Pouvez-vous vous présenter et préciser le projet ?
Je suis enseignante en CM2, et ai initié ce projet avec quatre collègues. Nous couvrons actuellement les niveaux du CP à la classe de 3ème, avec l’objectif d’inclure à court terme les niveaux de la maternelle à la terminale. Cette généralisation s’effectue en partie grâce à une formation organisée en interne pour tous les personnels intéressés par cette éducation. L’implantation de ce projet a permis de souder l’équipe, de créer de nouveaux liens. L’espoir d’installer du bien-être au sein de l’équipe enseignante, de celle de l’administration fait aussi partie de nos ambitions.
Peut-on définir l’éducation émotionnelle ?
On pourrait la résumer en parlant de compétences intrapersonnelles et interpersonnelles. Les premières concernent sa propre compréhension émotionnelle, l’estime de soi, la motivation, la connaissance de soi. C’est la partie introspective, pour accéder à une harmonie avec soi, et un rapport pacifié avec autrui. Pour les compétences interpersonnelles, on y inclut la résolution de conflits, et l’approfondissement de la notion d’empathie : qu’est-ce que c’est, comment le devenir ?
Et pour le contenu des interventions ?
En maternelle on mettra en place des rituels pour identifier une émotion, la réguler. Par exemple, des gobelets de couleurs choisies en fonction de l’émotion (colère, tristesse, peur, surprise, dégoût, joie…) sont disposés dans un espace retiré de la classe. Le jeune y dépose un objet (ici des petits coquillages), indiquant l’émotion ou les émotions ressenties. Ce moment est personnel, le jeune qualifie ses émotions à l’abri du regard des autres.
Pour les CM2, qui identifient mieux les émotions, et leur régulation, on recherche le besoin à satisfaire qui se cache derrière cette émotion, pour résoudre ses conflits. On parvient ici à déceler les émotions primaires cachées par des émotions secondaires (débordantes) : la colère cache la tristesse par exemple.
Le dispositif pédagogique consiste aussi à se questionner sur ce que n’est pas l’empathie. On travaille sur le film d’animation Vice-Versa, où cinq drôles de personnages : joie, tristesse, colère, peur et dégoût, évoluent, pour répondre à cette question.
Autre procédé : « L’ami invisible ». Un élève tire au sort le nom d’un camarade qu’il garde secret, et qu’il va discrètement suivre pendant un temps donné, pour essayer de le connaitre mieux, le comprendre et découvrir comment il pourrait éventuellement lui venir en aide. Jusqu’à parfois se demander : Qui était mon aimable invisible pendant cette période ?
Ce que nous observons souvent, à tous les niveaux, c’est cette nécessité de déposer le matin ce bagage, ce trop-plein émotionnel qui empêche de s’investir sereinement dans les apprentissages.
Et l’avenir ?
Nous observons que le climat scolaire s’améliore si un suivi est mis en place sur plusieurs années, sans rien lâcher ! Nous étions cinq formatrices au départ du projet, nous sommes dix-sept aujourd’hui. Un drive est proposé pour échanger les pistes suivies par chacun(e). Pour le secondaire, la bonne volonté des enseignants est sollicitée. Les heures de vie de classe sont souvent propices aux interventions des personnels vie scolaire formés. Les parents sont informés grâce à la page Web dédiée. Une association de parents d’élèves nous sollicite pour former les parents à ce concept. Un projet en construction et en perpétuel renouvellement donc…
Propos recueillis par Jean-François Liaudois et Marie Soulié
Page web Education émotionnelle du Lycée Molière
