« Il est vrai qu’avec l’ex-ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal, on avait eu le tournis d’un défilé de «priorités» tout à fait différentes l’une de l’autre ». Claude Lelièvre consacre sa chronique à la « Sainte Trinité de trois priorités en une : élever le niveau ». L’historien revient sur la priorité annoncée par la ministre de l’Education nationale et sur l’angle de la « forte inégalité des résultats en France en corrélation avec les origines socioculturelles des élèves ».
Avec la nouvelle ministre de l’Éducation nationale Anne Genetet, on a une nouvelle priorité (« en trois personnes » si l’on peut dire). Elle a en effet martelé sur RTL le 4 octobre dernier trois priorités qui n’en font qu’une : « J’ai trois priorités : élever le niveau, élever le niveau, élever le niveau. C’est ça la priorité ».
Il est vrai qu’avec l’ex-ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal, on avait eu le tournis d’un défilé de «priorités» tout à fait différentes l’une de l’autre commencé dès son discours d’intronisation au ministère de l’Éducation nationale le 20 juillet 2022 : « Les absences de professeurs non remplacés seront ma priorité ». Une semaine après, le 27 juillet, il présente « la lutte contre le harcèlement moral comme la priorité absolue ». Le 28 août, lors de sa conférence de rentrée scolaire, il indique que « la première priorité est d’élever le niveau des quelques 1 199 3500 élèves des écoles, collèges et lycées » (on admirera la précision quantitative, sans doute pour s’efforcer d’être crédible). Le 22 octobre, sur BFMTV, Gabriel Attal met en avant encore une nouvelle « priorité » : « ma priorité, mon obsession, c’est que de nouvelles mesures soient prises pour la protection des élèves et des professeurs ». Et ainsi de suite, mais sans suite réelle… Une succession de priorités (« première », « absolue », « obsessionnelle ») qui laisse pantois.
Avec la nouvelle ministre de l’Éducation nationale Anne Genetet, on serait à la fois dans la rupture et la continuité (communicationnelles). Affirmation de trois priorités qui n’en font qu’une (à l’imitation non moins communicationnelle du nouveau ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau : « J’ai trois priorités : la première rétablir l’ordre, la seconde rétablir l’ordre, la troisième rétablir l’ordre » lors de son intronisation). Et continuité avec l’une des différentes priorités de Gabriel Attal : « élever le niveau des quelque 1 199 3500 élèves des écoles, collèges et lycées ». Avec cependant la différence que la formulation de Gabriel Attal incluait qu’il s’agissait d’élever le niveau de tous les élèves de collèges et lycées, ce qui n’est pas évident dans la formulation d’Anne Genetet plus globale et donc plus vague.
Or cette question n’est pas un détail lorsqu’on sait que ce qui caractérise foncièrement les résultats des élèves français aux tests internationaux PISA, ce n’est pas un résultat moyen qui serait inférieur aux résultats moyens des autres pays évalués, mais la plus forte inégalité des résultats en France en corrélation avec les origines socioculturelles des élèves (une inégalité nettement plus élevée en France que dans la plupart des autres pays évalués).
Comme il a déjà été noté par nombre de commentateurs, la question des inégalités n’est jusqu’à maintenant jamais apparue dans les propos de la nouvelle ministre de l’Éducation nationale Anne Genetet, et l’on peut craindre que cela reste un angle mort (ou tout à fait secondaire) de la politique qu’elle entend mener. Le mot d’ordre « élever le niveau », même trois fois répété, est en réalité plus évanescent que déterminé.
Claude Lelièvre
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