Pédopsychiatre, auteur d’un ouvrage important sur l’absentéisme scolaire et plus récemment sur le stress en prépa, Patrice Huerre nous donne quelques conseils pour faire face à l’examen.
Est-il courant de voir des candidats noués par le stress le jour du bac, perdant une partie de leurs moyens. Comment expliquer qu’un examen affecte autant un jeune ?
C’était effectivement courant d’être stressé au moment du passage d’un examen. Même si c’est inégalement réparti. Ceci se manifeste habituellement par un malaise qui laisse penser que l’on a oublié tout ce que l’on a appris, avec parfois des manifestations corporelles (sensation de vertige, sueur, tremblement des membres, sensation de boule dans la gorge et de difficultés respiratoires…). Pour certains, cela peut prendre encore plus d’ampleur avec une angoisse intense qui peut conduire à une sorte de paralysie de tous leurs moyens et à l’évitement de l’examen.
Mais il ne faut pas oublier que le stress est habituellement utile, poussant le candidat au-delà de ses limites dès que l’épreuve commence et déclenchant des capacités de concentration et de travail qui ne se manifesteraient pas autrement. Bien sûr certains candidats le sont plus que d’autres du fait de leur personnalité plutôt anxieuse habituellement. Ils ont déjà connu de tels phénomènes tout au long de leur parcours scolaire, chaque fois qu’il y avait une épreuve. En outre, lorsque le bac est particulièrement investi, comme toutes les épreuves sur lesquelles on mise avec intensité, il n’est pas étonnant que le stress soit plus important.
Ne pas avoir de stress pourrait témoigner d’une indifférence à l’égard des résultats de l’épreuve ! Il est donc normal d’être stressé. La question est de savoir comment l’utiliser au mieux.
Est-ce seulement la peur de l’échec qui explique le stress ?
La peur de l’échec n’est pas le motif principal du stress. Il est plutôt dû à un doute sur ses capacités à réussir, à une insuffisamment bonne image de soi, ou encore à la peur de décevoir un entourage qui attend un résultat positif et met éventuellement de la pression sur le candidat. Ne parlons pas -bien sûr- d’une peur de l’échec qui serait due à une insuffisante préparation et un manque de travail durant l’année !
Mais la pression peut venir de soi-même, et il est possible de dire qu’elle est alors encore plus forte que celle qui vient de l’extérieur dont on peut plus aisément se plaindre. L’être humain est souvent plus dur avec lui même que son entourage ne l’est.
Moins habituelle est la situation des candidats qui, à l’inverse, ont peur de réussir, même s’ils font tout ce qu’il faut apparemment pour cela. La réussite leur ouvrirait imaginairement les portes de l’âge adulte et du choix de vie : ce que les doutes sur leur identité personnelle et leur choix de vie future rendent inquiétant. C’est particulièrement vrai pour les épreuves qui ouvrent faire des choix nouveaux. C’est le cas du bac qui fait passer d’une rive à l’autre, comme un rituel d’initiation clôturant la phase d’enfance pour faire accéder à celle de l’âge adulte. En échouant, ce qui n’est pas consciemment souhaité bien sûr, le candidat se donne d’une certaine manière une année de plus pour grandir…
Dans votre ouvrage sur le stress et la prépa, vous remarquez que les jeunes les plus matures ont plus de mal à s’investir dans leurs études. Y a-t-il ainsi des candidats qui sont « plus à risques » ?
En effet, la maturité psychologique et affective conduit, en fin d’adolescence, à se poser davantage de questions sur soi-même et sur ce que l’on souhaite faire de sa vie. Ces questions existentielles peuvent occuper un espace important et rendre moins disponible pour les études, surtout si elles sont très sélectives. C’est ce qui explique que les élèves encore « immatures » -sans que cela soit à considérer comme une appréciation négative- sont ceux qui peuvent le plus s’investir dans des études qui nécessitent beaucoup d’énergie et de quantité de travail dans la durée, laissant moins de place pour d’autres activités personnelles. C’est le cas par exemple des classes préparatoires aux grandes écoles. Ces élèves peuvent plus facilement tenir le rythme requis que leurs camarades qui s’interrogent régulièrement sur le bien-fondé de leur engagement dans cette voie.
Et les amis ?
Les amis restent des points d’appui très importants, surtout en période de tension comme c’est le cas avant les examens ou les concours. Même si l’on est moins disponible pour les voir, un message de leur part par SMS ou sur le net, un appel au soutien quand c’est nécessaire ou une sortie amicale un soir ou durant le week-end pour boire un verre (sans alcool !), aller voir un film ou discuter un moment reste indispensable pour l’équilibre. C’est aussi une très bonne manière de tester leur amitié et leur capacité de comprendre une moindre disponibilité.
Les journaux pour jeunes sont pleins de publicité pour des médicaments censés aider à mobiliser sa mémoire. Est-ce efficace ?
