Les résultats de l’enquête Cèdre ne laissent pas de place au doute quant à la baisse significative des résultats en sciences en fin de collège. Dans ce rapport rendu public par la DEPP en juin 2024, le score moyen passe de 250 en 2013 à 238 en 2018. Les meilleurs élèves sont moins bons et le nombre d’élèves les plus faibles a doublé. Ces résultats concordent avec les enquêtes TIMSS et PISA.
Le niveau des garçons baisse davantage
L’enquête CEDRE (Cycle des Évaluations Disciplinaires Réalisées sur Échantillons) réalisé en 2018 dévoile 6 ans après ses résultats. « Ces évaluations apportent un éclairage qui intéresse tous les niveaux du système éducatif », peut-on lire dans le rapport de 272 pages. Les élèves de 3e sélectionnés répondent à une batterie de question sur un support numérique. En mai 2018, les 4685 élèves de 3e venant de 204 collèges ont été évalués à la fois sur les programmes de 2008 et de 2016 en SVT et en physique-chimie. Le test dure 1h30 et quelques élèves ont passé aussi une épreuve pratique. Voilà pour le contexte.
Côté résultat, le score moyen de 250 qui était stable depuis 2007 chute de 12 points en 2018. « Le score moyen des garçons a baissé de 16 points par rapport à 2007 et celui des filles de 10 points ». Les auteurs répartissent les élèves en 6 groupes de performance allant du très faible au niveau élevé. En 2013, il y avait 2.6% de niveau très faible, ce pourcentage monte aujourd’hui à 5.7%. Les élèves appartenant au groupe de niveau le plus élevé ne représentent plus que 5.3% en 2018 contre 9.2% en 2013.
Des difficultés pour les questions ouvertes
L’avantage de ce type d’enquête nationale est que les questions restent pour une grande partie identique d’une étude à l’autre. Par exemple, en SVT, sur une question à propos de la conquête du milieu de vie par les végétaux, de plus en plus d’élèves confondent fleurs, grains et fruits. Le score pour cette question passe de 83% de réussite à 72%. Pour une autre question portant sur le taux de dioxygène d’une rivière, le taux de réussite baisse de 7 points. « La lecture du document semble avoir été partielle », expliquent les auteurs.
En physique-chimie, 20.7% des élèves confondent étoiles et planètes. Seuls 11.6% des élèves interrogés savent classer par taille les objets : étoile, planète, galaxie et amas de galaxies. Les questions ouvertes attirent moins les collégiens. En effet, sur un item concernant le changement d’état de l’eau, « le taux de non-réponse atteint 14.34%, sans doute parce que c’est une question ouverte, ce qui peut décourager certains élèves ». Vive les QCM !
Une bonne maîtrise du microscope
Dans le rapport, les auteurs explorent les compétences des 6 groupes en explicitant ce qu’ils sont capables de faire, mais sans jamais indiquer ce qu’ils ne savent pas faire. Par exemple, les 5.7% des élèves appartenant au groupe le plus faible « sont capables de restituer des connaissances simples le plus souvent en relation avec leur vécu » et « connaissent les gestes manipulatoires de base » en physique-chimie. Les élèves du groupe le plus fort « manient avec rigueur le vocabulaire et le formalisme scientifique de l’infiniment petit à l’infiniment grand ». Ces collégiens savent écrire un résultat avec la bonne unité et font preuve d’un esprit critique dans l’analyse de situations complexes. Ceux du groupe juste inférieur à eux sont critiques seulement face à une expérience. En SVT, les élèves du groupe le plus fort sont capables d’analyser un antibiogramme, d’observer des cellules en division ou encore de critiquer un modèle. Près de 80% des élèves savent utiliser un microscope et maîtrisent certaines étapes de la démarche scientifique. Ouf !
En physique, la mobilisation des compétences mathématiques comme l’exploitation d’une expression littérale ou encore le calcul de moyenne est la clé pour faire la différence. Le rapport montre aussi un très faible taux de réussite (4.13%) pour un exercice sur une tâche complexe autour de la salinité de la mer Morte. « Le taux de non-réponse est de 30% ». Là encore, la faiblesse de l’argumentation, les conversions erronées et l’utilisation partielle des documents sont relevées.
