Et si on ne donnait pas réellement le temps nécessaire aux apprentissages fondamentaux à tous les élèves ? Alors que la proportion d’élèves en difficulté dans le domaine de l’écrit a augmenté significativement au cours de la décennie en France, Bruno Suchaut, avec Alice Bougnères (IREDU) et Adrien Bouguen (IPP), pose la question du temps scolaire réellement utilisé par l’élève. En utilisant les données tirées d’une expérimentation de stage d’été, il montre que le temps réel consacré à l’apprentissage des automatismes nécessaires à la lecture atteint tout juste une vingtaine d’heures annuelles en grande section de maternelle, soit 7 minutes par jour. Un temps tout à fait insuffisant pour une partie des élèves. Il invite à relever le défi de l’échec scolaire précoce en optimisant le temps d’apprentissage des jeunes élèves.
Officiellement le temps scolaire atteint 870 heures annuelles, un volume qui semble suffisant pour asseoir les apprentissages fondamentaux. C’est leur acquisition qui détermine l’avenir scolaire de l’enfant. Or, « dans le contexte actuel de l’école primaire française, les élèves les plus fragiles sur le plan des aptitudes aux apprentissages peinent à satisfaire leurs besoins en temps d’apprentissage », estime Bruno Suchaut. C’est que une analyse précise du temps scolaire amène Bruno Suchaut à estimer le temps réellement utilisé par l’élève, en interaction avce le maitre, à un volume nettement inférieur. Pour B. Suchaut, alors qu’il faudrait une cinquantaine d’heures pour asseoir les automatismes liés au code alphabétique, les élèves de grande section de maternelle ne disposeraient que de 20 heures environ. Ces 20 heures annuelles éventuelles pendant lesquelles l’élève serait réellement engagé sur l’apprentissage du code apparaissent bien dérisoires face au défi que représente l’apprentissage de la lecture pour les élèves les plus fragiles. Ce temps d’engagement correspond à environ 7 minutes quotidiennes.
Une autre gestion du temps peut s’avérer plus efficace. C’est ce que retient B Suchaut d’un dispositif de stage d’été testé auprès d’un nombre significatif d’enfants. Il fait travailler les élèves selon une procédure précise d’enseignement explicite à raison de 2 heures par jour durant 5 jours par semaine sur 3 semaines. Pour B Suchaut, « la transformation des pratiques pédagogiques est une condition indispensable pour qu’une dotation supplémentaire en temps puisse être efficace. Dans cette perspective, le projet « stage d’été » module non seulement le volume consacré aux plus faibles – en leur offrant une quinzaine d’heures d’entraînement estival – mais adapte également le contenu des enseignements dispensés, en prescrivant une programmation précise d’activités, guidée par les préconisations de la recherche expérimentale ayant produit des résultats positifs. Il s’agit concrètement de concentrer un entraînement orienté sur la conscience phonologique sur une période de trois semaines pendant les congés scolaires d’été avec une organisation pédagogique permettant un travail approfondi avec de petits groupes d’élèves ».
Pour B. Suchaut, « le fonctionnement actuel de l’école primaire ne favorise pas suffisamment cette adaptation du temps aux besoins des élèves. En effet, le volume de temps disponible aux apprentissages, principalement celui pendant lequel l’élève est engagé sur la tâche est largement insuffisant pour permettre d’aborder l’apprentissage de la lecture dans de bonnes conditions pour tous les écoliers. L’analyse du dispositif « stage d’été » a estimé précisément le volume de temps individuel nécessaire aux élèves faibles pour l’acquisition des compétences phonologiques indispensables à l’apprentissage de la lecture. Les deux heures cumulées d’engagement individuel sur la tâche dans le cadre de ce dispositif sont possibles à atteindre avec les moyens actuellement attribués à l’école primaire, notamment dans les zones où la difficulté scolaire est concentrée. Les postes supplémentaires (avec le dispositif « plus de maîtres que de classes » principalement), la rationalisation de l’affectation des intervenants dans les écoles dans le contexte de la réforme du temps scolaire et les activités pédagogiques complémentaires peuvent permettre, si cela fait l’objet d’un véritable projet pédagogique ciblé sur des élèves les plus fragiles et sur des compétences précises, d’optimiser le temps d’enseignement pour répondre aux besoins des élèves les plus nécessiteux. Bien sûr, tout cela relève d’un choix de politique éducative… Les expérimentations menées actuellement sur de larges échantillons d’élèves et sur plusieurs années tendent à montrer qu’il est possible de relever le défi de l’échec scolaire précoce en optimisant le temps d’apprentissage des jeunes élèves ».
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