Le marché de l’angoisse se porte effectivement bien. Le sujet humain n’aime pas rester dans un état d’inquiétude désagréable à vivre. Par ailleurs, notre époque soutient l’idée selon laquelle toute difficulté devrait pouvoir trouver une réponse rapide entraînant un confort de vie meilleur. Alors les médicaments et les produits de parapharmacie fleurissent sur les rayons, surtout avant les examens ou les concours.
Autant celles et ceux pour lesquels un traitement médicamenteux avait déjà été prescrit par un médecin pour différentes raisons ne doivent pas interrompre ce traitement avant les épreuves sans demander l’avis du praticien, autant ce n’est pas le moment de se lancer dans de l’automédication (par exemple les tranquillisants ou les somnifères trouvés dans l’armoire à pharmacie familiale) dont les effets risquent d’être plus désavantageux que ce qu’elle est censée combattre. Il en va de même quand l’élève commence dès le matin pour se réveiller parce qu’il a mal dormi à consommer à hautes doses des produits stimulants comme le café, le thé, les sodas dopants… Et, pour trouver le sommeil la nuit suivante, recourt à des produits apaisants pharmaceutiques ou non, légaux ou illégaux. Ainsi s’installe un cycle artificiel dépendant de produits qui, au moment des épreuves, ne mettra pas dans les meilleures conditions de succès.
Par contre, les produits en vente libre dont on pense que les effets peuvent être bénéfiques, en particulier à base de plantes ou de vitamines, du moment qu’ils ne sont pas consommés avec excès, ceux-là peuvent être pris sans problème. À chacun de juger des résultats. S’ils apparaissent positifs, alors tant mieux ! Même si la science n’y retrouve pas ses petits…
Mais n’oublions pas que rien ne vaut une alimentation équilibrée, des jus de fruits vitaminés naturellement et un temps de sommeil suffisant. Rien ne remplace une hygiène de vie qui assure au corps une énergie telle que le cerveau pourra tourner au mieux de ses possibilités et avoir le rendement le meilleur dans les temps consacrés au travail.
Y a-t-il des exercices qui peuvent aider à se préparer au stress ?
Il n’y a pas d’exercice particulier qui serait valable pour toutes et tous. Cependant, il peut être très important de bien identifier les attitudes contractées que l’on peut prendre quand on est stressé, en particulier dans les épaules et la nuque, ainsi que la mâchoire, afin de s’exercer à les détendre volontairement. De même, des exercices de respiration lente et ample sont très utiles pour ralentir le rythme cardiaque et pour baisser la tension artérielle lorsque l’anxiété gagne du terrain. En particulier avant les épreuves ou au tout début de celles-ci, si l’on s’en que l’on est trop tendu ou que l’on perd ses moyens.
Certains trouveront plus de détente dans des jeux familiers, la lecture d’un roman, un bain chaud, une tisane, un petit temps de marche à pied…
Ne négligeons pas les petits rituels, même s’ils apparaissent ridicules, dont certains ont pu éprouver l’utilité en cas d’angoisse : le grigri qui accompagne les moments importants, la mise en place du matériel avant de se lancer dans la réponse aux questions, le type de stylo qui est censé accompagner la réussite…
Enfin, si le stress prend habituellement une ampleur telle que l’on est paralysé et qu’on ne peut plus rien produire, il n’est pas inutile de consulter à l’avance son médecin traitant qui pourra mettre en oeuvre, après avoir testé le dosage utile, un médicament destiné à diminuer la pression artérielle et le rythme cardiaque. Mais ceci n’est jamais à faire en solo, car le risque serait de se trouver mal lors de l’épreuve, ce qui serait un comble.
Quand on est juste devant sa copie, comment peut-on faire diminuer le stress ?
Je conseille de reprendre ce qui a été évoqué précédemment, à savoir un moment de pause, même bref, en oubliant l’épreuve pour « reprendre ses esprits » en se demandant si le risque, en cas d’échec, serait équivalent à une fin du monde, en respirant lentement et profondément plusieurs fois et en cherchant à relâcher les muscles du haut du dos, des bras et du visage.
Puis, passer à l’action : le stress redevient alors dans la plupart des cas le moteur qui va permettre de franchir les obstacles et passer du rang d’ennemi à celui d’allié.
L’attitude des surveillants joue-t-elle un rôle dans le stress ? Quels conseils leur donner ?
Il est évident qu’un adulte surveillant l’épreuve qui serait dans un état d’agitation ou qui présenterait une attitude de suspicion prêtant à chaque candidat une intention malveillante ou transgressive, transmet au groupe une partie de sa tension intérieure, jusqu’au moment où les candidats sont pris par leur tâche et deviennent beaucoup moins sensibles et perméables à l’environnement externe.
Des surveillants peuvent être source de diminution du stress à l’inverse par l’expression bienveillante de leurs visages et par une attention à chacun qui vise uniquement à permettre un bon déroulement de l’épreuve et une équité nécessaire. Les quelques mots prononcés pour ouvrir le temps de l’examen ou du concours peuvent par leur tonalité autant que par leur contenu contribuer à un apaisement de candidats anxieux.
Patrice Huerre
Psychiatre, psychanalyste
Co-auteur avec Thomas Huerre de « La prépa sans stress », chez Hachette littératures