Jeudi 5 septembre 2024, lors de la conférence de presse de rentrée de l’intersyndicale 93, les organisations syndicales ont présenté le premier état des lieux de la rentrée 2024. L’intersyndicale 93 déclare que « l’incendie ne s’est pas éteint » et que sa « détermination reste intacte ». Les chiffres de son enquête -à laquelle près de la moitié des établissements a répondu en quelques jours- révèlent des absences de professeurs et des besoins criants, et ce dès le premier jour de la rentrée. Cette enquête révèle également une résistance du 93 à la réforme du choc des savoirs et notamment un rejet massif de la mesure-phare de « groupes de niveau ».
Dans 81% des collèges, mise en place de groupes hétérogènes
Un peu plus de la moitié des collèges du département de Seine-Saint Denis ont répondu à une enquête sur les conditions de la rentrée 2024. Cette enquête révèle un rejet massif des groupes de niveaux par la communauté éducative. La mobilisation avait été elle-aussi massive dans le département, réunissant communauté éducative, personnels et familles, soutenus par de nombreux élus. Le modèle d’une École qui exclut et trie ses élèves a été rejeté en Seine Saint-Denis, territoire le plus pauvre de la France hexagonale.
Selon l’enquête, 81% des établissements n’ont pas mis en place des groupes de « niveaux » mais ont opté pour des groupes hétérogènes. 11% des collèges n’ont pas appliqué la réforme, c’est-à-dire n’ont pas mis en place des alignements de classe. Seuls 8% des collèges ont mis en place des groupes de niveaux. Majoritairement, la réforme n’a donc pas été mise en place, et l’esprit de la réforme a été rejeté. Pour l’intersyndicale, c’est « une victoire importante » et « une mise en échec radicale du projet de tri des élèves ».
« Un choc de la désorganisation »
Pour l’intersyndicale 93, la mesure des groupes -besoins ou niveau- qui éclate le groupe classe est « un choc de la désorganisation ». Elle parle de retours « ubuesques » d’établissements, et évoque notamment « une pépite » : une classe de collège a quatre enseignantes de lettres. Concrètement, cela signifie qu’un élève de 6ème a quatre professeurs en français.
La mise en place de la réforme des groupes de niveau a généré beaucoup de difficultés dans l’élaboration des emplois du temps. Pour répartir des élèves de classes en nombre de groupe supérieur, il faut aligner les cours ce qui génère de nombreuses contraintes d’emploi du temps par ricochet. Faute de moyens supplémentaires, des établissements ont dû renoncer à des dédoublements en cours de langues par exemple ou mettre fin à des dispositifs.
Une résistance silencieuse
Les organisations syndicales, soutenues par les familles, ont répété durant des mois de mobilisation « leur refus d’une école réactionnaire ». L’intersyndicale martèle son refus du tri social et sa vision d’une École émancipatrice pour toutes et tous. Comment cela se traduit-il sur le terrain ? L’enquête de l’intersyndicale révèle des pactes de silence entre les personnels. Les représentants des syndicats évoquent le cas de personnels de direction qui n’appliquent pas la réforme et qui font un pacte de silence avec leurs collègues. « Pas de vague ». La résistance sur le terrain prend aussi d’autres formes, silencieuses : de nombreux professeurs ont refusé la mission de professeur principal ou de toute mission supplémentaire. La résistance silencieuse met le doigt sur la crise du sens du métier mais aussi sur une des sources du mal-être des professeurs : la transformation du métier induite par les réformes libérales et réactionnaires met à mal les personnels, réduits à devoir (s’) exécuter et obéir.
Question de la rentrée : le 93 est-il l’arbre qui cache la forêt ou l’exception ? les prochaines semaines devraient nous le dire.
Djéhanne Gani