Annoncé depuis des mois, le Conseil national de l’innovation pour la réussite éducative fait l’objet d’un décret publié au Journal officiel du 26 mars. Il vise à la fois à contrôler l’innovation et à l’impulser. Une dialectique ancienne sur la question de l’innovation au ministère. Il appartiendra à ses membres de résoudre cette opposition.
Soutenir et piloter
Le Conseil national de l’innovation pour la réussite éducative émettra un avis « sur les orientations de cette politique en matière d’innovation, que lui soumet le ministre chargé de la réussite éducative ». Il aura aussi pour tâche « de faire expertiser et évaluer les pratiques innovantes conduites en matière de réussite scolaire et éducative dans les territoires et dans le cadre des dispositifs existants » et « d’apporter son soutien aux pratiques innovantes qu’il aura jugées les plus pertinentes et de les faire connaître dans l’ensemble du système éducatif ». Le conseil est encore chargé « d’organiser le débat sur l’innovation en matière éducative » et « d’impulser l’esprit d’innovation en matière de réussite scolaire et de réussite éducative en animant avec la direction générale de l’enseignement scolaire qui le pilote le réseau des conseillers académiques recherche et développement, innovation et expérimentation ». Le conseil réalisera chaque année un rapport remis au ministre chargé de la réussite éducative.
Le conseil se trouve à la fois a agir comme gardien et comme soutien d’une innovation qui dérange le système éducatif. L’article 34 de la loi de 2005 a surtout servi à étouffer les innovations et à les orienter vers les seuls domaines qui intéressaient la Dgesco. Le rapport d’Yves Reuter en 2011 a montré les effets négatifs de cette politique : résistance, découragement, perversion même de la place de l’innovation devenue très souvent une variable de gestion des postes et de l’innovateur face à ses collègues. Organisateur depuis 6 ans du Forum des enseignants innovants, qui reste la principale rencontre nationale d’enseignants innovants, le Café pédagogique a constaté les effets ravageurs de cette politique.
Summum jus, summa injuria
Summum jus, summa injuria. George Pau-Langevin, qui est avocate, connaît bien l’adage. Il est très difficile de réglementer l’innovation sous peine de la faire crouler sous le poids de la gestion économique du système ou , pire encore, de la pensée pédagogique unique. La qualité de la composition du conseil sera déterminante Ce sont les membres du conseil qui devront composer avec ces missions contradictoires.
Le conseil comprendra 11 membres de droits représentant l’éducation nationale et 8 autres administrations dont l’agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances et le ministère de la ville. 28 membres seront désignés par la ministre dont 4 inspecteurs, 3 personnels de direction et 3 enseignants, 4 chercheurs. S’y ajouteront 4 élus territoriaux et 5 représentants des associations d’éducation.
Avec une telle ouverture, le conseil aura l’autorité pour piloter la politique d’innovation. Piloter sans tomber dans le contrôle autoritaire, voilà sa principale difficulté.
François Jarraud