« La multiplicité des supports est un frein »
Pour les travaux pratiques, 70% des élèves interrogés réalisent correctement un circuit électrique simple avec deux lampes en dérivation. Ils étaient 90.5% à maîtriser ce type de montage en 2007. Pour la mesure de l’intensité, seuls 57% réussissent à placer l’ampèremètre en série. Ces séances de TP mettent en évidence la place importante de l’enseignant face à l’ordinateur. « L’élève prend davantage confiance et se décourage beaucoup moins vite que lorsqu’il se trouve seul devant l’ordinateur ».
En SVT, l’aspect le plus positif vient peut-être au chapitre sur la reproduction et la sexualité. « Tous les élèves identifient un moyen de contraception protégeant des IST. Dès le groupe 1, les collégiens connaissent l’existence de tests de dépistage du VIH », indiquent les auteurs.
De l’importance du bulletin scolaire
Dans les épreuves pratiques en SVT, un très grand nombre d’élèves confondent « résultat » et « interprétation ». La notion de témoin est moins bien maîtrisée également. De plus, quand il s’agit d’exploiter plusieurs documents de nature différente, les difficultés rencontrées sont importantes ». La multiplicité des supports semble être un frein à l’investigation », tranchent les 22 spécialistes de la DEPP. Quant à la construction d’un simple tableau, 24% le font sans même tracer des lignes. « Où est la règle ? », questionnent les auteurs.
En géologie, seule la moitié des élèves maîtrisent les concepts d’ères géologiques, de formation des roches et de formation de fossiles. La théorie de Wegener sur le déplacement des plaques n’est pas du tout maîtrisée. 22% des items du questionnaire portaient sur la partie planète Terre.
Enfin, les auteurs constatent que « si le travail était pris en compte dans l’évaluation globale de l’élève (bulletin), celui-ci s’impliquerait davantage que ce soit en activité expérimentale qu’en évaluation écrite ». La fameuse question avant la séance : « est-ce que c’est noté ? »
Moins de 15 minutes de travail personnel par semaine
Le rapport permet aussi d’en savoir plus sur les conditions de l’enseignement des sciences expérimentales dans l’hexagone. Seuls 75% des enseignants de sciences déclarent disposer d’une salle spécialisée de façon récurrente. Ce chiffre est à mettre en relation avec l’enquête TIMSS de 2019. Ici 32% des enseignants déclarent faire souvent manipuler les élèves. Au-delà des laboratoires et des aspects matériels, la question des groupes est aussi centrale et n’est malheureusement que peu évoquée dans ce rapport.
Le questionnaire élève fait apparaître que 40% des élèves aimeraient exercer une profession scientifique (contre 33 % en 2013). La biologie et la chimie font partie des disciplines les plus appréciées. « Une grande majorité des élèves estime être bien accompagnée par leurs professeurs de sciences dans leurs apprentissages ». Pour le travail personnel, le temps de travail se réduit à peau de chagrin. « 43% déclarent travailler les sciences moins de 15 minutes par semaine ». Seuls 5 % travaillent plus d’une heure par semaine. Est-ce les mêmes qui sont dans le groupe des plus forts ?
Enfin, cette enquête CEDRE met en lumière les nombreuses sorties, voyage et club de sciences organisés au cours de l’année. « 29% des enseignants ayant répondu au questionnaire ont fait appel à un intervenant extérieur durant l’année ». 28% ont préparé une exposition, 46% ont effectué une sortie et 11% ont participé à un concours avec la classe.
La nouvelle étude CEDRE sur les sciences a été faite pendant ce mois de mai 2024.
Julien Cabioch
Dans le Café
Quel avenir pour l’enseignement des sciences ?
http://cafepedagogique.net/2023/01/31/quel-avenir-pour-lenseignement-des-sciences/
TIMSS : Que retenir pour l’enseignement des sciences au collège ?
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2020/12/08122020Article637430181218329432.aspx.html
Sciences au collège : un flou entretenu
http://cafepedagogique.net/2023/03/07/sciences-au-college-un-flou-entretenu/