Un jour après la nomination du 21 septembre 2024 d’Anne Genetet à la tête du ministère de l’Éducation nationale, l’historien Claude Lelièvre revient pour le Café pédagogique sur ce choix, d’une femme et d’une médecin pour ce ministère. Mais Claude Lelièvre interroge davantage le contexte politique « qui semble davantage relever du domaine de la communication que de la médecine », écrit-il dans ce texte.
D’abord (mais on a tendance à ne pas le remarquer tant l’histoire évolue vite parfois), c’est à nouveau une femme qui est nommée ministre de l’Éducation nationale.
On a eu droit ces derniers jours à une valse des noms avancés pour le ministère de l’Éducation nationale, avec au premier plan ceux de trois femmes, ce qui est en soi une première : Annie Genevard, Violette Spillebout et finalement Anne Genetet.
On est loin de la surprise qui a marqué la fin de l’hégémonie totale des hommes à la tête du MEN il y a dix ans avec la nomination de Najat Vallaud-Belkacem le 26 août 2014. Ce qui paraissait presque impensable il y a dix ans, serait-il en passe de devenir presque la norme ? Force est en tout cas de constater que les trois dernières nominations effectives sont féminines : Amélie Oudéa-Castera (le 11 janvier 2024), Nicole Belloubet (le 18 février 2024), Anne Genetet (le 21 septembre 2024).
En revanche, cela faisait longtemps qu’une personne présentée comme « médecin » avait été nommée ministre de l’Instruction publique ou de l’Éducation nationale. C’est seulement sous la troisième République que cela avait eu lieu jusqu’alors, avec des durées d’exercice fort limitées (autre curiosité…) : Combes ; 6 mois, Augagneur :1 mois et demi ; Durand : 9 jours et Macombes : 6 jours….
Emile Combes n’a en effet été ministre de l’Instruction publique que 6 mois (du 1er novembre 1895 au 29 avril 1896) sans effet marquant, mais s’est rattrapé plus tard lorsqu’il a été président du Conseil au début du XXième siècle en faisant voter un dispositif législatif interdisant aux congrégations d’enseigner. Les deux suivants ont été victimes de la chute rapide du gouvernement auquel ils appartenaient : Jean-Victor Augagneur (13 juin-3 août 1914) et Jean Durand (21 février- 2 mars 1930). Le quatrième, Philippe Marcombes, est -lui – tout de suite emporté par une embolie (7 juin-13 juin 1935)…
Il n’y a rien de choquant en soi – tant s’en faut – à ce qu’un ministre de l’Éducation nationale ne soit pas un enseignant (c’est d’ailleurs ce qui a existé dans plus des deux tiers des cas sous la cinquième République). Et il n’y a pas vraiment de raison de penser que ce serait mieux si le ministre de la Justice était un agrégé de droit, celui de la Santé un agrégé de médecine, celui de l’Intérieur un général de Gendarmerie, celui de la Défense un général d’Armée.
Mais ce qui apparaît vraiment problématique, ce sont les circonstances fort surprenantes de cette nomination (dans un montage qui paraît foncièrement politicien avec l’ex-ministre de l’Education nationale ultra-communiquant Gabriel Attal) et en parallèle un parcours professionnel d’Anne Genetet qui semble davantage relever du domaine de la communication que de la médecine.
Claude Lelièvre