Est-ce que l’AESH peut seconder l’enseignant.e dans la gestion du groupe classe ?

Frédéric Grimaud relate des entretiens de professeur.es des écoles, qui parlent de leur métier, de l’organisation de leur travail, et de tous les choix auxquels le quotidien de la classe les confronte. Chaque semaine, retrouvez deux d’entre eux et d’entre elles qui expriment un point de vue différent sur la manière de faire leur métier. Valérie est une enseignante de CM1 peu expérimentée en poste dans une REP+ où elle est aux prises avec des difficultés liées au cadre. Dans les vidéos que nous avons de Valérie en classe, nous voyons un groupe d’enfants perturbateurs qui n’ont de cesse contrarier l’activité de l’enseignante. Valérie scolarise également L, une élève en situation de handicap sensori-moteur, accompagnée d’une AESH. Nadine visionne le film de Valérie en activité et finit par lui prodiguer un conseil.

 

Nadine : Alors tu vois, les 3 élèves là qui n’écoutent rien, au final c’est eux qui perturbent la classe. Ils se lèvent, t’interrompent sans cesse et passent leur temps à rigoler. C’est vrai que c’est difficile de faire classe dans ces conditions. Pourtant tout le reste c’est nickel sur la vidéo, et on voit que plein d’autres élèves sont intéressés par la séance mais eux là, ils perturbent vraiment la classe. Je ne dis pas que c’est les seuls, je vois bien que l’ensemble de la classe est difficile, ce n’est pas pour rien que M.P est en REP hein aussi. Mais la bande de 3 ou 4 là ils font vraiment pis que pendre. Moi je serais dans ta classe, je profiterais de l’AESH de L pour gérer les 3 garçons là (sur la vidéo). L est en fauteuil mais elle suit quand même bien il me semble.

Alors de mettre les élèves perturbateurs à côté de l’AESH, ça peut les canaliser. Parce que l’AESH, même si elle est notifiée pour L et c’est normal qu’elle l’aide en premier, quand les autres vont se lever ou crier, elle va le leur dire. Et même le simple fait d’être à côté d’un adulte ça n’incite pas à faire n’importe quoi. En plus, je me dis que pour la petite aussi ça peut lui faire du bien si elle n’a pas l’AESH tout le temps sur elle. C’est une AESH à temps complet ?

« Je ne sais pas si j’assumerais de me servir d’une AESH pour gérer la classe »

Valérie : Oui elle est là 24 heures mais ce n’est pas pour rien. L est en fauteuil déjà donc faut l’assister pour beaucoup de tâches, mais aussi elle y voit mal et elle entend mal. Alors l’AESH elle est indispensable pour L. Je suis d’accord avec toi que si l’AESH pouvait aussi un petit peu gérer R et A, ce serait pas mal car vraiment y’en a j’en peux plus. J’en peux plus quoi. Alors là (sur la vidéo) je ne dis rien car sinon je m’énerve pour rien et les autres enfants aussi ils en pâtissent quand je m’énerve. Mais vraiment cette année je suis à bout j’en peux vraiment plus.

Avec certains, on n’est même pas dans les apprentissages et ils ne font parfois presque rien de la journée comme travail. C’est sûr que à côté de l’AESH peut-être … je ne sais pas. D’abord je ne sais pas si j’ai le droit. Et ni ce qu’en penseraient les parents si je leur disais que l’AESH de L elle me sert aussi à … enfin je sais pas. Même l’AESH je ne sais pas ce qu’elle dirait. Mais même si tout le monde est OK, moi je ne sais pas si j’assumerais de me servir d’une AESH pour gérer la classe. En même temps je suis tellement à bout cette année que je sais pas.

Le mot du chercheur : l’ AESH peut-elle être dévolue dans la classe à la gestion d’élèves qui ne lui sont pas assignés ? C’est un bricolage, que nous qualifions de catachrèse, qui revient souvent dans nos recherches. Cela reste un dilemme difficile à trancher, entre la prescription descendante, les échanges au sein de l’équipe de suivi et les préoccupations de l’enseignant·e, les avis divergent selon les écoles, selon les sujets.

Dans cet extrait, on sent Valérie très hésitante devant le conseil de sa collègue. Plus tard dans l’année, elle discutera avec l’AESH qui finira par se donner la tâche de seconder l’enseignante dans la gestion du groupe classe, ce qui ne sera pas sans soulever d’autres problématiques.

 

Frédéric Grimaud

 

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