« Votre discours de rentrée tranche avec celui de votre prédécesseur ». Auditionné par la commission de l’éducation du Sénat, le 11 octobre, Gabriel Attal est accueilli très favorablement par les sénateurs Les Républicains Max Brisson et Jacques Grosperrin. Si le ministre marque parfois sa différence, il met aussi en avant, comme JM Blanquer, les convergences avec la majorité sénatoriale. C’est le cas sur la réforme de la formation des enseignants, celle du collège ou aussi sa conception de la laïcité. Le ministre marque peu d’intérêt pour la mixité sociale à l’Ecole ou l’éducation prioritaire. G Attal a aussi précisé sa politique sur le financement du périscolaire et l’avenir des jardins d’enfants.
Pas de changement pour les accompagnatrices scolaires
« Vous avez assumé. La France l’attendait« . En mars 2023, le sénateur LR Jacques Grosperrin avait attaqué frontalement Pap Ndiaye. Les soupçons de wokisme volaient bas. Ce 11 octobre, la majorité de droite du Sénat accueille avec soulagement Gabriel Attal. « Votre discours de rentrée tranche avec celui de votre prédécesseur« , explique Max Brisson, auteur d’une proposition de loi sur l’Ecole déjà adopté par la haute assemblée.
C’est que, sur bien des points, les décisions du ministre répondent aux attentes des Républicains. « J’ai assumé une décision importante » , affirme G Attal à propos de l’interdiction des abayas. J Grosperrin « salue le geste » et félicite le ministre pour sa visite matinale dans une école juive. « Les élèves qui intimideraient, agresseraient ou envisageraient de le faire, des élèves de confession juive devraient avoir peur« , affirme Attal.
Sur ce terrain, Max Brisson en veut plus. Il demande que le Conseil des sages de la laïcité retrouve tous ses pouvoirs, rognés par Pap Ndiaye. Il demande aussi l’interdiction du voile pour les accompagnatrices de sorties scolaires. Gabriel Attal rassure la droite sur le premier point. Le « Conseil des sages » retrouvera son droit de saisine. Par contre le ministre marque sa différence à propos des accompagnatrices. « J’assume la décision de ne pas revenir sur la législation en vigueur« .
Le retour des écoles normales
Il peut le faire car la droite et le ministre ont un autre terrain d’entente :la formation initiale des enseignants. La proposition de loi Brisson veut créer une formation initiale spéciale des futurs professeurs des écoles (PE) confiée à des écoles sous contrôle des recteurs. Il s’agit de supprimer la formation universitaire des enseignants pour la confier à l’administration de l’Education nationale. On est ainsi certain d’avoir des exécutants conformes aux attentes du ministère , dotés d’une formation maison qui les enchaine. « Comment allez vous faire en sorte que la demande de l’employeur soit première par rapport aux injonctions des universités qui n’ont pas montré leur capacité à former les enseignants« , demande Max Brisson. « Les écoles normales étaient à la main de l’Education normale. C’est le rôle de l’employeur qui est en jeu« .
« Notre ambition rejoint votre avis« , explique G Attal. « Je veux créer une école normale du XXIème siècle« . Il en dessine les contours : un pré recrutement au niveau bac, une formation axée sur les fondamentaux et les valeurs de la République avec entrée progressive dans le métier. G Attal ne dit rien de la formation des professeurs du second degré. Mais dans un premier temps les deux corps ne seraient plus associés pour leur formation. Le seraient ils encore pour la paye ? Voudra-t-on payer de façon identique des enseignants ayant une formation maison avec des professeurs ayant un diplôme délivré par une université ?
Sur la formation continue, G Attal « assume le choix » de la mettre en dehors des heures de cours. « On ne peut pas ambitionner d’élever le niveau avec 2 millions d’heures perdues« , dit-il. Cela devrait concerner un tiers des heures de formation dès cette année et toutes les heures à la rentrée prochaine.
Le collège unique dans le viseur
Un autre point d’entente avec la droite se fait sur le collège unique. Catherine Belhriti, sénatrice LR, demande « des classes d’excellence » et des classes « à élèves en difficulté« . « Quand les élèves ont des niveaux différents cela finit par tirer tout le monde vers le bas » explique G Attal. Pour lui des « groupes de compétences » en maths et en français , « j’assume de dire que c’est une piste« . « Je ne suis pas en train de dire qu’on revient sur le collège unique » précise G Attal. Mais il ajoute que les groupes de niveau en maths et français c’est déjà ce qu’il met en place en 6ème à cette rentrée, pour l’heure de soutien. « La question se pose de savoir s’il faut garder des élèves avec un niveau aussi hétérogène« . G Attal a demandé à la mission qu’il a mis en place de « regarder » le collège modulaire souhaité par le Snalc, qui est bien un détricotage du collège unique.
Pas d’urgence pour les questions sociales
Vivement questionné par les sénateurs de gauche (P Ouzoulias, C Brossel, Y Chantrel, A Ziane) sur la mixité sociale et scolaire à l’école, G Attal montre beaucoup moins d’emballement. « Je ne souhaite pas rouvrir la guerre des écoles« , dit G Attal, lui-même ancien élève du privé. « Je souhaite que les parents puissent avoir le choix y compris en assumant d’investir des moyens supplémentaires pour les établissements défavorisés« . Il « va poursuivre » l’accord, très peu contraignant, avec le privé et la réforme des affectations à l’image de celle de Paris.
Le maintien du fonds de soutien aux activités scolaires est un autre problème soulevé par la gauche, notamment C Brossel. Ce fonds aide les communes qui sont restées à la semaine de 4.5 jours dans le premier degré à financer les activités périscolaires. Le loi de finances de 2024 le supprime. E Macron avait dès 2017 largement facilité le retour de la semaine de 4 jours. La loi de finances pénaliserait les communes ne le faisant pas. G Attal annonce que ce fonds est maintenu pour 2023-2024 et qu’il publiera un arrêté en ce sens. Mais la mesure reste dans les objectifs du gouvernement.
C’est le cas aussi de la fermeture des jardins d’enfants. C’était la volonté de JM Blanquer qui estimait que ces structures échappaient trop à son autorité. La loi Blanquer prévoit leur fermeture en 2024. Pap Ndiaye semblait acquis à leur maintien. G Attal pourrait autoriser le maintien des jardins déjà existants (70 structures). « On va avancer là-dessus« .
Reste la réforme de la carte de l’éducation prioritaire. « Le zonage Rep sera revu à un moment donné mais je ne sais pas quand« , répond G Attal. La nouvelle carte va dépendre d’un autre ministère : celui de la Ville. Toutes ces questions sociales sont moins urgentes aux yeux de G Attal que les abayas ou la main mise sur le contrôle des enseignants.
François Jarraud