Comment la précarité influence-t-elle l’éducation ? En quoi la monoparentalité accentue-t-elle la fragilité scolaire ? L’enquête de l’Afev montre le besoin grandissant de certaines familles pour suivre les devoirs et accéder aux loisirs. Avec souvent une grande confiance en l’Ecole, ces familles vivant dans les quartiers prioritaires sont en demande d’accompagnement et sont préoccupées de la réussite de leurs enfants. Tour d’horizon de cette enquête publiée aujourd’hui.
Près de la moitié des familles en demande d’accompagnement
A l’occasion de la 17e journée du refus de l’échec scolaire, l’AFEV publie une enquête consacrée à la « parentalité et éducation au sein des familles de quartiers populaires ». L’enquête a été menée auprès de 737 parents des quartiers populaires, d’élèves scolarisés en éducation prioritaire. Les émeutes urbaines de 2023 suite à la mort du Nahel ont jeté la lumière sur les jeunes des quartiers populaires et sur leurs parents, parfois taxés de laxisme ou de démission.
Cette enquête permet de donner la parole aux familles de milieux populaires et de sortir de représentations, notamment sur l’investissement des parents auprès de leurs enfants, pour la réussite scolaire : « comme tous les parents, ils sont très préoccupés par l’éducation de leurs enfants. Ils n’ont toutefois pas ni les conditions de vie, ni l’outillage socio-culturel qui leur permettraient d’exercer au mieux leur parentalité ».
Qu’apprend-on dans cette enquête ?
La part des familles monoparentales est plus importante dans les QPV (quartier prioritaire de la politique de la ville) que dans le reste du territoire. Ces familles sont essentiellement constituées de femmes à 92%. L’enquête confirme qu’elles vivent davantage la précarité et sont plus fortement au chômage (28% contre 16%). « Les familles monoparentales de QPV disposent de moins de ressources : 47% vivent avec moins de 1400 € par mois, contre 20% des couples ».
Elles expriment également plus de difficultés sur l’accès à loisirs et à la mobilité. Les familles interrogées expriment des difficultés pour le suivi des devoirs de leurs enfants : 27% déclarent ne pas pouvoir aider leurs enfants contre 17% pour les couples. 28% des monoparents déclarent manquer de temps pour se consacrer aux devoirs : 28% contre 18%. Ces chiffres soulignent les difficultés accrues des familles monoparentales pour accompagner leurs enfants à l’école. La majorité des familles expriment la confiance aux enseignants (89% pour les couples et 84% pour les familles monoparentales).
Idem pour les temps de jeux, de lecture et de promenades : « seulement 30% des familles monoparentales déclarent pouvoir partager ces moments avec leurs enfants aussi souvent que souhaité, soit 8 points de moins que pour les couples », précise l’enquête qui indique que le principal frein reste « le manque de disponibilité des parents ».
Une relation plus distante dans l’école
Les difficultés liées à l’organisation familiale rendent les familles monoparentales moins disponibles pour participer aux temps organisés par les établissements scolaires. Elles sont davantage seules et ont moins d’aides des autres parents. De plus, les familles interrogées sont davantage exposées aux horaires décalés.
A noter, qu’elles font appel aux associations de quartier et leur demande d’accompagnement est aussi importante que pour les couples (46% et 43%). 16% des familles monoparentales interrogées déclarent ne pas oser y participer : peut-être à cause d’un sentiment d’infériorité. Enfin, « très peu des répondants sont « parents délégués » (16%) ou membres d’une association de parents d’élèves (8%) », indique l’enquête.
Des familles de plus en plus inquiètes
Les familles monoparentales se disent davantage inquiètes -62% contre 56%- quant à l’avenir de leurs enfants et expriment les mêmes craintes : l’échec scolaire, les mauvaises fréquentations, la sécurité. La scolarité est au cœur des préoccupations des familles qui expriment leur confiance en l’école dans l’enquête. 10% des familles interrogées disent faire face à des difficultés pour aider leurs enfants à faire les devoirs par peur de faire des fautes. 21% des familles déclarent avoir été en échec et autant ne pas maitriser la langue.
La demande d’accompagnement des familles est forte : un accompagnement à la parentalité comme des dispositifs à destination des familles mono-parentales auraient certainement des effets bénéfiques sur l’éducation.
Le sénat s’est aussi intéressé à la question récemment. Une mission d’information parlementaire consacrée à la monoparentalité a été rendue publique au printemps 2024. Celle-ci mettait en lumière le cumul des inégalités, la stigmatisation des familles monoparentales et le manque de politiques publiques pour les soutenir. « 41% des enfants en famille monoparentale vivent sous le seuil de pauvreté », indique ce rapport. La monoparentalité accroit davantage les inégalités.
Djéhanne Gani
Télécharger l’enquête de l’AFEV