« L’ensemble des priorités fixées pour la rentrée 2024 peut au fond se résumer à une seule : assurer la cohésion sociale dans l’École et par l’École, pour ne laisser aucun élève sur le bord du chemin. Cette exigence est au cœur du métier et de l’engagement professionnel de chaque personnel de l’éducation nationale. Elle en fait la force et en impose le respect », écrit Nicole Belloubet en introduction de la note de rentrée 2024. Une phrase qui résonne au moment où l’extrême droite est aux portes du pouvoir. Si la circulaire de rentrée ne fait que rappeler les mesures déjà annoncées, elle se veut une feuille de route de l’année scolaire à venir pour les équipes pédagogiques. Pourtant, ni Nicole Belloubet ni les lecteurs et lectrices du Café pédagogique ne sont dupes. Peu de chances que cette feuille de route soit toujours d’actualité le 8 juillet prochain…
La cohésion par la progression de chacun : réactiver l’École comme ascenseur scolaire et social
« L’École de la République est un vecteur d’ascension sociale grâce à l’engagement de ses professeurs et de l’ensemble des personnels. Mais nous pouvons encore mieux », écrit Nicole Belloubet qui compte sur l’exigence pédagogique, « notamment pour la transmission des savoirs fondamentaux ». « Elle est la condition première d’une réelle égalité des chances », ajoute la ministre. Dans le premier degré, trois évolutions : la nouvelle manière d’enseigner les mathématiques et le français en cycle 1 et en cycle 2 (référence aux programmes qui pourtant ne sont toujours pas actés), la labellisation des manuels scolaires (là encore, aucun texte officiel n’est paru) et les évaluations nationales qui « seront déployées en début d’année pour chaque niveau scolaire ».
Dans le second degré, « une nouvelle ambition est affirmée pour le collège », « lieu du « grand écart » entre les élèves les plus à l’aise et ceux en difficulté ». « Le collège unique doit retrouver sa capacité à amener chaque élève au plus haut de ses aptitudes », affirme la ministre qui estime que le choc des savoirs et les groupes de besoins poursuivent cet objectif. « Si la mise en œuvre organisationnelle de ces groupes peut bien sûr présenter, par son caractère inédit, une certaine complexité, elle permet avant tout une transformation des pratiques d’enseignement et facilite la prise en charge différenciée des élèves. En aucun cas, elle ne saurait aboutir à la constitution de groupes pérennes d’élèves en difficulté ni constituer une forme de « tri scolaire ». La mise en place des groupes de besoins constitue au contraire une opportunité, pour les professeurs qui les encadreront, de travailler ensemble leurs progressions pédagogiques et d’atteindre l’objectif d’une réelle différenciation pédagogique pour ne laisser aucun élève au bord du chemin » plaide Nicole Belloubet qui rappelle aussi la transformation du diplôme national du brevet. Les épreuves terminales compteront désormais pour 60 % de la note finale, au lieu de 40 % actuellement. On notera l’absence de référence à la Prépa seconde censée se généraliser en 2025 pour les élèves qui auront échoué au DNB.
La cohésion par la lutte contre toutes les formes d’assignation
« Notre institution a pour mission de s’élever contre toutes les barrières sociales, géographiques ou culturelles qui freinent la réussite et l’ambition de nos élèves. Il en va de leur réussite personnelle, mais aussi de la pérennité d’un contrat social fondé sur l’émancipation individuelle et la cohésion nationale », écrit la ministre de l’Éducation nationale. Pourtant rien dans les lignes suivantes pour répondre à cet enjeu. Nicole Belloubet appelle à a poursuite de la revalorisation des internats, notamment des internats d’excellence ruraux et à favoriser la diversification et l’excellence de l’offre éducative dans les établissements les moins favorisés ou les plus isolés. Elle promet aussi la refonte de la carte de l’éducation prioritaire, et la poursuite de la politique d’ouverture sociale des établissements privés sous contrat ainsi que des établissements publics les plus favorisés.
Sur l’inclusion, là encore, aucune nouveauté. La circulaire rappelle que les AESH seront rémunérées par l’État sur la pause méridienne. Alors que les PAS – les Pôles d’Appui à la Scolarité – font la quasi-unanimité contre eux, le gouvernement annonce leur expérimentation dans quatre départements.
« L’émancipation des élèves et la lutte contre les inégalités passent également par la culture », écrit Nicole Belloubet. À cette fin, dans le premier degré, les recteurs devront veiller à « élaborer et suivre une feuille de route pour permettre à tous les élèves de bénéficier d’actions d’éducation artistique et culturelle ». Dans le second degré, l’année devrait être « marquée par la refonte des programmes des cycles 3 et 4, mais aussi par une réflexion plus globale sur la place de la culture générale, et notamment de l’histoire des arts au collège ». Promesse présidentielle oblige, « sans attendre ces travaux, cette nouvelle année verra le renforcement de la pratique théâtrale au collège ».
