Sutom, certains connaissent surement : c’est le nouveau jeu en ligne à la mode. Joli jeu de mot faisant référence à l’émission de télé Motus. Il s’agit dans ce jeu aussi de retrouver un mot dont seule la première lettre est connue. En seulement six tentatives, joueurs et joueuses doivent rivaliser de stratégies pour arriver à leur fin. Un jeu qui plait aux adultes mais pas seulement. Certains enseignants et enseignantes ont décidé de le proposer à leurs élèves comme Sandrine Descombes. « Une vraie mine d’or pédagogique » selon la professeure des écoles.
Dans la classe de CE1/CE2 de Sandrine Descombes, enseignante à l’école Nelson Mandela à La Chapelle-de-Guinchay (71), jouer à Sutom est un rituel depuis quelques semaines. L’enseignante a découvert Sutom sur Twitter comme nombre de ses collègues. « Sur mon fil Twitter, je voyais défiler des carrés de résultats Sutom. Cela m’a intrigué. J’ai essayé et commencé à jouer régulièrement. Un matin, à l’accueil des élèves, j’avais laissé mon téléphone sur une grille de jeu. L’un de mes élèves, assez curieux, m’a demandé ce que c’était. Je lui ai expliqué, cela lui a plu et il a demandé à essayer. J’ai vu très rapidement la multitude de compétences que l’on peut travailler avec les enfants avec ce jeu alors je me suis lancée ». Dès le lendemain, Sandrine projette sur le tableau numérique la grille du jour lors des rituels du matin. « Aujourd’hui, nous allons, tous ensemble, résoudre une énigme orthographique » leur explique-t-elle. « Vous voyez la grille au tableau ? Nous avons comme seul indice la première lettre, à nous de, tous ensemble, trouver les lettres qui se cachent derrière les petites balles pour reconstituer le mot. Il faut faire attention, nous avons seulement cinq chances ! ».
Une démarche scientifique pour résoudre une énigme
Mine de rien, le challenge est de taille. Comment deviner les six lettres manquantes en seulement cinq coups. Une histoire de chance ? pas vraiment explique Sandrine. « Pour trouver le mot, il s’agit avant tout de s’imaginer devant un exercice de résolution de problèmes. Eh oui, la résolution de problème, ce ne sont pas seulement des mathématique, l’occasion est idéale pour aider les élèves à transposer ce qu’ils ont appris. Rechercher des indices, émettre des hypothèses, les valider ou pas, c’est grâce à une bonne démarche scientifique que les élèves peuvent y arriver ».
Ainsi, tous les matins les 17 élèves de Sandrine se retrouvent au tableau. Ils y inscrivent leur proposition de mot. « Au début, ils posaient leurs mots sans avoir vérifié leur orthographe, on vérifiait tous ensemble. Au bout d’une semaine je leur ai dit qu’ils ne pouvaient plus faire de propositions au hasard, qu’ils devaient d’abord les vérifier avant de nous les soumettre ». Depuis, dès leur arrivée en classe le matin, les élèves réfléchissent au mot à deviner en s’aidant de de leur dictionnaire ou de la tablette – la classe utilise l’application Métallo, dictionnaire phonétique proposé avec la méthode de lecture du même nom. « Avec Métalo, les enfants relèvent les mots en phonétique, proposent les sons et l’application leur donne les différentes écritures en fonction de la phonétique proposée. Il y a, à peu près, 2000 mots de référencés ce qui n’est pas suffisant pour jouer, ce qui très bien car cela leur montre que plusieurs outils sont nécessaires. Lorsque je sais que le mot ne se trouvera pas dans leur dictionnaire, je leur indique qu’il faudra peut-être utiliser le Larousse ».
Faire vivre les règles orthographiques et grammaticales
D’un point de vue pédagogique, les possibilités sont nombreuses. « Déjà, Sutom permet d’émettre des hypothèses, donc de déduire à partir des indices que l’on a, de mettre en place une stratégie… Très vite, on a saisi qu’il fallait essayer de trouver des mots qui contenaient des lettres toutes différentes. Une fois que tous les mots sont au tableau, on cherche tous ceux qui continent le bon nombre de lettres et on les entoure. Ensuite, les élèves votent pour le mot qui leur semble le plus judicieux pour pouvoir démarrer la grille. Ils n’ont pas le droit de voter pour le leur, le but étant quand même d’être impartial et de ne pas non plus voter pour les copains mais de de réfléchir. Ils jouent vraiment bien le jeu ». Dès qu’un premier mot est placé, de nouveaux indices apparaissent : les lettres communes au mot à retrouver mais pas à la bonne place apparaissent en jaune, celles qui sont à la bonne place, en rouge. « Lorsqu’on a fait notre première proposition, on a des premiers indices ou pas. On peut avoir choisi un mot où il n’y a aucun indice… Après on élimine tous les mots qui ne correspondent pas. À ce moment précis, on est dans une activité de lecture fine et de déduction ». Sutom est aussi l’occasion de réviser quelques règles orthographiques. « On travaille les anticipations phonétiques. Par exemple, il y a un A, puis une lettre à trouver et après un B. Je leur demande quels sons peut-on produire ? Il y a aussi toujours un ou une élève qui rappelle la règle du N qui se transforme en M avant un B… On travaille aussi les accords, lorsque le mot est trop court par exemple. On révise le genre, le nombre, les familles de mots, les dérivés… Ces exercices ne sont pas formalisés, mais comme ils sont quotidiens, ils concourent à une bonne appropriation des règles ».
Gagnants ou perdants, mais ensemble
Du côté du vivre ensemble, là aussi les compétences travaillées sont nombreuses. « Sutom fait bosser le collectif finalement parce qu’ils gagnent ensemble, ils perdent ensemble. C’est un jeu coopératif donc quoi qu’il arrive on doit s’écouter, on doit s’entraider ».
Lorsque les élèves trouvent le mot du jour, « c’est fiesta » comme l’explique Delphine. Et lorsqu’ils ne le trouvent pas, ils sont déçus sur le moment mais d’autant plus motivés le lendemain !
Sutom, c’est donc un petit exercice à faire au même titre qu’un rituel pour faire vivre la langue. Même si « avec seulement dix-sept élèves, c’est quand même plus simple d’organiser ce genre de petit jeu au quotidien » reconnait Delphine.
Lilia Ben Hamouda