Vendredi 13 décembre, François Bayrou (Modem) succède donc à Michel Barnier (LR). Michel Barnier est resté à Matignon 90 jours. La nomination d’un ancien ministre de l’Éducation nationale peut-elle susciter un espoir pour l’École qui traverse une période de crises profondes ?
Rien n’est moins sûr, François Bayrou est un fidèle d’Emmanuel Macron. Et le président Macron considère l’éducation comme son domaine réservé. Le soutien de la première heure du président Macon contredira-t-il la politique éducative mise en place depuis 2017 ? En février 2024, il avait refusé d’entrer au gouvernement de Gabriel Attal dont il disait ne pas pouvoir « mettre en œuvre cette politique », celle du choc des savoirs et des groupes de niveau. Il s’est dit « persuadé qu’on peut redresser l’Education nationale », précisant la méthode et la volonté politique « de faire ça avec les enseignants ». Si François Bayrou persévère sur cette méthode et dans cette critique, ce sera une première depuis 2017, première qui devrait être bien accueillie par le monde de l’éducation. Toutefois, la question se pose : l’ancien ministre de l’Education nationale reprendra-t-il ses chevaux de bataille compatibles avec la vision macroniste ?
François Bayrou, ministre de l’Éducation (1993-1997)
Nommé par Edouard Balladur Ministre de l’Education nationale à l’âge de 42 ans, François Bayrou est resté rue de Grenelle de 1993 à 1997. Le professeur de lettres, agrégé de lettres classiques, a enseigné 6 ans. En 1993, il souhaitait supprimer la carte scolaire et donner le libre choix aux familles. Une vidéo de l’INA résume les projets du ministre Bayrou, en adéquation avec le projet du président Emmanuel Macron, 20 ans plus tard : l’attachement aux fondamentaux lire, écrire, compter, l’autonomie aux régions, la régionalisation des lycées professionnels et de l’apprentissage, la rémunération des professeurs au mérite.
De ces quatre années passées au ministère, le fait le plus marquant a été la plus grande manifestation nationale de défense de l’Ecole publique et laïque quand le ministre Bayrou a voulu réformer la loi Falloux et déplafonner les subventions des collectivités territoriales pour les établissements d’enseignement privé sous contrat. Cette initiative a été censurée par le Conseil constitutionnel. Enfin, le ministre Bayrou avait supprimé des postes de professeurs, 5000 en 1997.
45 ans d’expérience politique
L’expérience de l’élu de 73 ans est celle d’un homme politique, il a très peu enseigné, il a eu différents mandats depuis 1982, après avoir été cabinet du ministre Pierre Méhaignerie en 1979.
François Bayrou a été trois fois candidat à l’élection présidentielle, ministre, député européen, député à l’Assemblée nationale, maire de Pau. En 2020 Il a été nommé par le président Macron haut-commissaire au Plan. Il a été mis en examen dans un dossier d’assistants parlementaires pour complicité de détournement de fonds publics, et relaxé « au bénéfice du doute ».
Le Premier ministre François Bayrou a été nommé pour former un gouvernement et négocier avec toutes les forces politiques. Le sujet de l’École est un sujet de discorde entre la gauche et la droite, trouver un compromis, tant le rejet de la politique menée est unanime, semble impossible. Dès lors, le choix du ou de la 6ème ministre de l’Éducation nationale en 2 ans indiquera si c’est (encore) la continuité dans le changement, un énième nom sans modification de cap Rue de Grenelle. Si le ministre de l’Éducation nationale Bayrou de 1993 était compatible avec le président Macron et la politique éducative menée, le maire de Pau en 2024 laisse un espoir à la communauté éducative d’abandonner une réforme – ou certaines de ses mesures- massivement rejetée.
Djéhanne Gani