Par Serge Pouts-Lajus
L’académie de Paris avait choisi le B2I comme thème fédérateur de sa participation à Intertice. Au cours de la table ronde, deux inspecteurs, l’un, Jean-François Giannecchini de l’enseignement primaire, et l’autre, Pierre Barrié de l’enseignement secondaire, se sont employés de façon très convaincante à établir des liens entre les compétences du B2I et celles du socle commun. Ils nous ont dirigé l’un et l’autre vers deux enseignantes pour évoquer avec elles les conditions pratiques dans lesquelles le B2I est aujourd’hui mis en œuvre dans les classes : l’une enseigne au niveau primaire dans une classe d’intégration scolaire, l’autre au lycée.
Des enfants en situation de handicap face au B2i
Florence a, depuis trois ans, la responsabilité d’un groupe de 12 élèves de 10 et 11 ans en situation de handicap mental important, dans une classe dite CLIS (classe d’intégration scolaire) d’une école parisienne du 20e arrondissement classée en ZEP. Les enfants sont tous suivis en centre de soin (CMPP, hôpital de jour, CATTP, CAPP, CMP, ITEP) et pour certains leur temps de présence en classe peut être équivalent à un mi-temps ou même un quart temps. Certains d’entre eux sont intégrés dans des classes ordinaires de l’école pour des séquences courtes, par exemple en EPS ou en apprentissage de la lecture en CP. L’enseignante consacre beaucoup de temps à la concertation avec les familles et les unités de soin. En classe, elle est assistée par une auxiliaire de vie.
La classe est bien équipée en postes informatiques (3 PC de bureau et 3 PC portables) et dispose également d’un TNI (tableau numérique interactif) ainsi que d’un vidéoprojecteur mais pas d’accès Internet. Les élèves ont tous un ordinateur chez eux mais qu’ils n’utilisent que pour le jeu. A l’école au contraire, les ordinateurs ne servent qu’à travailler, soit sur des exercices interactifs soit, le plus souvent, pour un travail d’écriture. Les élèves savent tous se servir d’un traitement de texte : saisir un texte, l’enrichir, le mettre en page, l’imprimer. Cette année, la classe travaille sur le thème du Moyen âge et sur les monuments de Paris. Elle entretient également une correspondance par courrier électronique avec une école du Mali.
Une fois par semaine le groupe se rend pour une heure en salle informatique. C’est le moment où chaque enfant peut travailler sur un poste en autonomie. C’est aussi celui où se préparent et se valident les compétences du B2I. Florence a été contrainte d’adapter à la fois certaines formulations du référentiel et certaines modalités de validation. Elle est par exemple obligée de reformuler les compétences du groupe 2, « adopter une attitude responsable », que ces enfants ne peuvent pas comprendre et qu’elle doit traduire en termes opérationnels. Pour valider une compétence, elle demande à chaque élève de montrer par une action qu’il « sait le faire » ; lorsque la compétence est suffisamment maîtrisée, l’enfant la coche et il signe. Environ un tiers des compétences du B2I sont actuellement certifiées pour la plupart des élèves et Florence espère aboutir à une validation complète du brevet, pour certains élèves, avant la fin de l’année prochaine.
Le B2I dans les lycées parisiens : pas facile…
Le B2I au niveau du lycée n’est mis en œuvre que depuis cette année, à titre expérimental. Les connaissances et capacités exigibles pour ce brevet de niveau 2 ont été définies dans un arrêté publié au Bulletin officiel du 14 juin 2006. Elles reprennent en les approfondissant ou en les élargissant les 5 domaines de compétences du B2I niveau collège : s’approprier un environnement informatique de travail ; adopter une attitude responsable ; créer, produire, traiter, exploiter des données ; s’informer se documenter ; communiquer, échanger. Pour la mise en œuvre du brevet, les principes fondateurs sont également maintenus : intégration dans les enseignements disciplinaires et co-évaluation des compétences acquises par l’élève et par un enseignant que ce dernier valide à la demande éventuelle, mais souhaitée, de l’élève.
Dans les collèges, les professeurs de technologie s’impliquent bien davantage dans la validation de compétences que leurs collègues d’autres disciplines. C’est un avantage pratique mais aussi un inconvénient relativement à l’exigence de certification pluridisciplinaire. Cette possibilité n’existant pas au lycée, ce sont les professeurs des disciplines dites générales qui doivent s’engager. Pour prendre la mesure des difficultés auxquelles le B2I lycée sera confronté, nous avons interrogé Claire, professeur de mathématiques au lycée Buffon, l’un des 10 lycées parisiens en expérimentation cette année.
Le choix a été fait au début de l’année scolaire de travailler avec des enseignants volontaires de classes de seconde et de première où le contexte est favorable à la mise au point des compétences et à leur exploitation en situation, par exemple dans le cadre des travaux personnels encadrés. Seulement huit professeurs de maths, physique, sciences économiques et langues ont répondu à l’invitation. Dans la plupart des classes, une seule discipline était représentée ; mais le B2I pouvant être acquis sur 3 ans, on peut imaginer que des compétences soient par exemple certifiées en mathématiques en seconde et d’autres en langues l’année suivante.
Les raisons invoquées par les enseignants qui ne se portent pas volontaires sont diverses. Certains se jugent insuffisamment compétents ; ils peuvent se sentir à l’aise sur leur ordinateur personnel pour produire des documents de cours mais beaucoup moins avec les machines en réseau de la salle informatique. D’autres, les plus nombreux, craignent de manquer de temps pour valider des compétences s’ils veulent venir à bout du programme. Quelques-uns enfin ne souhaitent pas valider des compétences qui ne découlent pas de leur enseignement. Enfin, les décisions prises par le ministère sur les obligations de service en lycée n’ont évidemment pas encouragé les professeurs à s’engager dans des tâches supplémentaires non rémunérées.
Dans ces circonstances, Claire a choisi d’être pragmatique et d’accepter certaines dérogations aux règles de mise en œuvre du B2I. Ainsi par exemple, les élèves n’ont pas déclaré eux-mêmes les compétences qu’ils estimaient maitriser. C’est le professeur qui en a décidé après une ou plusieurs séances de travail en salle informatique. Claire s’est même chargée d’enregistrer les compétences acquises dans la base de données académique (GIBII). En fin de 2e trimestre, tous les élèves d’une classe de seconde ont eu 4 items de compétences validés, dans une autre, 2 items seulement. Un professeur d’allemand a validé les compétences relatives à la recherche sur Internet dans le cadre de la préparation d’un voyage scolaire.
Si les enseignants ne semblent donc pas se précipiter avec enthousiasme sur le B2I, qu’en est-il des élèves ? « Pour que les élèves s’intéressent vraiment au B2I, il faudrait qu’il soit reconnu au niveau du baccalauréat » reconnaît Claire. Bientôt peut-être ?
Le référentiel du B2I-école
http://www.educnet.education.fr/dossier/b2ic2i/refb2iecole.htm
Le référentiel du B2I-lycée
http://www.educnet.education.fr/dossier/b2ic2i/refb2ilycee.htm