Le défi de l’Ecole
Pour le Cnesco, les enjeux et les défis de l’Ecole sont nombreux : « il ne s’agit plus uniquement de transmettre des savoirs académiques, mais aussi de favoriser le développement de compétences psychosociales, de former des citoyens et écocitoyens engagés, de préparer à l’insertion professionnelle dans un environnement en constante évolution, et de cultiver un esprit critique sur des enjeux sociétaux majeurs, tels que l’éducation à l’information ou au développement durable. Par ailleurs, l’essor des technologies numériques, des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle transforme la façon dont les individus accèdent à l’information et apprennent, posant ainsi de nouveaux défis pour le système éducatif. »
Une forme scolaire qui résiste
Pour le Cnesco, « la forme scolaire et les savoirs scolaires traditionnels, organisés en disciplines, résistent, alors que le monde n’est pas disciplinaire ». Cette résistance s’opère car les autres dispositifs relevant des « éducation à » sont jugés comme des « alternatives récréatives », moins légitimes que les traditionnels savoirs disciplinaires. Il souligne aussi que ces dispositifs transdisciplinaires sont difficiles à évaluer et difficiles à mettre en œuvre dans un système éducatif disciplinaire.
Un système éducatif inégalitaire
Or, la forme scolaire actuelle est inégalitaire, elle favorise les enfants de milieu favorisé, comme le montrent différentes études. Le rapport du Cnesco relève que « l’émergence de nouveaux savoirs scolaires sous la forme d’éducation à » sont « moins valorisées pour la réussite scolaire et les évaluations ». Or, la conférence de consensus met en lumière que « les savoirs scolaires coexistent avec les savoirs intuitifs » des élèves, pourtant jugées de manière négative. « Les pratiques des élèves en dehors de l’école sont désormais connues, sans être reconnues à l’école » relève le Cnesco. Les chercheurs invitent l’école à prendre en compte les savoirs et compétences des élèves et à les considérer comme des leviers.
Des focus sur trois enjeux contemporains : l’éducation au développement durable, le numérique, les compétences psychosociales
2 élèves sur 3 estiment que l’École donne peu l’occasion d’étudier comment protéger la planète
Les élèves français sont sensibles aux questions environnementales, plus que la moyenne des élèves de l’OCDE. Pour 82 % d’entre eux, le changement climatique représente une menace environnementale (moyenne ICCS : 68 %) (ICCS – Depp 2023). Deux tiers d’entre eux estiment toutefois que l’École leur donne peu l’occasion d’étudier comment protéger l’environnement (contre 81 en moyenne, soit 15 points d’écart).
Le numérique : les professeurs se sentent insuffisamment préparés à l’utilisation des TICE
Les enquêtes nationales et internationales montrent la difficulté de l’École française à prendre en compte les enjeux contemporains. Selon une enquête de la Depp de 2023, 64% des élèves ont une maitrise satisfaisante des compétences numériques. Par rapport aux élèves des autres pays enquêtés, les élèves français affirment moins apprendre à réaliser des tâches comme « évaluer la fiabilité des informations sur internet », « inclure des références précises à des sources internet » ou « gérer les paramètres de confidentialité des comptes internet et des appareils TIC » au collège (France : 45 pts ; UE : 50 pts) et en dehors du collège (France : 48 pts ; UE : 50 pts) (Icils – Depp 2023). Les résultats des élèves français sont dans la moyenne, mais des écarts selon les milieux sociaux sont notables, comme en littératie numérique.
Seulement 9 % des enseignants du collège et 16 % des enseignants du primaire déclarent se sentir suffisamment préparés à l’utilisation des TIC pour l’enseignement (Talis 2018). Les nouveaux outils numériques posent des défis et « les interventions pédagogiques visant à développer l’esprit critique des élèves sont essentielles » pour le Cnesco.
Peu de tâches qui obligent les élèves à développer leur esprit critique
Moins d’un tiers des enseignants du primaire (29 %) et la moitié des enseignants du collège déclarent « donner souvent ou toujours des tâches obligeant les élèves à développer leur esprit critique ». Le développement de l’esprit critique est pourtant un enjeu majeur que l’École doit prendre en compte et développer.
1 enseignant sur 4 estime être bien préparé à l’enseignement des compétences transversales
Pour le Cnesco, « les capacités transversales des enfants sont des leviers d’apprentissage et de bien-être ». Le rapport souligne que les effets sont plus importants quand elles sont développées chez les enseignants. « Les capacités transversales, peu visibles à l’École, sont des leviers pour réduire les inégalités ou participer au bien-être. La bienveillance des enseignants et des équipes éducatives contribue au développement des capacités transversales des élèves. Les capacités transversales des jeunes influencent leurs parcours scolaires (expériences extrascolaires, aspirations, orientation). »
Si les résultats des élèves sont proches de la moyenne des élèves de l’OCDE, seulement un quart des enseignants du primaire comme du collège estime être bien préparés à l’enseignement des capacités transversales. C’est deux fois moins que pour leurs homologues de l’OCDE.
Des recommandations : « La recherche invite l’École à faire avec ce que sont et ce que font les élèves »
« La recherche invite l’École à faire avec ce que sont et ce que font les élèves » lit-on dans le rapport. Le manque ou l’absence de continuité éducative dans les différents contextes en France renforce les inégalités scolaires. « En France, le manque de continuité éducative entrave l’intégration des nouveaux savoirs et des nouvelles compétences à l’École » juge le rapport du Cnesco, rappelant que c’est un facteur à l’origine des écarts et inégalités scolaires. Cette volonté existe pourtant depuis une dizaine d’années, dans les PEDT, les cités éducatives par exemple. Pour le Cnesco, il faut favoriser les collaborations entre les différents acteurs éducatifs sur tous les temps (scolaires, périscolaires, extrascolaire) sans oublier la relation aux familles, inscrite dans la loi de la refondation de l’École de la République depuis 2013.
Un vaste chantier pour l’École française, de l’ordre d’un renversement idéologique, culturel et systémique.
Djéhanne Gani
Pour recevoir notre newsletter chaque jour, gratuitement, cliquez ici.
