A 23 ans, Boris est l’un des plus jeunes directeurs de Gironde. Il présente au Café pédagogique son parcours et sa vision du métier, « faire de sa classe une mini-société ». Et il partagera cette année son expérience dans une chronique mensuelle.
Deux Premières : Une première rentrée comme titulaire et une première rentrée de directeur d’école
A la rentrée 2024, Boris Chiron a fait sa première rentrée de directeur d’une école maternelle de 7 classes avec 180 élèves dans une commune rurale de 10 000 habitants. Il parle du « défi » pour trouver de la légitimité, tout en évoquant le syndrome de l’usurpateur quand il arrive dans « une équipe de professeures et d’ATSEM où il n’y pas de turn-over ». A la rentrée, Boris est non seulement le seul « nouvel arrivant » de l’école : « j’arrive après une directrice de 25 ans de métier, j’ai des collègues plus âgées, qui n’avaient pas vu un homme dans l’école depuis plusieurs années, et on sait que la nouveauté est toujours difficile à appréhender, avec sa grande part d’incertitude, d’un côté comme de l’autre ».
Son parcours
Après une licence d’histoire et d’économie et un master de sciences politiques à Nantes, Boris passe le concours de professeur des écoles quand il est sur le point de finir ses études. Il n’avait alors pas d’idée précise de métier. Boris est reçu sur la liste complémentaire dans l’académie de Bordeaux et est appelé fin juillet pour enseigner en Gironde. Il effectue son année de stage en Aquitaine, aux côtés d’autres professeurs qui n’ont pas le master MEEF, « surtout des femmes de 30 ans et plus » dit-il. Il explique que « les plus jeunes font le master MEEF, puis ils sont affectés dans des écoles, parfois sans trop l’avoir demandé ». Le jeune enseignant souligne que, s’il n’a pas les connaissances théoriques des étudiants du master MEEF, ses études lui ont donné comme bagage des compétences en termes de gestion globale, utiles dans sa relation aux familles ou aux élus. Toutefois, il sait que ce qui lui manque est « l’expérience dans la relation avec les enfants ».
« Je deviens directeur car j’avais besoin de plus que l’interaction avec les élèves »
Boris est entré dans le métier en se disant : « si ça ne va pas, je pars… » et finalement, il devient directeur, avec le besoin « de plus que l’interaction avec les élèves, le besoin d’échanger avec des partenaires extérieurs ». Pour lui, ce n’est pas forcément le métier d’une vie, il dit ne se « fixer aucune barrière ». Selon lui, c’est une « philosophie partagée par beaucoup de jeunes stagiaires aujourd’hui » car « peu veulent faire une carrière dans l’Éducation nationale ». Boris poursuit : « ils voient l’énergie que ça prend, et ne se voient pas forcément le faire jusque la retraite ». Cependant, évoquant les aspects « enrichissants » du métier, il raconte avec beaucoup d’enthousiasme la découverte de la relation aux enfants : « les enfants prennent beaucoup d’énergie, mais ils t’en donnent au moins autant en retour ».
Reconnaissance des élèves et des familles
Quand Boris revient sur sa formation et sa première année, il parle très vite de son environnement de travail, de ses collègues « qui ont été des bons accompagnants » et de sa « chance avec les parents ». Il a beaucoup apprécié la découverte du métier : « Les élèves sont impressionnants, la première semaine, tu les vois chaque jour progresser ». Le jeune professeur aime le rythme et la flexibilité du métier de professeur et « de ne pas être sur le lieu de travail durant les vacances scolaires, le week-end, de pourvoir gérer son temps ». Un de ses plus beaux souvenirs est la fin de l’année scolaire, pour laquelle il ne « s’attendait pas à autant de reconnaissance ». Il poursuit : « Quand j’ai demandé aux élèves de faire le bilan de l’année et de raconter ce qu’ils ont préféré, ils ont tous répondu, « vous » ». Sans parler de la surprise des derniers jours, quand lui et sa collègue ont « reçu un cadeau de chaque parent, c’était dingue ». « Le dernier jour, les élèves ont tous écrit un mot au tableau, à 7-8 ans, et il y avait plein de je t’aime ».
Sur la formation
Lorsqu’il évoque sa formation, Boris regrette qu’un certain nombre de formateurs de l’INSPE soient des « enseignants qui n’avaient jamais mis les pieds dans une école primaire », des universitaires ou des professeurs de lycée. « La formation ne m’a pas apporté grand-chose » dit-il, insistant sur le fait qu’elle n’est « pas en phase avec les réalités du terrain ». D’ailleurs la promotion de Boris « l’a fait remonter à la direction académique ». Ils ont été reçus par la DASEN de Gironde à sa demande pour faire un bilan de l’année dispensée. Mais qu’en sera-t-il pour les cohortes suivantes ?
Le jeune enseignant s’étonne de n’avoir eu aucune formation sur la « gestion de classe », sur « ce qui a trait au comportement », parce que « pour le reste on a des manuels pédagogiques ». « On apprend comment faire des maths et du français, au cours de séances de 3h non-stop pendant lesquelles des profs se lançaient dans un monologue. Des profs qui n’appliquaient pas ce qu’on nous conseille de faire pour que l’enfant capte… ». Or, c’est essentiel dit-il « d’avoir des ressources pour certains élèves, qui peuvent notamment être violents et insultants, face auxquels on peut être démunis ». L’idéal pour lui « serait d’avoir un autre adulte dans la classe », il regrette de n’avoir « que rarement vu un collègue exercer ».
« Faire de sa classe une mini-société »
A l’avenir, le néo-directeur a envie de faire de sa classe « une mini société, avec des moments d’expression, de débats, d’élections, pour développer l’autonomie en faisant confiance à l’élève ». Développer l’aisance à l’oral des élèves permet de « développer l’esprit critique, ça donne confiance, c’est une vraie lacune en France » dit-il. « J’avais des élèves qui venaient tous les matins faire « un quoi de neuf » devant la classe pour s’exprimer. Il y a eu une vraie évolution dans la construction de l’exposé et dans l’aisance ». Pour lui, c’est la confiance envers ses élèves qui permet de développer l’autorité, le respect de l’école, du matériel, ou des autres camarades.
Il veut aussi « faire beaucoup de rencontres avec des intervenants extérieurs, c’est ce qui marque les élèves, quel que soit l’âge ». Des moments, « qui rythment la journée, les jours où l’on entend plusieurs voix, ce sont ceux que l’on retient plus longtemps. ». Pour cela, Boris Chiron a pour objectif de faire des partenariats dans de nombreux domaines, sur des métiers, des sujets de sociétés, des passions d’élèves, qui doivent devenir acteurs de leur quotidien. « L’élève est un citoyen, pas qu’un apprenant », rappelle-t-il.
« Enseigner en Petite Section, ça me fait aussi peur que d’être directeur » déclare-t-il enfin. Le Café pédagogique va suivre cette double aventure cette année !
Djéhanne Gani
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