Dans un contexte politique inédit qui voit le parti du Rassemblement National aux portes du pouvoir, les Français sont nombreux à exprimer leurs inquiétudes au sujet des mesures sociales, économiques ou éducatives qui pourraient être prises dans un avenir proche. L’abrogation du droit du sol, la stigmatisation des citoyens français binationaux, le raccourcissement de la scolarité pour les élèves les plus en difficulté ou la promesse d’une exonération d’impôts pour les moins de 30 ans, alors que les services publics sont exsangues, sont des mesures qui dessinent les contours d’un projet xénophobe et anti-social. Au sujet de l’école en particulier, les enseignants rient jaune lorsqu’ils découvrent que les solutions miracles pour résoudre les nombreux problèmes qui gangrènent actuellement le système scolaire se cachent dans l’obligation du vouvoiement, le port de l’uniforme ou, fait plus préoccupant, la suppression des réseaux d’éducation prioritaire, permettant aujourd’hui de compenser la précarité socio-économique de certaines familles par une augmentation des moyens alloués aux établissements. Dans cette atmosphère incandescente et à l’heure où la France, regardée par le monde entier, s’apprête à accueillir les jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, nous souhaitons mettre à l’honneur des militants de l’ombre, qui œuvrent tous les jours dans des quartiers défavorisés pour aider les enfants et les adolescents à construire, par le biais des Activités Physiques Sportives et Artistiques (APSA), une culture commune fondée sur le partage des valeurs républicaines.
Des enseignants qui se battent pour améliorer le vivre ensemble
A l’occasion d’une enquête que nous avons réalisée dans 31 communes du département de la Seine-Saint-Denis, plus de 150 professeurs d’EPS ont eu la possibilité de donner leur point de vue sur l’école. Hommes ou femmes, débutants ou chevronnés, chacun a pu dire la façon dont il concevait son métier. Si des problèmes de violence ou d’incivilités existent bel et bien dans certains territoires oubliés, beaucoup d’enseignants montrent à travers leurs réponses, tout le courage et toute la détermination dont ils font preuve. Dans l’un des départements les plus pauvres de France, ils travaillent sans relâche pour que les inégalités sociales ne soient pas un prétexte au nivellement scolaire et que les apprentissages en classe puissent favoriser l’assimilation de règles nécessaires au vivre ensemble. Au sein d’une discipline scolaire à part entière et entièrement à part, ils tissent des liens singuliers avec leurs élèves et s’attachent à faire de l’EPS une vitrine pour celles et ceux qui sont moins habitués à briller à l’école. A ce propos, 83% des enseignants interrogés pensent que leurs élèves possèdent un rapport positif ou très positif à l’EPS. Cette estimation est globalement conforme au sondage réalisé par le SNEP-FSU en 2022 et vient illustrer une forte demande sociale de la part des élèves.
Des enseignants qui aiment ce qu’ils font et qui s’engagent auprès des jeunes
Plus de 80 % des professeurs d’EPS que nous avons sondés disent avoir une vision positive ou très positive du métier d’enseignant, tandis que moins de 5% expriment un avis négatif. Ces résultats, en contre-point des discours médiatiques habituels sur l’école et les banlieues, soulignent l’optimisme et les ambitions éducatives d’une profession dynamique, concernée par le devenir des enfants. Si 35% des enseignants estiment que la participation des élèves aux leçons d’EPS est globalement insuffisante, aucun n’est démissionnaire pour autant. A l’inverse, il semble que les enseignants cherchent à donner du sens à la discipline et aux apprentissages, en prenant régulièrement en compte les représentations des élèves. Ainsi, 72% déclarent se soucier des intérêts ou des préférences des apprenants, notamment quand ils entament un nouveau cycle. Cette attention particulière se répercute dans la programmation des activités physiques, mais aussi dans les pratiques pédagogiques des enseignants. Soucieux de proposer une EPS de qualité, adaptée au public scolaire, 66% déclarent enseigner des APSA en fonction des appétences des élèves. Ce critère est important pour tenter de mobiliser des adolescents qui pratiquent de moins en moins en dehors des cours d’EPS. Par ailleurs, il n’empêche pas les enseignants de plaider pour une ouverture culturelle de l’offre de formation, en intégrant également des activités physiques dont les élèves sont moins familiers. Ainsi, le step, la danse ou l’escalade sont de plus en plus programmés en EPS et trouvent généralement un écho favorable chez les jeunes.
Des enseignants résilients qui œuvrent pour l’éducation
En dépit de la fracture sociale et de la prolifération des inégalités, les enseignants d’EPS de la Seine-Saint-Denis se battent tous les jours, dans des conditions parfois difficiles, pour aider chaque élève à construire les bases de son émancipation future. Leur passion pour le métier, leur attachement à ce département et leur bienveillance à l’égard des nombreux élèves qu’ils accompagnent au quotidien, les poussent à faire de l’école en général, et de l’EPS en particulier, un lieu de culture et de vie sociale. L’arrivée de l’extrême droite au pouvoir, qui n’augure rien d’autre que la destruction des acquis sociaux, vient battre en brèche tout le travail éducatif qu’ils déploient depuis des années, à l’ombre des politiques publiques et souvent dans le silence des institutions. Lorsqu’il fait noir au pays des Lumières, il convient de rallumer en urgence le flambeau républicain. Les enseignants le savent et c’est la raison pour laquelle ils travaillent patiemment à éduquer les élèves au vivre ensemble, dans le respect des valeurs de l’école et de la république. L’idéologie que véhicule le Rassemblement National n’est pas une réponse aux problèmes de l’école et de la société. Continuons donc à soutenir la formation d’un futur citoyen éclairé, doué d’esprit critique et capable de vivre dans un monde où la stigmatisation des minorités et le dressage intellectuel appartiennent au passé.
Teddy Mayeko, Maitre de Conférences à l’Université de Cergy Paris
Maxime Seillier, professeur d’EPS agrégé en lycée à Drancy
Luca Rodriguez, professeur d’EPS agrégé en lycée à Goussainville