» Je suis contente de voir que cette formation initiale s’est installée et que les résultats aux concours parlent d’eux-mêmes. » S’exprimant devant les professeurs stagiaires du 2d degré de l’académie de Créteil le 25 août, N. Vallaud Belkacem a défendu son bilan en matière de formation des enseignants. Elle a particulièrement soutenu le dispositif de formation de alternance expérimenté à Créteil et la progression de la formation continue.
Nouveaux profils pour nouveaux enseignants
La rentrée des enseignants stagiaires à Créteil réunit du monde. Devant les locaux, tous les acteurs de l’Ecole sont là. Les syndicats se font connaitre et proposent des adhésions découvertes. Les assureurs, les mutuelles s’arrachent les nouveaux enseignants.
Une des nouveautés de cette année c’est la présence du Collectif Racine, un mouvement issu du Front national. Trois enseignants du Collectif distribuent un tract tout près d’un car de police. Le collectif revendique une trentaine de militants dans un département voisin. Installés à l’écart, ils n’ont pas encore accès à l’espace des syndicats enseignants.
Pour cette rentrée, l’université accueille plusieurs centaines d’enseignants stagiaires. Ce qui frappe c’est la variété des parcours dans cette académie populaire qui bénéficie d’un concours particulier pour le premier degré.
Philippe, la quarantaine, est devenu professeur de Sciences de l’ingénieur après une carrière dans un bureau d’études et un passage comme contractuel. Il attend beaucoup de l’accompagnement par un tuteur et de la formation qu’on lui a promis. Sharib est devenu professeur de SES après une dizaine d’années dans une ONG. Il a fini par faire « le chouette métier » dont il rêvait. Il est fier de le faire en banlieue. Mais il s’inquiète : saura-t-il toucher ses élèves comme il a lui même été passionné par un professeur de SES ? Cédric, en fin de trentaine, a été professeur de tennis. C’est le dispositif EAP, de formation par alternance, qui lui a permis de devenir enseignant en lui versant un salaire pendant sa formation.
Mériem, une toute jeune femme, a toujours su qu’elle voulait enseigner les lettres. Elle a confiance dans l’accompagnement de cette année de stage. Elle est nommée en collège Rep dans le 93 mais ne craint pas d’y enseigner. Elle habite et a été élève dans le département. C’est aussi le cas de Johann, un jeune professeur d’EPS qui est nommé dans le 93 dans un collège où il a été élève. Manon, une jeune professeure d ‘anglais, veut partager sa passion pour sa discipline. Mais s’inquiète du public qu’elle va rencontrer dans son collège du 77. Elle habite et a été élève dans le 78, une banlieue plus favorisée.
La formation par alternance promotionnée par la ministre
» Mais enfin, qu’est-ce qui vous a pris ? Qu’est-ce qui vous a pris de devenir enseignants ? » A l’heure où triomphent le buzz et l’immédiateté, vous défendez le temps long et l’esprit critique ! A l’heure où triomphent les 140 caractères, vous rédigez des mémoires et vous lisez des livres ! » Avec beaucoup d’humour, la ministre de l’éducation nationale a séduit les 400 professeurs stagiaires du second degré réunis par l’Espe de Créteil dans un amphithéâtre de l’UPEC. Elle a vanté leur engagement, « cette audace immense ,magnifique et admirable dont nous avons profondément besoin aujourd’hui ».
Mais la ministre est là pour défendre le bilan du quinquennat, et surtout le sien, en matière de formation. Et d’abord en vantant le retour de la formation initiale par alternance avec les nouveaux Emplois d’Avenir Professeur, expérimentés à Créteil.
Faisant suite à un dispositif de pré recrutement lancé par Vincent Peillon puis supprimé en 2015 pour faire des économies, ces EAP ont été expérimenté dans l’académie de Créteil. Recrutés avec un contrat d’apprentissage au niveau L3 ou M1,ces jeunes doivent 12 heures de service par semaine , et bénéficient d’un revenu pouvant atteindre 900 euros. Ils découvrent le métier enseignant en intervenant dans les classes.
N Vallaud Belkacem annonce un bilan positif de cette expérimentation. » Ancrer la formation sur la pratique professionnelle, c’est ce qui nous avait conduits à proposer à l’ESPE de Créteil d’expérimenter une formation initiale en alternance dès la première année du master. Les résultats encourageants, avec 100% de validation du M1 et 80% de réussite au concours ». Elle sera donc étendue à Versailles et à Amiens.
Pourtant le dispositif a des résultats inégaux, selon Yann Bassaglia, vice président en charge de la formation à l’Espe de Créteil. Bien acceptée par les jurys du premier degré elle serait moins bien accueillie dans le second degré où les jurys s’attachent surtout à la formation académique.
Une formation continue en hausse de 30% ?
La ministre a aussi vanté la relance de la formation continue. » Je souhaite que nous réaffirmions le rôle des ESPE comme outils de la professionnalisation des enseignants au long de leur vie professionnelle »,a-t-elle déclaré. « Cela passe par une coordination accrue entre les services académiques et les ESPE. Cela passe aussi par un effort budgétaire en faveur de la formation continue, qui s’élèvera, en 2016, à 105 M€, soit une augmentation de +28% depuis 2014 ».
Ce que ne précise pas la ministre c’est que l’essentiel de ce budget a financé les 700 000 journées de formation liées à la réforme du collège dont l’efficacité, dans le contexte d’opposition à la réforme, a été très inégal d’un endroit à u autre et globalement peu efficace. Dans le premier degré, par contre, là où les nouveaux programmes sont bien accueillis le Snuipp a montré que seulement 7 départements ont organisé des formations préparant à ces nouvelles approches.
Le paradoxe de Créteil
Une réalité qui dément les propos optimistes de la ministre devant les stagiaires. Elle leur a promis assistance : « je refuse de laisser un enseignant démuni devant ses élèves… Derrière cette solitude apparente, sachez que vous avez autour de vous des équipes, des personnels d’encadrement et un ministère qui sont à vos côtés ».
Qu’importe. Les stagiaires entrent dans le métier enseignant avec enthousiasme et souvent une expérience personnelle intéressante pour leurs élèves et leur réflexion sur l’enseignement. Et le discours ministériel a été accueilli avec ferveur.
Certes, depuis 2012, beaucoup a été fait pour redresser une situation désastreuse dans l’académie de Créteil. La ministre nous a dit que cette académie est « symptomatique des difficultés de l’éducation nationale et de ce qu’on a voulu faire depuis le début du quinquennat ».
Elle a ouvert et maintenu le concours spécial de Créteil qui alimente le premier degré en compensant les postes non pourvus au concours normal. A cette rentrée, pour 3000 élèves en plus, l’éducation nationale ouvre 500 postes. Le paradoxe c’est que la ministre réussisse à être autant applaudie dans l’académie qui reste la plus difficile et la plus fuie de France métropolitaine.
François Jarraud