Saisi par la Cour des comptes par un référé qui vise, à travers le statut des PLP, celui des certifiés, JM Blanquer ne va pas aller dans le sens attendu par la Cour. C’est ce que montre sa réponse rendue publique par la Cour. Le ministre « partage l’objectif d’efficience » de la Cour mais trouve des arguments pour faire du sur place… Un point intéressant alors que JM Blanquer, avant la crise sanitaire, voulait créer un « nouveau métier enseignant ». Mais depuis le 11 mars tout a changé…
Un référé visant à modifier le statut des enseignants
Dans un référé concernant l’enseignement professionnel publié le 11 mars, la Cour des Comptes défendait à nouveau ses conceptions sur la gestion des enseignants et du système éducatif. La Cour demandait le regroupement des lycées professionnels en de grandes structures d’au moins 500 élèves. Elle demandait aussi l’annualisation des services et la bivalence pour les PLP mais aussi les certifiés à travers la création d’un corps unique.
Alors certes, JM Blanquer « partage l’objectif d’efficience de la Cour » mais il trouve de bons arguments pour ne pas aller plus loin.
La fermeture des petits lycées professionnels
A la demande de réduction des surcapacités en établissant un référentiel national, le ministre répond qu’un « référentiel national ne semble pas pertinent pour répondre à la diversité de situations la fermeture d’une section peu remplie mais « insérante » ne se pose pas dans les mêmes termes selon que la même formation est proposée à quelques kilomètres de distance ou qu’elle est la seule offre proposée dans le département ».
La Cour des comptes demandait la fermeture de tous les lycées professionnels de moins de 500 élèves. Cela aboutirait à créer de vrais déserts de formation. Pour en avoir une idée il faut savoir que sur 819 LP publics, 582 ont moins de 500 élèves. Mais l’effet serait encore plus dévastateur dans le privé : sur 601 LP privés, seulement 21 survivraient !
Ce n’est pas ce que JM Blanquer répond. Il explique que « le ministère a commencé ce travail de pilotage de l’offre de formation professionnelle par secteur ; comme l’illustre le rééquilibrage de la spécialité du bac pro « gestion-administration »… Les nouvelles mesures de la transformation de la voie professionnelle convergent vers cet objectif aussi bien en termes de mise en réseau des établissements, via les campus, que des contenus de formation comme le développement des « colorations » des formations via les stages, périodes de formation en milieu professionnel (PFMP), scenarii pédagogiques de mise en situation professionnelle ».
La bivalence et l’annualisation
Sur la fusion des corps des PLP et des certifiés et la bivalence pour les certifiés, le ministre est plus précis et s’oppose nettement à la demande de la Cour. « La voie professionnelle constitue une modalité spécifique d’exercice du professorat, qui s’illustre dans les objectifs pédagogiques assignés, le profil des élèves et le déroulement de la scolarité, avec notamment l’existence de périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) pour les élèves de la voie professionnelle. Cette spécificité implique une formation et des modalités d’exercice particulières pour les professeurs de lycée professionnel (PLP). Elle explique l’existence d’un concours dédié et l’intérêt de disposer d’un statut particulier pour les PLP ».
Sur la bivalence, le refus est plus habile. « S’agissant de la préconisation visant à développer la bivalence dans le second degré et en l’étendant au collège, cette modalité d’exercice qui consiste à ce qu’un même professeur enseigne deux disciplines, vise d’ores-et-de un tiers des disciplines de recrutement des professeurs certifiés ».
A la demande d’annualisation du temps de travail des enseignants, le ministre préfère répondre que c’est presque fait. « Une partie importante du temps de travail des professeurs est d’ores et déjà annualisée. En effet, les temps de recherche et de préparation nécessaires à la réalisation des heures d’enseignement, les activités de suivi, d’évaluation et d’aide à l’orientation des élèves, le travail en équipe pédagogique ou pluri-professionnelle, les relations avec les familles sont consacrés réglementairement et associés au service que les professeurs sont tenus d’assurer sur l’ensemble de l’année scolaire ».
Une occasion perdue ?
Seule ouverture : « le ministère est d’ores et déjà ouvert à l’idée de modulation des emplois du temps des élèves, au-delà du seul rythme hebdomadaire, dans des solutions pragmatiques et dans des projets cohérents, suscitant l’adhésion des équipes pédagogiques…En outre, l’article 38 de la loi n°2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance prévoit la possibilité, avec l’accord des professeurs, de réaliser des expérimentations modifiant la répartition des heures d’enseignement sur l’année scolaire ».
Le « nouveau métier enseignant » que JM Blanquer voulait mettre en place en contrepartie de la revalorisation pourrait donc ne pas ressembler aux attentes de la Cour. Il est vrai qu’entre le 11 mars et la réponse ministérielle, le paysage a totalement changé. La revalorisation est plombée par la crise économique. La réforme des retraites probablement aussi. Et la manœuvre visant à proposer un nouveau statut cet été remise à des temps meilleurs.
François Jarraud