Un collectif de douze associations 1 agissant dans le champ du handicap et de la scolarisation s’adresse aux enseignants et aux personnels de l’Éducation Nationale. « Ma place c’est en classe », tel est le nom de ce large regroupement associatif défendant l’école inclusive et le droit pour tous les enfants en situation de handicap d’être scolarisés dans de bonnes conditions. Une enquête commanditée par ces associations relève que 93% des enseignants considèrent que la scolarisation des enfants en situation de handicap est un droit qui doit s’inscrire, pour 97% d’entre eux, dans une démarche collective 2.
Les difficultés de l’absence de moyens, de formation
Cette proposition en faveur d’une école pour tous n’occulte pas l’augmentation de la charge de travail induite pour les personnels mais un changement d’échelle et de paradigme.
L’absence de moyens mis à disposition des enseignants tant en terme d’effectifs dans les classes que de moyens matériels facilitant l’accès et l’intégration des élèves en situation de handicap, l’absence de formation et de la valorisation de la recherche dans ce domaine, le recours quasi systématique aux AESH en lieu et place de dispositifs adaptés, alors qu’ailleurs ils font défaut, et la précarité de leur situation professionnelle, rendent l’objectif de l’école inclusive, pourtant affiché par la loi, difficilement atteignable et peuvent générer conflits et incompréhensions entre les différents acteurs du système éducatif.
Dans une lettre ouverte 3 aux enseignants et aux personnels de l’EN, le collectif « Ma place, c’est en classe », s’en émeut :« nous ne méconnaissons pas les difficultés auxquelles vous êtes confrontés : nous savons que vous faites un métier difficile, en témoignent les problèmes de recrutement, les injonctions, les modifications de programme, l’absence de formation continue, les effectifs chargés et le remplacement pas toujours assuré. Nous savons aussi l’inadaptation de l’École à prendre en compte la diversité des élèves, écartelée entre le dogme de la sélection des élites et l’idéal de la réussite pour tous, entre le tri des élèves et le maintien d’une mixité sociale. »
Une mise en œuvre difficile
L’Education nationale n’a en fait jamais vraiment pris ses responsabilités pour la scolarisation des enfants « différents ». Elle s’est longtemps déchargée dans ce domaine sur le secteur associatif, créant ainsi deux systèmes parallèles, cloisonnés. Cette réalité n’offre que peu d’alternative à des familles déboussolées, subissant un véritable parcours du combattant pour offrir à leur enfant des conditions dignes d’accueil et de scolarisation, sur la base de l’égalité des droits avec les autres enfants.
Si le concept d’école pour tous s’est imposé dans le débat public, et est désormais inscrit dans le Code de l’Éducation, sa mise en oeuvre reste donc problématique voire impossible et nombre de familles devant les conditions d’études de leur enfant vivent une contradiction insupportable. L’école inclusive ne doit pas être un moyen de faire des économies sur le dos des élèves au prétexte qu’elle coûterait moins cher qu’un établissement médico-social « qui ne doit plus être considéré comme une alternative pour les élèves dont l’école ne veut plus, mais comme un dispositif au plus près des établissements scolaires, en capacité d’apporter les accompagnements éducatifs et les soins nécessaires, les ressources et les conseils au service de la réussite des élèves. »
Ne pas se tromper de cible
Pour ce Collectif « Cette école inclusive nécessite en effet un changement de paradigme et repose sur une conception des apprentissages qui demande à être repensée ». Des apprentissages qui multiplieraient les formes d’entrée dans les savoirs et proposeraient différents chemins pour y parvenir.
« Il s’agit aussi de mettre en oeuvre collectivement de nouvelles formes d’organisations du travail, basées sur la coopération entre corps de métiers différents, complémentaires devant maintenant apprendre à travailler ensemble. Pour cela, la formation nous parait être un des leviers essentiels, en complément de mesures structurelles (reconnaissance de la charge de travail, effectifs…). »
Contactée par nos soins, l’Association Française des Enseignants Référents, par l’intermédiaire de son président Quentin Cohuau réagit à cette proposition du collectif : « Une chose est certaine, la scolarisation des élèves en situation de handicap concerne l’ensemble de la société. L’école inclusive ne peut pas reposer uniquement sur les enseignants spécialisés, ni même sur les enseignants en général. Les psychologues scolaires, les médecins scolaires, les bénévoles et salariés des associations qui gèrent les établissements spécialisés, les AESH, les personnels des structures hospitalières, les personnels de direction… doivent être considérés comme des rouages essentiels pour favoriser la scolarisation des élèves en situation de handicap. Or à ce jour, de nombreux grains de sable grippent la dynamique de progrès pour le parcours de ces élèves. Ils sont trop souvent les premières victimes des ajustements budgétaires, des réformes. Fermetures de places et lits à l’hôpital, suppressions de postes, non remplacement des départs à la retraite des médecins scolaires, empilement des dispositifs, augmentation exponentielle de la charge de travail des enseignants spécialisés et manque criant de formation de tous les personnels […]. L’école inclusive et la scolarisation des élèves en situation de handicap ne doivent pas être des questions qui se posent mais une idée qui s’impose à nous comme une évidence, ce que confirme l’enquête du collectif. À l’aube des 20 ans de la loi de 2005, il est temps de nous donner les moyens de mieux mettre en œuvre tous ensemble cette politique et tendre collectivement vers une scolarisation harmonieuse de tous les élèves. »
Dans une période politique où les restrictions budgétaires, les suppressions de postes et le développement de la précarité semblent être l’alpha et l’omega du Gouvernement et du Ministère, l’école inclusive a besoin de cette convergence entre enseignants, personnels de l’éducation nationale, parents d’élèves, représentants du secteur associatif pour arriver à faire vivre cet idéal et cette nécessité d’une école de la réussite pour toutes et tous.
Alain Barlatier
Notes :
1 : Les associations membres du Collectif « Ma place c’est en classe » :
ANPEA , APF France handicap, ASEI, Droit au savoir, GAPAS, FCPE, FISAF, FNASEPH, FG PEP Fédération PEEP Trisomie 21 France, UNANIMES
contact : scolarisation@trisomie21-france.org
2 : L’enquête IFOP a été réalisée au mois de juin 2024 auprès d’un échantillon de 601 enseignants, représentatif du corps enseignant de l’école maternelle au lycée et de 1043 parents d’élèves scolarisés de la maternelle au lycée.
Les résultats complets sont accessibles en cliquant ICI
3 : Pour lire la lettre ouverte aux personnels de l’Éducation Nationale, c’est ICI