Comment devient-on AESH ? Quelles sont les sources de satisfaction professionnelle du métier ? Vincent Marchand, AESH dans un collège en Bretagne depuis plusieurs années, nous confie sa vision du métier. « Saisir la personnalité de l’élève, l’aider à trouver sa place, leur constituer des ressources » sont les quelques défis de l’aidant. « Il faut considérer l’élève avant ses troubles ». Malgré son rôle qu’il qualifie lui-même « de subalterne » et « un salaire qui frise le seuil de pauvreté », Vincent Marchand a écrit un mémoire universitaire sur sa profession.
Comment définiriez-vous le métier d’AESH ?
L’AESH est un agent contractuel de l’Éducation nationale facilitant l’accès scolaire des élèves relevant d’une situation de handicap notifiée par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Il s’agit, de saisir dans leurs personnalités, ce qui peut constituer des ressources (cognitives, émotionnelles ou comportementales) afin de les aider à trouver leurs places d’élèves malgré le diagnostic d’un handicap. Ces enfants sont les premières victimes de leurs troubles.
Leurs difficultés d’adaptation suscitent des discriminations et celles-ci les marginalisent à l’encontre de leurs congénères. Quand ils ne répondent pas des attendus scolaires et lorsque leur condition psychique reste incomprise, ils rencontrent parfois des jugements moraux qui nuisent à leur inclusion et à l’édification de leur construction identitaire. Cette profession demande de considérer leurs agissements sans se fier aux apparences. Par exemple, un enfant qui provoque n’est pas ou pas seulement un élève qui cherche à provoquer un enseignant. Cette attitude peut provenir d’un élève qui manifeste sa souffrance de ne pas trouver sa place dans une classe, et qui plus est si cette situation perdure depuis de nombreuses années. En instaurant un dialogue avec lui, celui-ci devient capable de poser des mots concernant son vécu, et en constatant notre compréhension à son égard, il développe petit à petit une acceptation du cadre scolaire institutionnel et appréhende de mieux en mieux l’intérêt d’investir sa scolarité.
Comment êtes-vous arrivé à ce travail ? Quel est votre parcours ?
Ma scolarité a été laborieuse. A mon époque, le plus souvent les enfants rétifs à l’enseignement étaient houspillés sans susciter plus de compréhension. J’étais l’un de ceux-là. Un bac de technicien chimiste à 20 ans suivi d’un échec en 1ère année de DEUG de Biologie m’a propulsé dans la vie active avec un sentiment d’impuissance à gérer mon existence professionnelle relativement à une estime de soi particulièrement fragile. Je deviens malgré tout commercial, puis j’obtiens une licence de psychologie et un retour dans la vie professionnelle me conduit à devenir Responsable d’équipe dans un service de collecte financière rattaché à une ONG environnementale.
L’arrivée de méthodes managériales dans ce service déshumanise mon travail et amène une nouvelle remise en question professionnelle. Je souhaitais travailler dans une activité prenant soin de l’humain et qui ne porterait pas atteinte à l’environnement. Je suis ensuite embauché comme « aide à domicile ». Parmi mes usagers, une personne en situation de handicap m’envisage comme AESH. Je ne connais pas ce métier. Je me renseigne, je postule et quelques semaines plus-tard je ferais la rentrée des classes en primaire puis dans le secondaire.
En quoi être accompagnant peut-il être une source de satisfaction professionnelle ?
En tant qu’AESH, nous accueillons des élèves perclus de souffrances provenant de leurs incapacités à assimiler leurs parcours comme ceux de leurs camarades. Contribuer à ce que ces mêmes élèves progressent scolairement et puissent se projeter dans un avenir professionnel et social satisfaisant procure un enthousiasme très gratifiant. Pour ma part, j’ai le sentiment de transformer positivement ma propre histoire pour ce qui provient de mes années de « potache ».
Quelles sont les principales difficultés observées au fil des années sur la profession ?
Faut-il le rappeler, la rémunération est déplorable ! Notre salaire frise le seuil de pauvreté avec un montant d’environ 1200 euros mensuel net pour 29h de travail hebdomadaire et la plupart des AESH ne font que 24h dont la quotité d’heures leur est imposée. Nous travaillons en réalité davantage (lectures, formations, recherches d’adaptations pédagogiques, réunions avec les parents ou les professions paramédicales accompagnant nos élèves).
Nous « encaissons » toutes les émotions de ces enfants ou adolescents dont les souffrances aboutissent parfois à manifester de l’agressivité envers eux-mêmes ou envers les autres sans que nous puissions bénéficier d’une analyse des pratiques professionnelles qui permettrait de solder les émotions générées par nos accompagnements. Ces dispositifs médiatisés par des psychologues existent notamment dans les institutions où travaillent des éducateurs.
En tant que contractuel, nous sommes des subalternes. Nous n’avons aucune autorité sur ce qui constitue le pré carré de notre expertise : l’accompagnement de ces élèves aux besoins particuliers. Il est parfois délicat de formuler des demandes particulières d’adaptation relationnelle ou pédagogique concernant un enfant quand un enseignant a statutairement toute autorité sur l’enseignement prodigué dans sa classe.
Notre profession souffre souvent d’invisibilité en étant parfois omise des discours officiels énoncés dans les établissements.
Des conseils pour des personnes qui souhaitent devenir accompagnant ?
Je pense que l’une des clefs les plus déterminantes dans la réussite de cette profession est de considérer l’élève avant ses troubles. Comme vu précédemment, si on admet que l’élève souffre de prime abord des symptômes qui justifient notre présence à ses côtés, il devient possible de coopérer afin de travailler ensemble au dépassement de ses problèmes. Plus l’élève devient acteur de son développement et plus la relation d’accompagnement lui procure des résultats satisfaisants.
Propos recueillis par Julien Cabioch