Comment améliorer le climat scolaire ? C’est la question qui sous-tend le projet « B.A.R à Bonheur » mené par les 240 élèves de l’école Leclerc à Croissy-sur-Seine et porté par l’ensemble de l’équipe pédagogique de cette école primaire. Venue présenter ce projet joyeux et enthousiasmant au Forum 2023 des enseignant.es et enseignants innovants, Béatrice Poignonec, professeure des écoles, nous en dit davantage sur ce « B.A.R à bonheur » dans lequel les élèves, décisionnaires à toutes les étapes, se donnent pour objectif « de diminuer les incivilités, les violences verbales, physiques » pour faire de l’école un « lieu de bonheur, d’épanouissement, de bien-être ».
Le projet que vous présentez au FEI s’inscrit dans le cadre de la démarche Bâtisseurs de Possibles, portée par le Learning Planet Institute : en quoi consiste cette démarche ?
Cette démarche est une vraie démarche de projet où les élèves sont réellement acteurs de leurs apprentissages. L’enseignant.e apprend naturellement à faire un pas de côté, pour laisser ses élèves se questionner, échanger, partager, rebondir sur les idées des autres. Une devise à cette démarche : « Il n’y a pas d’âge pour changer le monde ! »
En décembre 2016, j’ai eu la chance d’être invitée en Chine, à Pékin, pour présenter un projet d’élèves « Que faut-il changer dans la classe pour mieux apprendre ? » devant des acteurs éducatifs du monde entier. Et là, quel bonheur absolu, de voir des élèves de la maternelle jusqu’au lycée partager leurs projets et découvrir ainsi des problématiques différentes en fonction des pays, des continents.
Tout commence par la mise en place d’un climat serein d’apprentissage : apprendre à se connaître, apprendre à mieux connaître l’autre, travailler les émotions, apprendre à travailler en groupe, à écouter l’autre, à accepter qu’il n’ait pas les mêmes idées et comprendre l’enrichissement des partages.
Quelles sont les différentes étapes qui composent la démarche ?
Elles sont au nombre de quatre.
La première consiste à identifier un problème. Cette étape est la plus longue, et elle doit prendre son temps afin de laisser les élèves réfléchir sur les différentes problématiques qui auront émergé, faire des recherches, les présenter, se questionner si ce problème peut être ou non résolu à leur échelle. Au terme de cette étape, un vote a lieu. La problématique choisie devra être associée à un des 17 objectifs de développement durable de l’ONU, ce qui représente un travail très enrichissant : on s’intéresse au monde qui nous entoure !
Dans la seconde étape on va choisir une solution. Et là… il ne va pas falloir hésiter : oser les idées folles… La créativité de nos élèves est remarquable, si on les laisse oser ! C’est une autre belle étape où les enfants peuvent prendre conscience qu’ils ont besoin de partenaires pour aller au bout de leur projet (mairie, services techniques, jardiniers, parents, associations diverses …). L’école fait un pas hors de la classe. L’école s’ancre dans la société : c’est cela aussi « Bâtisseurs de possibles » !
Etape suivante : prototyper et réaliser la solution. C’est l’étape des expérimentations, de la concrétisation d’un long projet qui porte la classe.
Et enfin la dernière étape : partager. Le projet des élèves est présenté aux parents, diffusé sur le réseau du LPI et partagé via d’autres acteurs, comme CANOPE pour le dernier projet des élèves, portant sur le harcèlement.
Le « B.A.R à bonheur » ? Quel joli nom ! Quelle est donc la signification de cet acronyme ? Et quels sont les objectifs de ce projet ?
B. comme Bonheur, A. comme Amitié, R. comme réparation. N’est-ce pas magnifique ? Et d’autant plus beau, que ces mots sont des mots d’enfants ! Les objectifs de ce projet sont de faire de l’école un lieu de bonheur, d’épanouissement, de bien-être, avec cette volonté de diminuer les incivilités, les violences verbales, physiques.
Comment fonctionne le B.A.R ?
Sur les temps de récréation du matin et de l’après-midi, un atelier est animé par un ou plusieurs élèves. Tout est géré par les élèves. Un.e enseignant.e est présent.e pour s’assurer que tout se passe bien, mais il/elle n’intervient pas dans le bon fonctionnement du B.A.R. à Bonheur. En fin de semaine, sur le temps de midi, un.e enseignant.e accueille les élèves pour faire un bilan et organiser le planning de la semaine qui suit, lequel sera diffusé sur le site de l’école « Toutemonannee.com » et affiché sous le préau.
Les espaces varient en fonction de l’atelier : le préau fermé pour les spectacles de danse ou les activités sportives ; la salle de musique pour le chant, la présentation d’instruments de musique, les concerts ; l’espace bibliothèque pour raconter des histoires, ou présenter des débats, des conférences sur des thématiques d’une richesse extraordinaire (les élèves sont fantastiques !), réaliser des activités créatives… ; la classe d’un.e enseignant.e pour présenter certains exposés nécessitant un tableau interactif, ou pour construire des histoires avec SCRATCH…
Pourriez-vous nous donner quelques exemples très concrets d’actions menées dans le cadre du « B.A.R à bonheur » ?
Lors des « Conférences – Débats », les thèmes suivants par exemple ont été évoqués : le harcèlement, les loups, les mots du théâtre, les pierres précieuses, à la découverte de la Guadeloupe, les mystères de Pompéi, la colère… Pour susciter la créativité nous avons aussi expérimenté de nombreuses activités comme apprendre à faire des ombres chinoises, à fabriquer des maracas en carton, des bracelets brésiliens, des cœurs, des animaux … en origami, ou réaliser des dessins pour parler des émotions… On pourrait aussi parler des activités sportives, des ateliers de musique, des jeux, de l’informatique, de la lecture …
Qu’apporte ce projet selon vous aux élèves ? à l’équipe enseignante ? et de manière générale au climat scolaire dans l’école ?
Le « B.A.R. à Bonheur » permet aux élèves de se révéler les uns aux autres, permet à chacune, chacun de porter aussi un autre regard sur soi et sur l’autre, de développer la prise d’initiative, l’estime de soi, l’esprit collaboratif, une posture réflexive, posture si précieuse… L’équipe enseignante découvre de nouvelles compétences sur les élèves. Ce « B.A.R » apporte réconfort, bien-être et épanouissement et au terme d’une année d’expérimentation, nous avons repéré l’amélioration du climat scolaire.
Diriez-vous que ce projet est transposable ? Quels conseils donneriez-vous à ceux et celles qui voudraient se lancer ?
Ce projet est tout à fait transposable. Il faut tout d’abord en présenter « l’esprit » à l’équipe pédagogique, ses apports, son fonctionnement. Puis réunir les délégués de chaque classe pour leur présenter le « B.A.R. à Bonheur », afin qu’ils puissent ensuite en parler dans leur classe, et faire émerger des idées d’ateliers.
Pour la mise en place, il importe qu’il y ait un.e enseignant.e référent.e pour assurer sa régularité, et la présence d’un.e enseignant.e dans l’atelier du matin et de l’après-midi. L’équipe pédagogique de mon école a réduit mes temps de service récréation pour que je puisse me charger du « B.A.R. à Bonheur » et les collègues volontaires assurent un matin ou une après-midi son bon déroulement. C’est avec plaisir que je pourrai apporter notre expérience aux collègues souhaitant se lancer dans l’aventure d’une autre école !
Propos recueillis par Claire Berest