ou quatorze ans ont été à un moment de leur existence en décrochage scolaire. Ils et elles ont été balloté.es d’un établissement à l’autre sans qu’aucune solution alternative ne leur soit proposée, jusqu’à ce qu’ils-elles disparaissent des radars de l’administration dès les premières classes du collège.
Ce sont 2000 adolescents qui sont prisonniers des réseaux, souvent malmenés, parfois torturés ou simplement éliminés. Si la violence subie est physique pour les garçons, elle est psychologique, d’une nature plus pernicieuse pour les filles. Elle aboutit pour nombre d’entre elles à la prostitution dès le plus jeune âge.
La dimension policière et judiciaire est certes indispensable, mais elle s’avère avoir un impact limité sans l’apport de la dimension sociale. Dimension sociale qui n’est absolument pas présente dans le discours gouvernemental.
Quelles perspectives offre-t-on à la jeunesse ?
Qu’en est-il du système scolaire dans les quartiers populaires, est-ce que l’offre de formation est adaptée aux besoins ? Quel avenir pour les réseaux d’Éducation Prioritaire Renforcés (REP+) quand certains dans les sphères gouvernementales voudraient les remettre en cause ? Comment résorber la fracture scolaire existante ?
Qu’en est-il de la lutte contre les discriminations à l’embauche ?
Quelles seront les conséquences de la suppression de plusieurs centaines d’emplois d’éducateurs à la Protection Judiciaire de la Jeunesse l’année prochaine ?
Il faut un électrochoc social et politique, sortir du tout sécuritaire qui a montré ses limites, provoquer un grand débat national qui devra pour une fois être suivi d’effets.
Tout ce qui ne sera pas fait aujourd’hui, sera payé au centuple demain.
Il en va de l’avenir de la jeunesse en France et plus globalement de celui de l’ensemble de notre société.
Alain Barlatier
Philippe Pujol journaliste, écrivain et documentariste travaille de longue date sur ce sujet. Il donne dans cet entretien son point de vue sur la situation qui est faite à ces jeunes gens prisonniers des réseaux.
Son dernier ouvrage : « Les cramés, les enfants du monstre ». Éditions Julliard.