« La lutte contre les assignations implique également que l’École soit le lieu de la fabrique du citoyen et lutte contre tous les stéréotypes qui enferment nos élèves dans un système de représentation qui freine leurs ambitions », indique la circulaire. Au premier chef de cette lutte, la laïcité. « Appliquer le principe de laïcité, c’est refuser d’assigner un élève à ses convictions religieuses, réelles ou supposées, pour ne voir exclusivement en lui qu’un élève et un enfant de la République ». Pour mieux préparer les élèves « à l’exercice de la citoyenneté », la ministre table sur les nouveaux programmes d’EMC et sur… une autre promesse présidentielle, le SNU. « Le SNU s’inscrit ainsi comme un prolongement pratique du programme d’EMC, un espace et un temps d’apprentissage collectif de la citoyenneté, qu’il convient de préparer et d’accompagner sur le plan pédagogique ».
Afin de promouvoir l’égalité entre les filles et les garçons, la ministre promet un travail de fond « sur les pratiques pédagogiques non stéréotypées, notamment en mathématiques, de la maternelle à la terminale ». Et pour lutter contre la violence, c’est sur la généralisation des cours d’empathie et el renforcement du dispositif Phare que la ministre table.
La cohésion autour de l’École et de ses personnels
« La cohésion que permet l’École doit présider à son propre fonctionnement : cohésion entre l’institution et ses personnels, notamment face aux violences ; cohésion de l’ensemble de la communauté éducative ; cohésion autour de ses valeurs (…) La République repose sur ses professeurs et les professionnels de l’éducation, parce qu’ils l’incarnent et qu’ils lui dédient leur vie professionnelle afin de permettre à chacun d’aller au plus haut de ses potentialités et de s’épanouir. Il ne peut donc y avoir ni lâcheté, ni faiblesse, ni tiédeur lorsque la sécurité, mais aussi la réputation de nos personnels, notamment sur les réseaux sociaux, sont mises en cause », écrit Nicole Belloubet. Si cette phrase sonne comme une promesse, pourtant concrètement, aucune réponse n’est apportée aux difficultés rencontrées par l’École et ses personnels. La ministre rappelle seulement la création d’une force mobile, au niveau national, en cas de crise. Elle demande aussi que les AED participent à la sécurisation des « enceintes scolaires du premier et second degré » au sein des réseaux d’appui éducatif existants en éducation prioritaire. Nouvelle mission des AED : agents de sécurité.
La cohésion sociale par l’avenir que prépare l’École : construire dès à présent l’École du futur
« L’École est aussi la fabrique de notre avenir, ce qui implique non seulement qu’elle s’adapte, mais qu’elle anticipe les besoins de nos élèves comme de leurs familles dans une société et un monde en mutation de plus en plus rapide », est-il écrit dans la circulaire. À cette fin, « l’École doit jouer un rôle déterminant dans l’usage raisonné des écrans et l’appropriation d’une culture numérique responsable ». La ministre annonce que « les outils numériques seront strictement limités et les outils individuels, proscrits à l’école maternelle, et les élèves seront sensibilisés à leur usage raisonné au cours de l’école élémentaire ». « Au collège, une « pause numérique » sera expérimentée au sein de collèges volontaires (…), de telle sorte que l’interdiction de l’usage du portable prévue par la loi soit effective ».
Concernant la protection de l’environnement et la transition écologique, « nous devons poursuivre notre effort autour de deux axes : améliorer le niveau de connaissances et la compréhension des enjeux pour faciliter la prise de conscience, favoriser l’engagement individuel et collectif pour une action concrète au sein et à proximité des écoles et des établissements ».
Les angoisses des élèves face à tous ces nouveaux défis exigent « des actions résolues », assure Nicole Belloubet. Pour autant, dans les lignes suivantes, nulle trace de ces « actions résolues » à part un rappel de la revalorisation des infirmières et personnels sociaux. Pas d’annonce de recrutement supplémentaire de ces personnels ou de PsyEN qui font cruellement défaut.
Concernant la santé physique, la ministre compte sur l’action des 30 minutes d’activité physique par jour et de la semaine olympique et paralympique qui sera pérennisée.
« Plus que jamais, notre société a besoin d’école. Besoin d’école pour porter chacun au plus haut de ses aptitudes, pour réduire les inégalités et pour construire notre avenir commun. Besoin d’école pour faire tomber les barrières invisibles de la division, de l’affaiblissement et du désenchantement. Besoin d’école pour tenir cette ambition, née avec Condorcet et les débuts de la République, de construire une société de femmes et d’hommes libres, égaux et fraternels », conclut Nicole Belloubet. Là encore une belle promesse. Pourtant en charge du ministère de l’Éducation nationale depuis cinq mois, rien dans ce que la ministre a mis en place ne permet de la tenir. Au contraire, son gouvernement, et les précédents sous Macron, n’ont eu de cesse de tout faire pour que cette promesse devienne un vœu pieu…
Lilia Ben Hamouda