Alors que révèlent les résultats des évaluations nationales standardisées menées tambour battant par le ministère malgré les réserves et critiques des syndicats et personnels ? Les élèves de 6e, 4e, 2nde et première année de CAP ont passé en septembre des évaluations nationales standardisées en français et mathématiques. Et en résumé : stabilité, recul, inquiétude pour les résultats de français. Et sans aucun doute ces résultats devraient justifier « les mesures fortes » du ministère avec l’acte II de la réforme du Choc des savoirs.
Des évaluations nationales standardisées pour (presque) toutes et tous les élèves
Comme tous les élèves du 1er degré du CP au CM2, les collégiens de 6eme et de 4e, ainsi que les élèves de 2nde et de 1er année de CAP ont passé des évaluations nationales en septembre. Elles se sont déroulées sur support numérique, ce qui peut représenter une difficulté supplémentaire pour certains élèves. Le ministère de l’Éducation nationale a présenté jeudi 7 novembre le bilan des évaluations nationales standardisées au collège et au lycée.
Évaluer en français : la fluence, la compréhension, l’étude de la langue
En français, les élèves sont évalués en fluence, en compréhension de l’écrit et de l’oral et en étude de la langue. Le processus d’expérimentation pour comparer est lié aux items. Les items des exercices sont testés l’année précédente pour mesurer les résultats d’une même épreuve. En français, 50 des 60 items de 2024 sont des reprises de 2023. Les items ont changé uniquement pour la compréhension de l’écrit. L’entrainement à des items peut jouer un rôle sur du long terme sur les résultats et leur amélioration. Le test de fluence a lieu depuis 2020 et est entrainé dès le cycle 2. Il s’agit d’un texte documentaire composé de 210 mots. La compréhension de l’écrit d’un texte littéraire (d’Ovide cette année) consiste à un repérage d’information explicites, identification du sens général, de l’intention.
Mesurer, classer dans des groupes
Des items pour classer : La Depp décrit la méthode, « chaque item dispose de trois attributs : le domaine évalué, la compétence principalement mobilisée et le niveau de maitrise ». Selon les résultats, les élèves sont répartis dans un « groupe à besoin » pour un accompagnement ciblé sur les compétences non-acquises, un « groupe fragile » pour renforcer les savoirs et compétences, et enfin « un groupe satisfaisant ».
Les résultats en 6ème
Les élèves de 6ème passent l’évaluation standardisée depuis 2017. Les résultats sont stables par rapport à l’année dernière mais en hausse depuis 2017. Ainsi, le ministère « souligne que la part des élèves dans les groupes de performances les plus faibles a augmenté » de 26,9 à 31,7% depuis 2017. La part des élèves de REP+ du groupe de performance le plus faible a baissé de 8 points. « On note qu’en sixième, moins d’un élève sur deux a un niveau satisfaisant en compréhension de l’écrit », explique le ministère. L’écart filles-garçons se réduit par la hausse de performance des garçons.
Une hausse mais des résultats scolaires qui soulignent les inégalités sociales
Dans tous les domaines, il y a plus d’élèves situés dans le « groupe satisfaisant » dans les collèges hors REP. L’écart est marqué dans le domaine du lexique. La part des élèves scolarisés dans un établissement privé sous contrat dans le « groupe satisfaisant » est plus importante dans tous les domaines. Les résultats montrent les écarts de réussite selon le profil social de l’établissement.
Un écart de réussite marqué par le profil social de l’établissement
- entre éducation prioritaire et hors éducation prioritaire
En fluence, les écarts sont très marqués par les secteurs de scolarisation : 70,7% des élèves scolarisés dans un collège privé sous contrat atteint le seuil de 120 mots contre 43,3% en REP+, soit une hausse de 3 points par rapport à 2023. On observe aussi une baisse de 2,3 points avec 28,9% des élèves en REP+ qui n’atteignent pas à lire 90 mots par minute.
Selon le rapport de la Depp, « dans les établissements de REP, 41,9 % des collégiens appartiennent aux groupes les moins performants, soit 15,8 points de plus que ceux scolarisés dans le secteur public hors éducation prioritaire ». L’écart de points entre les établissements favorisés et défavorisés est important : « dans les collèges les plus favorisés socialement, le score moyen à la rentrée 2024 est de 279 points, soit 46 points de plus que dans les collèges les moins favorisés. De même, 44,9 % des élèves des collèges les moins favorisés appartiennent aux groupes les moins performants, contre 12,9 % des élèves des collèges les plus favorisés ».
- Et le secteur privé
Depuis 2017, on observe une hausse des résultats dans les collèges d’éducation prioritaire, comme dans ceux du secteur privé, soit dans les établissements les plus favorisés comme les moins favorisés : « Entre 2017 et 2024, la hausse générale des scores moyens des élèves est plus prononcée dans les établissements publics appartenant à un REP+ et ceux du secteur privé sous contrat. Le score moyen des élèves scolarisés en REP+ en 2024 est supérieur de 9 points à celui observé en 2017, et de 8 points chez les élèves des établissements du secteur privé sous contrat. » Les écarts sont donc toujours très marqués selon le profil social de l’établissement
Au-delà des résultats des évaluations : des inégalités sociales et de genre
Les élèves de 6 ème pouvaient répondre à une question facultative sur leur sentiment d’ « être prêts pour réussir cette année ». Si les ¾ s’estiment d’accord, les réponses montrent une confiance en soi plus importante dans les collèges du secteur privé. Les filles se disent moins confiantes (72,4 contre 79,5%).
Un recul en 4ème
Les élèves de 4ème passent pour la deuxième année ces évaluations nationales. Les résultats sont en recul, la part des élèves dans les groupes performants recule de 2,5 points : elle passe à 29%. La part des élèves augmente de 2,2 points dans les groupes les moins performants et passe à 34,2 points. L’écart est un peu plus fort chez les garçons. Cette génération d’élèves en 4ème étaient en CM1 durant le confinement. En 2023 déjà, le ministre Attal avait jugé les résultats en 4e « inquiétants ».
En Seconde : un recul entre 2021 et 2024
Les élèves de 2nde passent les évaluations depuis 2018. Les résultats sont en recul entre 2021 et 2014. Le taux des élèves dans les groupes les moins performants a augmenté de 3 points, et passe à 15,7% pour la voie générale et de 5 points dans la voie professionnelle, pour atteindre 63,7%. Par rapport à 2019, les résultats sont supérieurs dans les voies générales et professionnelles.
Des écarts voie professionnelle – voie générale
En français, 16 % des élèves de la voie générale ont un niveau faible, contre 64 % dans la voie professionnelle. En première année de CAP, en 2024, 20,9 % des élèves présentent une compréhension satisfaisante et 16,9 % des élèves présentent une maîtrise insuffisante des compétences élémentaires.
Les évaluations standardisées sont rejetées et jugées inutiles par la moitié des enseignants. Et que révèlent-elles ? la stabilité des inégalités, voire leur amplification comme le montre l’écart qui se creuse entre les voies générale et professionnelle. Pourtant, le ministère se déclare globalement satisfait de ces résultats et d’un bilan des politiques mises en œuvre depuis 2017. Ce choix de politique éducative par l’évaluation est un choix politique et non pédagogique, comme le soulignent les réserves des personnels, de leurs syndicats et de chercheurs. La réponse politique à ces résultats ne devrait pas tarder avec l’annonce imminente de l’acte 2 de la réforme du Choc des savoirs. Avant même les résultats d’un bilan de l’Acte 1. Quand la politique par l’évaluation montre là ses limites…
Djéhanne Gani
Télécharger les résultats des évaluations nationales
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